Cristina de Borbón et son mari, Iñaki Urdangarin, le 11 janvier, à Palma de Majorque, jour de l’ouverture de leur procès pour corruption.

Le 11 janvier, devant les caméras qui retransmettent, en direct et en continu, la première journée du procès dont elle est l’une des accusées, l’infante Cristina ressemble à une statue, droite sur sa chaise, immobile pendant des heures, le visage sérieux, le regard plongé dans le vide, la mine déconfite, des cernes noirs sous les yeux.

Plus de 500 journalistes sont accrédités pour suivre le dernier acte de la descente aux enfers de la fille cadette de l’ancien roi Juan Carlos, la sœur de l’actuel, Felipe VI, au sixième rang pour la succession au trône.

Le procès de Cristina de Borbón, accusée de fraude fiscale dans le cadre de l’affaire Noos, du nom de l’institut prétendument sans but lucratif qui aurait permis à son époux, Iñaki Urdangarin, de détourner plus de 2,6 millions d’euros de fonds publics, n’est pas celui d’une affaire de corruption comme les autres, dans une Espagne qui ne les compte plus. A l’issue de la première audience, le procès a été suspendu jusqu’au 9 février, le temps de l’examen des points de droits soulevés par la défense de Cristina et d’autres prévenus.

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Symbole du discrédit qui frappe toutes les institutions, sans exception, et de la crise politique et morale qui s’est ajoutée à la crise économique, l’affaire Noos a provoqué, en 2011, quand elle a éclaté, une tempête sur l’institution monarchique. Les Espagnols se sentent trahis par le couple modèle, sympathique et simple, que semblaient former Cristina de Borbón et Iñaki Urdangarin.

Elites corrompues

Le fait que les affaires de corruption, qui frappent tous les partis, puissent toucher aussi des membres de la famille royale, dont la seule obligation est de faire preuve d’un comportement exemplaire, renforce l’idée de l’impunité des « élites ». La Couronne, jusque-là jugée moderne, et appréciée pour son rôle durant la transition démocratique de l’après-Franco, est tombée en disgrâce. La cote de popularité de Juan Carlos n’a cessé de chuter et le scandale a contribué à sa décision d’abdiquer en 2014.

« Il n’y a pas assez de pain pour tant de “chorizos” » (surnom donné aux corrompus) est devenu l’un des refrains de l’indignation qui a crû outre-Pyrénées d’autant plus vite que les Espagnols se trouvaient soumis à une dure politique d’austérité (avec une explosion du chômage et de la pauvreté) lorsque le scandale a éclaté. C’est sur ce terreau qu’a germé le sentiment qu’une nouvelle transition était nécessaire, une idée portée par les jeunes partis qui sont apparus récemment sur l’échiquier politique espagnol, Podemos en tête.

Depuis 2013, le couple et leurs quatre enfants ont quitté Barcelone pour la Suisse, où ils tentent d’échapper à la pression médiatique.

En juin 2015, Felipe VI a retiré à sa sœur le titre de duchesse de Palma, que lui avait accordé en 1997 son père, Juan Carlos, en guise de cadeau de mariage. Il tente ainsi d’instaurer une sorte de cordon sanitaire entre l’institution monarchique qu’il représente et la « brebis galeuse » de la famille royale, dans la crainte que, comme son père avant lui, il ne paie pour les frasques de son beau-frère. Dans une Espagne qui aspire au changement, aucune précaution n’est de trop.

Un couple mis sur la touche

L’infante est aujourd’hui seule. Il semble très loin le temps où la jeune fille de 19 ans suscitait la sympathie du pays qui la voyait s’asseoir, queue-de-cheval et jean, dans les amphithéâtres de l’université de la Complutense aux côtés des jeunes de sa génération, comme une étudiante ordinaire, avant de devenir, cinq ans plus tard, la première femme de la famille royale à posséder un titre universitaire.

Son époux, l’ancien champion olympique de handball Iñaki Urdangarin, l’ex-gendre idéal, beau et sympathique garçon, est fui comme la peste. Dès la fin de l’année 2011, il a été banni des cérémonies officielles par la Casa Real (le Palais royal). Le Musée de cire de Madrid a même pris soin d’éloigner son mannequin, en tenue de soirée, de ceux du reste de la famille royale, pour le reléguer, en short, dans la partie réservée aux sportifs de haut niveau.

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En 2013, peu avant la saisie par la justice de leur somptueuse demeure de Barcelone, le couple, hué, vilipendé, et ses quatre enfants, s’est installé en Suisse pour fuir la pression médiatique. Aujourd’hui, les Espagnols observent la chute de ce couple qui semblait

parfait il y a encore cinq ans, comme s’ils ­savouraient leur revanche et cherchaient la preuve qu’aujourd’hui la justice est la même pour tous.

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