Le Monde | 17.06.2016 à 14h42 • Mis à jour le18.06.2016 à 14h59 |Par Agnès Gautheron

La photographe allemande Lia Darjes a recueilli pendant deux ans images et témoignages de musulman homosexuel.

La série « Ame musulmane-Cœur gay » est le fruit de rencontres avec des homosexuels et transgenres de confession ou de culture musulmane. Ici, Asma et son amie à Londres.

« Homosexualité et islam sont-ils irréconciliables ? » C’est en rencontrant un imam parisien prônant l’ouverture envers les homosexuels que la photographe allemande Lia Darjes a eu envie de se pencher sur cette question. Interpellée par le sort réservé aux gays dans la plupart des Etats de culture musulmane, elle a cherché à comprendre les racines de cette homophobie. Cette même haine qui a poussé Omar Mateen à commettre un massacre dans une boîte gay d’Orlando, dans la nuit du 11 au 12 juin.

El-Farouk et son mari Troy, à Toronto. « Quand vous êtes gay et que vous grandissez dans une famille juive, chrétienne ou musulmane acquise à ce genre d’interprétation, la violence spirituelle consiste à vous bourrer le crâne de l’idée que vous avez un défaut terrible, irrémédiable. C’est pourquoi les gays finissent souvent par perdre la foi. »

« C’est l’histoire de Sodome et Gomorrhe qui sert habituellement de référence dans le Coran comme dans la Bible », note-t-elle dans le texte de présentation de son travail « Ame musulmane – Cœur gay ». S’appuyant sur les études de spécialistes des religions, elle relève que tout est affaire d’interprétation : « Selon des musulmans progressistes, le Coran ne dit pas clairement que l’homosexualité est un péché », écrit-elle. De 2013 à 2015, elle est allée à la rencontre de musulmans gay pour comprendre comment ils vivent cette double identité.

« Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas comprendre qu’il y a différentes façons d’être musulman ? Pourquoi sont-ils capables de l’accepter pour le christianisme et le judaïsme et pas pour l’islam ? » Samira, Toronto

El-Farouk et Troy à Toronto, Daayie à Washington, Ludovic à Paris… Tous affirment avoir dû faire face doublement aux préjugés. « Je viens d’un pays où être lesbienne peut vousvaloir la peine de mort », lui a confié à Toronto Samira, d’origine iranienne, qui, bien qu’athée, se considère de culture musulmane. « J’ai grandi dans une famille non pratiquante mais après

le 11-Septembre, je suis soudainement devenue musulmane dans le regard des autres. Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas comprendre qu’il y a différentes façons d’être musulman ? Pourquoi sont-ils capables de l’accepter pour le christianisme et le judaïsme et pas pour l’islam ? 
» Au lendemain de l’attaque d’Orlando, le travail de Lia Darjes prend une nouvelle résonance.

Daayie, imam, à Washington. « Je me suis converti à l’islam il y a 34 ans. En tant qu’imam ouvert et homosexuel, je comprends les souffrances des gays musulmans. L’islam  n’est pas uniquement une religion ou une croyance, c’est aussi un projet de vie qui dépend de la culture environnante. À partir du moment où Allah démontre que la création est un lieu d’une grande diversité, la question devient : la respectons-nous ? »

Lire aussi : Orlando : le tireur était un client régulier du Pulse

  • Agnès Gautheron

    Journaliste au Monde

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