Convaincues que la cuisine est un moteur d’insertion, dix jeunes femmes ont garé leur camion-restaurant au camp de La Linière à Grande-Synthe. Au menu, des repas servis aux réfugiés et des cours de cuisine.

Les cuisinières du projet solidaire Le Recho prévoient de rester à La Linière jusqu’en septembre.

Si dans la « jungle » de Calais les échoppes illicites sont la cible de batailles judiciaires à répétition, le camp de La Linière à Grande-Synthe, dans le Nord, compte lui plusieurs structures de restauration bénévoles solides. Et cette semaine, avec le soutien des associations déjà sur place, c’est un camion restaurant – le premier aux normes humanitaires – qui vient de débouler, avec à son volant et ses fourneaux dix jeunes femmes radieuses et survoltées.

« Nous voulons ramener un peu de plaisir là où il n’est plus question que de survie. » Vanessa Krycève, initiatrice du projet

Le Recho (acronyme de « Refuge, Chaleur, Optimisme ») est une initiative solidaire qui, à l’heure de la crise migratoire, met du baume au cœur. Composée de cuisinières mais aussi de comédiennes et de communicantes passionnées de gastronomie, l’énergique petite clique a imaginé ce food truck pour « nourrir, créer du lien et favoriser l’insertion des réfugiés à travers des repas et des ateliers de cuisine ». « Nous voulons ramener un peu de plaisir là où il n’est plus question que de survie, explique Vanessa Krycève, l’initiatrice de ce projet novateur qui a vu le jour au printemps. La cuisine est un vecteur de lien social fort, tourné vers la vie et la communauté. C’est aussi un moteur d’insertion, puisque la restauration en France représente plus de 200 000 emplois, dont 34 000 à pourvoir en cuisine : autant de chances pour ces réfugiés de se construire un avenir ici. »

Nourrir, rassembler, former, leur ambition est vaste. La fine escouade envisage, dans les mois à venir, de circuler de la France à la Grèce, en passant par des camps en Belgique ou en Allemagne, en utilisant la popote comme outil et langue universelle. Après avoir réussi leur campagne de financement participatif (32 500 euros levés sur KissKissBankBank en juin et juillet), les voilà lancées.

« Ces filles m’ont ému par leur courage et leur sincérité, commente le chef Akrame Benallal qui a souhaité s’associer à cette entreprise. Elles n’ont aucun agenda politique ou commercial, elles font juste ça pour faire du bien. Et la cuisine, c’est l’un des meilleurs moyens pour oublier ses soucis, échanger des émotions, partager du bonheur. »

100 à 200 déjeuners par jour

Jusqu’à début septembre, le Recho fera donc la tambouille à La Linière, à raison de 100 à 200 déjeuners par jour. Légumes, céréales, graines, les chefs veulent une assiette « gourmande, vivante, variée, nutritive, végétarienne parce que c’est plus consensuel mais aussi plus éthique, moins cher et plus facile à stocker ».

Pour la chef Vanessa Krycève (de face),  les cours de cuisine peuvent aider les réfugiés à se reconstruire un avenir.

L’après-midi, la troupe animera des « ateliers de cuisines croisées » de 20 à 25 personnes, où les cultures et les origines se rencontreront et se mélangeront. L’objectif est de produire 400 repas du soir, autour de recettes kurdes, afghanes ou syriennes, selon les nationalités des participants. Le Recho a aussi sollicité l’aide des Incroyables Comestibles et du mouvement Colibris pour créer, sur le site, un jardin potager communautaire.

Vanessa Krycève et ses acolytes sont convaincues que, loin d’être superflue, la gastronomie est une nécessité pour réparer et redonner de la dignité aux individus qui ont tout perdu : « Quand tu pars en exil, que tu laisses derrière toi toute ta vie, qu’est-ce qu’il te reste ? Des souvenirs, des mémoires de goût, des recettes. Pour ces gens-là, la cuisine est peut-être le dernier refuge, mais aussi un tremplin vers le futur. »

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