[Revu et… corrigé] La chronique hebdomadaire de Lucien Jedwab, correcteur au « Monde ».
C’est la Semaine de la langue française et de la francophonie. Vais-je faire la moue ? Non. Quoique… Il aura été question des « menaces » qui pèsent sur le français, et même de sa « survie ». Un mot, en particulier, aura été écrit et prononcé : « invasion ».
En cause, l’anglo-américain, « cheval de Troie » d’une économie pas si virtuelle. Mais est-ce un hasard si les « firmes » de la Vallée de la Silicone ne s’appellent pas « Fenêtres » ou « Pomme » ? En tout cas, dans la patrie de Jeanne d’Arc, la résistance a tissé ses réseaux. Et quelques-uns de ces bug , chip , download , e-mail , hacker , hashtag , plug&play , reset , smartphone , streaming ou worm ont été supplantés par des mots compris à Domrémy comme puce ou ver. Alors même que d’autres peinent à s’imposer (on ne gagne pas une « guerre » au premier coup tiré) : ainsi mot-dièse ou téléphone intelligent. Et que d’autres encore font jeu égal, comme courriel (dû à nos amis québécois, qui sont sur la ligne de front) ou pirate.
Il faut dire qu’il y eut des précédents, au XIXe siècle, avec la Perfide Albion, qui prétendait contribuer à la régénération morale et physique de notre jeunesse. Nous y gagnâmes, entre autres, le tennis, le football ou le golf (pas le cricket, thank God ! ). Mais le français n’en est pas mort pour autant… Autre précédent, où des puristes, déjà, montèrent au créneau (les châteaux forts allaient pourtant perdre les leurs) : la Renaissance, avec son « envahissement » de mots italiens qui nous donnèrent ballet, banque, bombe, courtisane, escale, mascarade ou violon.
Conclusion ? Il n’y a pas de langue « pure ». Nos voisins par-delà le « Channel » en savent quelque chose : plus de la moitié de leur vocabulaire est d’origine… française. Et je ne pense pas aux « c’est la vie », « déjà vu » ou « bon appétit ». Mais à blue jean (bleu de Gênes) ou denim (toile de Nîmes) ; manager (ménager) ou ticket (estiquet) ; caddie (cadet) ou hockey (hoquet) ; poney (poulenet) ou poultry (pouletrie). Même tennis (« tenez ») et… sport (desport, « amusement ») en sont. Alors, un partout, la balle au centre ?