Le choix de ne pas utiliser de produit d’origine animale pourrait être sanctuarisé dans la province canadienne de l’Ontario, ouvrant la porte à des scénarios ubuesques.

En février 2016.

Avez-vous un profond respect des animaux et de leurs droits ? Avez-vous choisi de n’utiliser ni de consommer de produits d’origine animale pour des raisons éthiques ? Etes-vous végétarien ou végan pour des raisons éthiques ? Si vous répondez oui à l’une de ces questions, vos choix sont en passe d’être reconnus comme une « croyance » (creed) et protégés selon la législation sur les droits de l’homme en Ontario (Canada).

Engagée dans une procédure de révision des textes sur les droits de l’homme (Human Rights Code), la commission ad hoc de la province a rendu ses conclusions selon lesquelles « une croyance non religieuse qui influence de manière substantielle l’identité, la vision du monde et le mode de vie d’un individu, peut être considérée à l’égal d’une religion ». Autrement dit, les végans pourraient être assimilés à des catholiques ou à des bouddhistes et bénéficier des mêmes protections que celles en vigueur contre toute discrimination raciale, sexuelle ou religieuse.

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Dans ses considérations, la commission ne mentionne pas spécialement le véganisme, mais ses adeptes ont été les premiers à se réjouir. Ainsi Camille Labchuk, directrice exécutive de l’ONG Animal Justice, qui milite en ce sens, précise sur son blog que, si la mesure était votée,

« une école ou une université aurait l’obligation d’« accommoder » [to accommodate] tout étudiant en biologie qui refuserait de pratiquer une dissection animale en raison de sa croyance ; un employeur aurait l’obligation d’« accommoder » un salarié qui ne pourrait porter une tenue comportant des éléments d’origine animale (cuir, laine, fourrure, etc.) en raison de sa croyance ; un employeur devrait développer une culture d’entreprise n’excluant pas les végétariens ou les végans lors d’événements professionnels qui auraient lieu dans un steakhouse et offrant une solution alternative tenant compte de leur croyance ».

Un univers d’ersatz industriels

Les opposants à cette « équivalence droit de l’homme » accordée aux végans soulignent que c’est la porte ouverte aux scénarios les plus absurdes. Que va-t-on faire des allergiques au gluten, des intolérants au lactose ou de celui qui se fait embaucher dans un restaurant « BBQ » (barbecue) et se plaint de n’être pas « accommodé » ? Plus sérieusement, l’absence de menu végétarien à un séminaire d’entreprise relève-t-elle des droits de l’homme au même titre que la discrimination raciale ou la persécution religieuse ? Il est permis d’en douter et on cherche en vain des agressions ou des attentats antivégans commis par des terroristes carnivores.

Cette nouvelle foi végane a pourtant le vent en poupe (le glacier Amorino vient de sortir des sorbets 100 % végans), portée par des arguments imparables – lutte contre la souffrance animale, préservation de la planète, principes éthiques – qui s’attachent plus à détruire un mode de vie séculaire qu’à décrire un futur végan.

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L’absence de menu végétarien à un séminaire d’entreprise relève-t-elle des droits de l’homme au même titre que la discrimination raciale ou la persécution religieuse ?

On peut aisément en imaginer les grandes lignes en se fondant sur le dogme : ni viande, ni poisson, ni lait, ni œufs pour s’en tenir aux seuls versets alimentaires. Ce qui signifie plus d’élevage, plus de pêche, plus d’aquaculture, plus de vaches dans les prés, plus de basse-cour dans les fermes. Ce qui entraîne la disparition des bouchers-charcutiers, des poissonniers, des pêcheurs, des conserveurs, des bergers, des fromagers, des pâtissiers, etc.

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Et la perspective d’une alimentation à base de fruits et légumes, riz, algues, graines germées ou non, avec le soja comme principal gisement de protéines. Un univers de soupes, tofu et ersatz industriels bourrés d’additifs, tel le steak in vitro ou la mayonnaise sans œufs. Il faut effectivement avoir la foi pour y croire.

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