L’enquête « Régionales 2015 » permet d’aller loin dans la compréhension des logiques de vote des électeurs de gauche. Elle permet notamment de contraster trois hypothèses qui peuvent rendre compte de la préférence pour le Parti socialiste plutôt que pour ses concurrents de gauche. La première renvoie aux caractéristiques socio-économiques des électeurs : les électeurs socialistes auraient des propriétés sociales différentes des autres électeurs de gauche. La deuxième renvoie à la politisation des électeurs : les électeurs socialistes auraient un rapport au système politique et à ses acteurs différents des autres électeurs de gauche. La troisième renvoie aux valeurs des électeurs : les électeurs socialistes auraient un système de valeurs différent des autres électeurs de gauche. La comparaison du profil des électeurs du Parti socialiste et des électeurs des autres partis de gauche est très éclairante. Les données invalident l’hypothèse sociologique. Les traits distinctifs de l’électorat PS sont minces, en dehors d’un aspect générationnel : les électeurs de gauche nés avant 1946 ont été très nettement plus favorables aux listes PS qu’aux autres listes de gauche (81 % ont voté pour les listes PS contre 19 % pour le reste de la gauche). Les travailleurs indépendants ont également exprimé une forte préférence pour le Parti socialiste (79 % ont voté pour les listes PS contre 21 % pour les autres listes de gauche), mais ils pèsent très peu dans l’électorat de la gauche. L’hypothèse du rapport au système politique et à ses acteurs est en revanche validée. Les électeurs du Parti socialiste se distinguent par une appréciation très positive du fonctionnement de la démocratie en France, et sans surprise, par une certaine satisfaction à l’égard de l’action de François Hollande depuis le début de son mandat présidentiel. Les électeurs du Parti socialiste sont les électeurs les plus intégrés au système politique : 75 % des électeurs de gauche estimant que la démocratie en France fonctionne très bien ont voté socialiste au premier tour des régionales, contre seulement 45 % des électeurs de gauche jugeant qu’elle fonctionne très mal. Cette dernière catégorie d’électeurs de gauche est d’ailleurs la seule, avec les très mécontents de l’action de François Hollande, à préférer voter pour un autre parti de gauche que le Parti socialiste : c’est peu. Au passage, le rapport à la menace du Front national ne semble pas être une motivation pour arbitrer entre les listes de gauche. Les résultats donnent également du crédit à l’hypothèse d’une différence de valeurs, notamment dans la dimension économique. Les électeurs de gauche les plus libéraux en économie ont nettement préféré le Parti socialiste à ses concurrents : 73 % de ceux qui jugent que la priorité pour l’économie française dans les prochaines années est la compétitivité plutôt que l’amélioration de la situation des salariés ont choisi une liste socialiste lors du premier tour des régionales. Dans la dimension culturelle, les électeurs de gauche les moins favorables aux immigrés semblent également préférer le Parti socialiste aux autres partis de gauche, mais la différence est plus ténue. Un modèle de régression logistique permet de vérifier si ses différentes relations sont statistiquement significatives une fois prises en compte les autres variables qui peuvent aussi compter. Les résultats montrent que trois des variables identifiées – un jugement positif sur le fonctionnement de la démocratie en France, une évaluation positive de l’action de François Hollande, une orientation libérale en économie – pèsent effectivement dans le choix du Parti socialiste plutôt que de ses concurrents.

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