Le Monde | 22.02.2016 à 06h40 |Par Ghazal Golshiri

A Téhéran, un groupe d’anonymes a lancé Gershad, une application collaborative permettant à chaque habitant de signaler sur une carte la position des agents de la police chargée de contrôler le respect des codes vestimentaires.

Une iranienne proteste auprès d'un policier l'ayant interpellée à propos de sa tenue et de ses cheveux le 23 avril 2007.

Avant de sortir dans la rue, toute Iranienne se regarde dans le miroir et se demande si ses cheveux ne sortent pas de son foulard, si son manteau n’est pas trop court ou son maquillage trop prononcé. Autant de précautions destinées à éviter d’avoir affaire à la police des mœurs, une brigade qui veille au strict respect des codes vestimentaires. Pour les femmes, le hidjab est obligatoire. Le corps doit être entièrement couvert, à l’exception du visage et des mains. Les hommes, eux, sont moins concernés, mais doivent éviter les coupes de cheveux excentriques et les tee-shirts ou pantalons trop courts.

Les contrevenants écopent au mieux d’un avertissement, au pire d’une amende, voire d’une interpellation et de quelques heures au poste. Pour contourner ces vigies installées la plupart du temps sur les places des grandes villes, un groupe de programmeurs iraniens anonymes a lancé début février l’application Gershad. Conçue selon la même logique que Waze (l’application de navigation qui géolocalise bouchons, accidents et contrôles de police partout dans le monde), elle permet à chaque Iranien de signaler la position de la brigade des mœurs sur une carte de Téhéran. Un petit policier apparaît sur le plan si un nombre suffisant d’utilisateurs l’a indiqué au même endroit.

Ne plus « être humiliés »

Les programmeurs de Gershad, qui souhaitent rester anonymes, sont des militants qui ne veulent plus « être humiliés » et souhaitent se battre pour leur « droit le plus évident », celui de « choisir [leurs] propres vêtements ».« Selon le chef adjoint de la police, entre mars 2013 et mars 2014, trois millions de personnes ont reçu des avertissements », peut-on lire sur leur site. « Nous avons décidé de nous battre pour résister et récupérer une partie de nos libertés de manière pacifique et avec moins de risques », expliquent-ils. Il faut dire que même si le président modéré Hassan Rohani – au pouvoir depuis août 2013 – avait promis davantage de libertés individuelles, pour l’instant, les mœurs sont toujours aussi surveillées.

L’annonce de la création de cette application a suscité des réactions très positives sur le Web iranien. Mais, sur Facebook, les questions fusent quant aux risques encourus par les utilisateurs de Gershad. « Et si la cyber-police arrive à accéder à notre adresse IP ? » Car, en Iran, recourir à une application pour contourner la loi n’a rien d’anodin. Les développeurs de Gershad ont encore fort à faire pour obtenir la confiance des internautes.

Le tutoriel vidéo de Gershad

  •  Ghazal Golshiri

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