La mode est une machine industrielle mondiale lancée dans une course au produit et au pouvoir. Cet aspect pragmatique peut faire peur, en tout cas, il produit aussi des emplois. Cela dit, les derniers défilés hommes de la fashion week parisienne mettent en valeur un autre aspect des choses : la nature quasi existentielle du vêtement. Au-delà de son côté mercantile et superficiel, il sert aussi à dire qui on est, comment on se sent face au monde et à la société, où l’on s’y situe. C’est complexe et subtil, mais c’est passionnant.  Olivier Rousteing, directeur artistique de Balmain, réfléchit aux valeurs historiques de la France et à ses propres origines. Nourrie par ce qui est moins une crise d’identité qu’un élan d’expression de soi, la collection s’inspire du style personnel de son auteur. On retrouve donc son « uniforme » quotidien sur le podium : des vestes tailleurs ¬déclinées en mosaïque de matières luxueuses (cuir, laine, soie, peaux exotiques, motifs fauves, clous) et des pantalons étroits. Avec un parfum de liberté sous influence américaine qui s’exprime dans les boots pointues ou les motifs de drapeau et d’étoiles des tee-shirts aux nuances noires et blanches patinées. Egalement sur scène, les mannequins filles présentent la précollection printemps et chaloupent dans des robes sculptures en dentelles et cuir, perchées sur des cuissardes-collants lacées. Le tout exprime un goût du maximalisme joyeux et populaire. Mais derrière l’éclat baroque existe aussi une forme de résilience, qui consiste à briller pour cacher des failles. Ici se croisent la personnalité du designer et celle de son client, deux figures qui dialoguent toujours, même inconsciemment, dans la mode. Les Suédois d’Acne studios ont choisi d’inverser les codes de ce rapport pour leur présentation : les invités passent par les cou¬lisses et « défilent » sur une scène pour observer les modèles assis sur des rangées de chaises. Les costumes à pantalons extra-amples aux couleurs faussement neutres, les débardeurs et gilets de mailles aux accents rétro et les maxi-manteaux à carreaux traduisent avec subtilitéce bizarre-chic-cool propre à la marque. Et si les vêtements sont assez simples, leurs détails étranges interpellent. Cette complexité inhérente à tout être humain résonne dans la collection de la marque japonaise Sacai. Avec ses mailles irlandaises transformées en blousons, ses pièces qui fusionnent imagerie western et sport, ses constructions acrobatiques et expressionnistes, elle transcrit avec beaucoup de grâce, d’originalité et d’évidence l’esprit en ébullition d’une jeune personne moderne.

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