[Chronique] A 79 ans, le Cavaliere se remet tranquillement d’une opération à cœur ouvert. Avouons-le : nous avons plus de mal à nous remettre de certains de ses looks. Ici en 1986, taille patron. On dit que le costume fait l’homme. Mais, ici, il fait surtout le patron. Fils de banquier, devenu vendeur d’aspirateurs puis chanteur de charme, Silvio Berlusconi dirige désormais la holding Fininvest, deuxième groupe d’Italie. Autant dire qu’il doit soigner sa carrure. Son costume croisé 3 x 2 (trois lignes de deux boutons) vient de la maison Caraceni, célèbre pour avoir habillé Humphrey Bogart, Yves Saint Laurent, mais surtout Gianni Agnelli, patron de Fiat, le… premier groupe d’Italie. Sous-entendu : Silvio ne se contentera pas longtemps d’une place de dauphin.

Afin de lutter contre la concurrence étrangère, un décret royal réduit la teneur en matière grasse et œuf de la mayonnaise. Sacrilège !

Le couperet est tombé : l’arrêté royal « mayonnaise » a été publié au Moniteur belge, vendredi 10 juin. Traduction ?Le Journal officiel du royaume a inscrit dans la loi un texte qui ébranle l’un des fondements de sa culture et de sa gastronomie : la « mayo », qui nappe les barquettes de frites, caractérise la célèbre recette de tomates-crevettes et lie le filet américain – le steak tartare « made in Belgium » –, vit ses derniers jours sous sa forme ancestrale.


Sous le couvert d’une « modernisation de la législation alimentaire, parfois vieille de trente ou soixante ans », le ministre flamand de l’économie et de la consommation, Kris Peeters, a posé un acte qui confine au sacrilège. La teneur minimale en matière grasse de la mayonnaise sera abaissée de 80 % à 70 % et celle en œufs, de 7,5 % à 5 %.

Un appel à consommer plus « light »

Souci sanitaire ? Industriel plutôt : les entreprises belges devraient être mieux armées face à la concurrence étrangère qui, préservée des règles en vigueur au royaume, produit déjà des sauces à moindre coût, car comportant moins de matière grasse et d’œufs. Il fallait donc aider un secteur alimentaire qui compte « parmi les meilleurs au monde » – c’est le ministre qui le dit – et, surtout, pèse 90 000 postes de travail. L’indigeste réforme, qui a déclenché un torrent de protestations, semble d’autant plus inacceptable à beaucoup de puristes qu’elle est assortie d’un appel, jugé hypocrite, à consommer plus « light ».

Il est vrai, toutefois, que 45 autres textes de la loi belge sont en cours de révision tandis que la ministre de la santé publique Maggie De Block vient de signer une convention avec l’industrie alimentaire – des chocolatiers, des chaînes de fast-food et des cuisines collectives. Le but : réduire de 5 % la consommation de graisses, de sel et de sucres. L’intention est noble

et l’engagement du secteur, prétendument sincère.

Une image d’emblème national

On relève cependant que, faute de moyens, les contrôles seront presque inexistants. En outre, des nutritionnistes redoutent l’apparition, dans les aliments, de substances peut-être plus nocives que celles dont on veut limiter la présence.

Auréolée de son image d’emblème national, au même titre que le waterzooi de Gand, le sirop de Liège ou la tarte au riz de Verviers, la sauce mayonnaise déclenche les passions. Sur les réseaux sociaux, Kris Peeters est vilipendé, accusé de favoriser des produits qui contiendront des œufs de synthèse et de l’huile de palme. « Quand notre cher Auguste Escoffier[grand cuisinier français, mort en 1935] va apprendre ça, il va se retourner dans sa tombe », écrit un lecteur sur le site du Soir de Bruxelles.

Un autre, qui dénonce cette polémique « incroyable, alors qu’il y a des événements plus graves à traiter », se fait vertement rabrouer par un contradicteur : « Ah ! Et la mayonnaise sur vos frites, c’est pas primordial, peut-être ? » Précision – non superflue : redoutant sans doute l’impopularité, Kris Peeters a, en réalité, assorti sa loi d’un discret appendice disposant qu’un label « mayonnaise traditionnelle » sera autorisé. Plus chère, celle-ci devra comporter… 80 % de matière grasse et 7,5 % d’œufs ! Magique, le compromis à la belge.

2012, COUPÉ DÉCALÉ. Kim Jong-un a 30 ans, ou 29, ou peut-être 24, on ne sait pas trop, mais il vient de ­succéder à papa Kim Jong-il à la tête de la Corée du Nord, et il se plaît visiblement sur le trône. Comment pourrait-il en être ­autrement ? Déjà, les jeunes du pays se ­précipitent dans les salons de coiffure pour se rafraîchir la raie et se dégager le tour d’oreille. Bientôt, sa coupe bénéficiera de deux appellations officielles : « Ambition » et « Jeunesse ». Car qui a envie d’une coupe « Sénilité » ?

Le Monde | 17.06.2016 à 14h42 • Mis à jour le18.06.2016 à 14h59 |Par Agnès Gautheron

La photographe allemande Lia Darjes a recueilli pendant deux ans images et témoignages de musulman homosexuel.

La série « Ame musulmane-Cœur gay » est le fruit de rencontres avec des homosexuels et transgenres de confession ou de culture musulmane. Ici, Asma et son amie à Londres.

« Homosexualité et islam sont-ils irréconciliables ? » C’est en rencontrant un imam parisien prônant l’ouverture envers les homosexuels que la photographe allemande Lia Darjes a eu envie de se pencher sur cette question. Interpellée par le sort réservé aux gays dans la plupart des Etats de culture musulmane, elle a cherché à comprendre les racines de cette homophobie. Cette même haine qui a poussé Omar Mateen à commettre un massacre dans une boîte gay d’Orlando, dans la nuit du 11 au 12 juin.

El-Farouk et son mari Troy, à Toronto. « Quand vous êtes gay et que vous grandissez dans une famille juive, chrétienne ou musulmane acquise à ce genre d’interprétation, la violence spirituelle consiste à vous bourrer le crâne de l’idée que vous avez un défaut terrible, irrémédiable. C’est pourquoi les gays finissent souvent par perdre la foi. »

« C’est l’histoire de Sodome et Gomorrhe qui sert habituellement de référence dans le Coran comme dans la Bible », note-t-elle dans le texte de présentation de son travail « Ame musulmane – Cœur gay ». S’appuyant sur les études de spécialistes des religions, elle relève que tout est affaire d’interprétation : « Selon des musulmans progressistes, le Coran ne dit pas clairement que l’homosexualité est un péché », écrit-elle. De 2013 à 2015, elle est allée à la rencontre de musulmans gay pour comprendre comment ils vivent cette double identité.

« Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas comprendre qu’il y a différentes façons d’être musulman ? Pourquoi sont-ils capables de l’accepter pour le christianisme et le judaïsme et pas pour l’islam ? » Samira, Toronto

El-Farouk et Troy à Toronto, Daayie à Washington, Ludovic à Paris… Tous affirment avoir dû faire face doublement aux préjugés. « Je viens d’un pays où être lesbienne peut vousvaloir la peine de mort », lui a confié à Toronto Samira, d’origine iranienne, qui, bien qu’athée, se considère de culture musulmane. « J’ai grandi dans une famille non pratiquante mais après

le 11-Septembre, je suis soudainement devenue musulmane dans le regard des autres. Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas comprendre qu’il y a différentes façons d’être musulman ? Pourquoi sont-ils capables de l’accepter pour le christianisme et le judaïsme et pas pour l’islam ? 
» Au lendemain de l’attaque d’Orlando, le travail de Lia Darjes prend une nouvelle résonance.

Daayie, imam, à Washington. « Je me suis converti à l’islam il y a 34 ans. En tant qu’imam ouvert et homosexuel, je comprends les souffrances des gays musulmans. L’islam  n’est pas uniquement une religion ou une croyance, c’est aussi un projet de vie qui dépend de la culture environnante. À partir du moment où Allah démontre que la création est un lieu d’une grande diversité, la question devient : la respectons-nous ? »

Lire aussi : Orlando : le tireur était un client régulier du Pulse

  • Agnès Gautheron

    Journaliste au Monde

Le Monde | 16.06.2016 à 17h08 |Par Pierre Jaxel-Truer

A Kusadasi, en Turquie, un vieil Airbus vient d’être coulé pour attirer des plongeurs. Objectif : relancer la fréquentation touristique. Original ? Pas vraiment.

Juin 2016 : un avion plongé en mer Egée

A Kusadasi, en Turquie.

Aux grandes crises, les gros moyens. Dans la station balnéaire de Kusadasi, en Turquie, les réservations se font rares, sur fond de crise au Moyen-Orient. Afin de relancer le tourisme, les autorités ont donc décidé de couler un vieil Airbus A 300 en mer Egée, en espérant attirer les fans de plongée dans la région, avec cet appât aéronautique.

Février 2016 : des sculptures sous-marines aux Canaries

L’artiste britannique Jason deCaires Taylor au milieu de ses statues à Lanzarote aux Canaries.

Au large de Lanzarote, dans les îles Canaries, en Espagne, les touristes palmés peuvent d’ores et déjà nager au milieu des sculptures rassemblées dans le troisième musée sous-marin imaginé par l’artiste britannique Jason deCaires Taylor, qui sera inauguré cet été. Un geste artistique et politique : ces 250 statues représentent des migrants.

Novembre 2015 : un navire immergé dans le Pacifique

Rosarito Beach au Mexique, le 21 novembre 2015.

Plus imposant encore qu’un avion de ligne, mais moins incongru en mer, un ancien patrouilleur de l’armée mexicaine a été immergé fin 2015 au large de Rosarito Beach, en Basse-Californie, au Mexique. C’est le point de départ d’un plus vaste projet, censé devenir une sorte de parc d’attractions sous-marin.

Mai 2011 : un Tupolev coulé en mer Noire

Baie de Varna, Bulgarie.

Pour attirer le chaland à palmes et bonbonne d’oxygène, la Bulgarie n’a pas hésité à couler le Tupolev de Todor Jivkov, l’ancien dirigeant communiste du pays. Une sorte de plongée dans l’histoire… L’avion repose dans la baie de Varna, en mer Noire, à une vingtaine de mètres de profondeur.

Début 2008 : de l’art subaquatique à Cancun

A Cancun, au Mexique.

Le plus grand musée sous-marin du monde est né de l’imagination de Jason deCaires Taylor. Au large de Cancun, au Mexique, on peut circuler dans trois galeries sous-marines, entre trois et six mètres de fond. Environ 500 sculptures de cinq artistes ont été créées pour ce projet.

  •  Pierre Jaxel-Truer

    Journaliste au Monde
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Malgré la censure et les contraintes économiques, de jeunes cinéastes assurent la relève.

Le cinéma iranien profite-t-il de la (relative) ouverture de la République islamique ? Dans la foulée du double prix décerné à Cannes au Client, d’Asghar Farhadi, le festival Cinéma(s) d’Iran, qui vient de se tenir à Paris, a permis de constater la richesse du septième art persan. Pour sa quatrième édition, la manifestation a mis à l’honneur la comédie, un genre qui permet mieux que tout autre de critiquer la société. Quelques semaines plus tôt, à Téhéran, pas moins de 140 films étaient présentés au Festival Fajr, le rendez-vous de la production locale.

Mêlant films populaires et indépendants, le cinéma iranien ne s’est jamais aussi bien porté.

Si le cinéma iranien ne s’est jamais aussi bien porté, « il est aussi à l’image du pays qui le produit : rempli de paradoxes, souligne Nader T. Homayoun, président du festival Cinéma(s) d’Iran et réalisateur des Pieds dans le tapis. Nous possédons un cinéma très énergique, qui produit beaucoup. Et, en même temps, tout reste assez confidentiel, faute d’un modèle économique qui en permette la distribution. »

Deux catégories de films se distinguent : d’un côté, un cinéma populaire, subventionné et contrôlé par l’Etat, qui ne sort pas du pays car inadapté à un public étranger ; de l’autre, un cinéma indépendant, peu vu en Iran, mais apprécié des festivaliers et des cinéphiles. « Quelques films font exception, à l’image de ceux d’Asghar Farhadi qui sont populaires aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières », résume Nader T. Homayoun.

L’élection du modéré Hassan Rohani en 2013 avait créé un espoir de libéralisation de ce secteur. Mais dans les faits, peu de chose a changé, au grand regret des cinéastes iraniens. « Nous sommes accueillis avec le sourire, et le ministère de la culture donne l’impression d’une relative bienveillance, explique Nader T. Homayoun. Je n’ai pas vu pour autant une plus grande liberté d’expression. »

Un puissant système de censure

Le système de censure, instauré depuis la révolution, est toujours puissant, et chaque film qui souhaite obtenir une autorisation de tournage doit voir son script approuvé par les censeurs. Pas de sexe, pas de politique et, globalement, pas de films qui jouent de près ou de loin avec les interdits de la société iranienne. Les limites ne sont pas explicites et charge aux réalisateurs de se mettre à la place des censeurs et d’imaginer ce qui passera ou pas. « Depuis quelques années, apparaît une nouvelle génération de réalisateurs, capables de sortir des films à petits budgets et sans soutien de l’Etat. Ils représentent l’espoir du cinéma iranien », constate Negar Eskandarfar, directrice de la très réputée école de cinéma Karnameh, à Téhéran.

De gauche à droite : l’actrice Taraneh Alidoosti, le réalisateur Asghar Farhadi et l’acteur Shahab Hosseini lors d’une conférence de  presse à Téhéran, le 30 mai 2016. Leur film « Le Client » a été primé au Festival de Cannes.

Ces trentenaires connaissent bien les contraintes économiques parce qu’ils ont commencé par le court-métrage et le documentaire avant de se lancer dans le long-métrage. C’est le cas de Behtash Sanaeeha, qui a tourné Probable pluie acide, son premier film, grâce à des financements privés. Le propre de cette génération est aussi d’avoir appris à se jouer de la censure en usant de procédés toujours plus créatifs – comme une conversation au téléphone, qui suggère plus qu’elle ne montre.

« La reconnaissance du public »

Des films comme Une rébellion ordinaire, de Hamed Rajabi (qui raconte l’histoire d’une femme se révoltant après une fausse couche) ou Au cas où, de la réalisatrice Faezeh Azizkhani traitent de sujets qui demeurent délicats pour la censure. Et impossible de savoir à l’avance s’ils passeront à travers les mailles de son filet, car les limites de ce qui est permis ou pas ne sont jamais clairement définies.

Lire aussi : « Le Client » : Farhadi revient dans le dédale de Téhéran

Les débordements de joie qui ont déferlé sur le Twitter iranien lorsque Le Client a remporté ses prix, et les centaines de personnes qui ont accueilli Asghar Farhadi à l’aéroport de Téhéran montrent l’engouement et la fierté des Iraniens pour leur cinéma. Attirés par les succès internationaux et aidés par les facilités du numérique, les jeunes réalisateurs et acteurs sont chaque jour plus nombreux. « Le talent existe déjà dans le cinéma indépendant iranien, conclut la directrice de l’école Karnameh. Il ne manque que le système économique qui leur permette d’avoir la reconnaissance du public. »

Jonathan Vayr

La pénurie d’hébergements pour les migrants contraint les autorités néerlandaises à ouvrir les établissements pénitentiaires laissés à l’abandon.

Des Syriens, des Afghans, quelques Libyens, deux ou trois Algériens, un Marocain : tous sont demandeurs d’asile aux Pays-Bas. Et profitent de la liberté que leur offre le royaume… en prison. Confrontées à des difficultés pour accueillir les réfugiés, les autorités néerlandaises ont décidé de loger un bon nombre d’entre eux dans des établissements pénitentiaires à l’abandon, parfois promis à la démolition. Sirattulah, Fadi, Amina et quelques centaines de leurs compatriotes habitent ainsi d’anciennes cellules de la prison De Koepel, à Haarlem, dont les portes sont désormais grandes ouvertes.

Un couple de réfugiés afghans dans leur chambre-cellule de la prison de Koepel, à Haarlem.

L’un sirote un café devant sa chambre-cachot, les pieds posés sur la rambarde ; l’autre épile les sourcils de sa compagne. Un troisième observe, depuis sa fenêtre, sa sœur en train d’apprendre à monter à vélo, aidée par une bénévole d’un groupe de soutien local. Dans la grande cour, des jeunes gens de toutes nationalités devisent dans un anglais approximatif.

« C’est vrai, c’est peut-être un peu bizarre au début, mais après ce que nous avons vécu, l’essentiel, c’est d’être en sécurité… » Ayman, une migrante syrienne

Et sous l’immense préau, deux équipes multinationales s’affrontent, hilares, dans un match de minifoot. « C’est parfait, non ? Un bel espace, une grande cuisine, des installations modernes », se réjouit un responsable de l’Organe central pour l’accueil des demandeurs d’asile, interrogé sur la dimension, quand même très symbolique, de cet accueil à la néerlandaise. « Oh, vous savez, les symboles… » « C’est vrai, c’est peut-être un peu bizarre au début, mais après ce que nous avons vécu, l’essentiel, c’est d’être en sécurité… », renchérit

Ayman, qui a fui la Syrie avec deux de ses amis.

Dans la foulée d’Haarlem, d’autres villes comme Arnhem et Zeist vont aussi se lancer. A Amsterdam, la mairie devrait installer dès juillet, et pour dix-huit mois au moins, plusieurs centaines de demandeurs d’asile dans l’institution pénitentiaire d’outre-Amstel, les Bijlmerbajes. Cet enfilement de bâtisses à l’allure austère devait être rasé pour faire place à un nouveau quartier.

Lire aussi : Les Pays-Bas allouent 500 millions d’euros pour l’intégration des réfugiés

Une partie des murs a finalement été détruite et les grilles des fenêtres enlevées. « Un tel bâtiment est parfaitement adapté à l’accueil temporaire », commente la mairie. Une vision pragmatique largement partagée dans le royaume, où l’installation des réfugiés dans des prisons a suscité peu de débats. Grâce à la baisse de la délinquance et au recours massif aux peines alternatives, beaucoup d’établissements pénitentiaires sont vides. D’ailleurs, les Pays-Bas louent déjà une partie de leurs prisons à la Belgique.

400 projets de réaménagement

L’association VluchtelingenWerk est l’une des rares à avoir élevé des objections. « Le plus important, pour les réfugiés, est de pouvoiroublier leurs expériences traumatiques, et je ne pense pas qu’on puisse y parvenir en prison », explique sa directrice, Dorine Manson. Elle demande donc au gouvernement de faire au moins enlever, dans les établissements concernés, tout ce qui rappelle un peu trop leur vocation première : grilles, verrous, caméras, etc.

Le royaume ne compte toutefois pas en rester là pour résoudre ses difficultés d’accueil des demandeurs d’asile. Pragmatiques, les Néerlandais savent aussi faire preuve d’imagination. Et au populiste Pim Fortuyn – assassiné en 2002 – qui avait lancé : « Les Pays-Bas sont pleins », pour demander l’arrêt de toute immigration, l’architecte Floris Alkemade réplique : « Les Pays-Bas sont vides. » Avec un groupe de confrères, il a lancé un appel et reçu 400 projets de réaménagement destinés au logement de nouveaux arrivants en utilisant notamment tous les espaces vacants (écoles, bureaux, magasins). En mai, il est même allé détailler ses idées devant les Nations unies.

A quelques semaines des élections législatives, deux documentaires suivent les leaders de Podemos et l’ascension d’Ada Colau, « indignée » devenue maire de Barcelone en 2015.

Ada Colau avec les dirigeants de Podemos, Pablo Iglesias (au centre) et Iñigo Errejón.

Une nouvelle génération est entrée en politique en Espagne en 2015. Cette « révolution » méritait bien un film. Voire deux. C’est ce que se sont dit les auteurs de deux documentaires sortis à une semaine d’intervalle : Fernando León de Aranoa, qui signe Política, manual de instrucciones (« politique, mode d’emploi »), sur l’ascension de Podemos ; et Pau Faus, qui a réalisé Alcaldessa (« maire », en catalan), sur la maire de Barcelone Ada Colau. Deux films montrant sans fard les principales figures de la gauche anti-austérité. Et racontent en creux le même défi : comment passer de l’indignation et du militantisme social à la lutte pour le pouvoir politique.

Ces sorties interviennent à quelques semaines des nouvelles élections législatives, convoquées le 26 juin. Le Parlement issu des élections du 20 décembre 2015, qui avait vu Podemos remporter 20,7 % des suffrages, n’a pas réussi à dégager une majorité susceptible de gouverner. Fernando León, connu pour son cinéma social, a notamment réalisé en 2003 Les Lundis au soleil avec Javier Bardem, un film sur le chômage.

Au cœur de la machine Podemos

Sorti en salles le 3 juin, Política, manual de instrucciones retrace le parcours de Podemos, depuis son congrès fondateur de Vista Alegre, en octobre 2014, jusqu’à son relatif succès aux élections de décembre 2015. Grâce à un accès privilégié aux coulisses du parti pendant plus d’un an, le réalisateur dévoile les décisions stratégiques mais aussi les contradictions de Podemos. En somme le « manuel » mis en œuvre par la formation pour transformer un mouvement social qui se disait horizontal en un parti vertical capable de disputer au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) l’hégémonie de la gauche.

La bande-annonce de« Política, manual de instrucciones », de Fernando León

Rien n’échappe à Fernando León. Ni les tensions avec une frange du parti qui exige que l’on donne plus de pouvoirs aux militants. Ni les démissions de nombreuses délégations territoriales de Podemos qui reprochent à Pablo Iglesias de centraliser le pouvoir à Madrid. Ni le scandale fiscal de l’un des fondateurs du parti, Juan Carlos Monedero, qui a facturé, en passant par une société, ses conseils à l’ancien gouvernement vénézuélien de Hugo Chavez pour réduire le montant de ses impôts. Ni les références latino-américaines de Podemos, qui veut dépasser le clivage droite-gauche pour devenir le parti du peuple, de la « patrie ».

Au fil du documentaire, Podemos apparaît comme le résultat de choix stratégiques qui ont souvent peu à voir avec l’esprit des « indignés » dont il se dit l’héritier. Mais aussi comme une machine électorale performante maniant parfaitement la communication politique. « Il n’y a pas de processus de transformation politique sans déceptions », justifie, devant la caméra,

le numéro deux de Podemos et brillant politologue Iñigo Errejón.

La maire de Barcelone, héroïne moderne

Dans un genre très différent, Pau Faus a réalisé un portrait de l’ex-militante du droit au logement et actuelle maire de Barcelone Ada Colau. Il l’a suivie depuis sa décision de se présenter aux élections municipales, avec sa plateforme citoyenne Barcelone en commun, jusqu’à sa victoire en mai 2015. Larmes et rires, tensions et doutes, face caméra, elle apparaît dans Alcaldessa, sorti en salles le 27 mai, comme une héroïne moderne incarnant l’entrée en politique de personnes engagées rêvant de régénérer des institutions corrompues.

La bande-annonce de « Alcaldessa », de Pau Faus

Les deux documentaires ont été réalisés avant que les députés de Podemos ne montrent leur incapacité à former un gouvernement avec le PSOE et qu’Ada Colau ne voie sa marge de manœuvre limitée par le manque de soutien des autres formations à sa politique. Ils racontent donc déjà un autre temps politique. Un moment où les deux réalisateurs considéraient que l’Espagne vivait un moment historique. Ce qui reste encore à démontrer.

Lire aussi : Espagne : la colère des déçus de Podemos

[Chronique] Ce week-end, le Royaume-Uni célèbre les 90 ans d’une reine qui n’a jamais manqué de chien. Quoique.

En 1952 : pliée en quatre

Au château de Balmoral (Ecosse), le 28 septembre 1952.

Des morts, un divorce, une abdication, et hop ! A la surprise générale, Elizabeth vient d’être couronnée reine à l’âge de 26 ans. Désormais, c’est donc au château de Balmoral qu’elle promène ses deux chiens, vêtue d’un tailleur vert-de-gris montrant qu’elle prend parfaitement le pli. Mais quel pli exactement ? Pli plat, pli creux, pli accordéon, pli religieuse, pli nervure ? Non, ici, les plis de la jupe royale sont couchés. Et cela tombe bien : « Couchés ! Couchés, les chiens ! »

En 1975 : le dorgi et les odeurs

A Badminton (Angleterre), lors d’une course de chevaux, le 14 octobre 1975.

Vingt-trois ans plus tard, la reine promène-t-elle encore ses chiens ? C’est probable (rappelons qu’Elizabeth est passionnée par la question canine, au point d’avoir créé sa propre race, le « dorgi »). Et pour ce faire, quoi de mieux que porter une veste de type Barbour ? Attention quand même, Elizabeth : les vestes en coton huilé finissent toujours par sentir extrêmement fort. Surtout quand on les porte par temps de chien.

En 1991 : le sac de nœuds

Au château de Windsor, le 10 mai 1991.

Mais bon sang, où sont-ils passés ? Seize ans plus tard, Elizabeth cherche toujours ses chiens, et pour avoir les mains libres, elle a coincé son sac à la saignée du coude. Grave erreur. Des études ont prouvé qu’une telle pratique peut provoquer des tendinites. Au Japon, une campagne de santé publique a même été organisée il y a quelques années pour dissuader les femmes de porter ainsi leur sac. Au risque d’avoir un mal de chien.

En 1999 : arlequine perdue

Au Palais de Birmingham (Angleterre), le 29 novembre 1999.

Malgré la disparition des chiens, il faut bien continuer à vivre. Voici donc Elizabeth en soirée, vêtue d’une toilette à sequins, inspirée du déguisement d’Arlequin, ce personnage de la commedia dell’arte dont le costume aux mille losanges représentait la personnalité aux mille facettes. Classe ? Bien sûr que c’est classe ! Et que c’est mérité. En stakhanoviste de la mode, la reine aura fait défiler quatre stylistes en soixante-quatre ans de règne. Quatre stylistes, et trente chiens aussi.

En 2016 : rose combat

A Berkhamsted (Angleterre), le 6 mai 2016.

Est-ce une laisse qu’elle tient dans sa main droite ? Non, malheureusement, un simple sac. A 90 ans, Elizabeth fait attention à son coude, porte des chapeaux monumentaux (elle en posséderait près de 5 000) et ose la couleur – pour que le petit peuple puisse plus facilement la voir – tout en lestant ses jupes de plomb pour ne pas lui infliger une vue déplaisante. La reine pense à tout, mais il reste encore des Anglais pour demander sa tête et celle de la royauté. Quelle vie de chien !

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Le Monde | 08.06.2016 à 08h20 |Par Erwan Bruckert

Ses performances à Leicester ont décidé Didier Deschamps à l’appeler en équipe de France. Le footballeur franco-malien fait aujourd’hui partie des meilleurs espoirs de l’Euro 2016.

N'Golo Kanté lors du match amical France-Ecosse, à Longeville-lès-Metz,le 4 juin 2016.

Le joueur d’en-bas

Né en 1991 à Paris, le Franco-Malien a porté pendant dix ans les couleurs de la JS Suresnes, modeste club des Hauts-de-Seine, loin des centres de formation. En 2010, alors qu’il évolue en promotion d’honneur (niveau régional), il est repéré par l’US Boulogne, qui lui offre un contrat amateur pour jouer en CFA2. A 19 ans, il quitte l’Ile-de-France pour le Pas-de-Calais et donne un coup de fouet à sa carrière.

Le joker de Leicester

En 2015, après deux années réussies à Caen, le milieu de terrain courtisé notamment par Lyon et Marseille choisit de s’envoler outre-Manche, à Leicester, qui a frôlé la relégation. Pari réussi : en Premier League, il se révèle aux yeux du monde entier comme l’un des principaux artisans du titre de champion décroché par les « Foxe », immense exploit du football anglais.

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L’empereur du milieu

Pour sa première saison en Angleterre, l’ex-Caennais a affolé les statistiques : il est le joueur du championnat qui, cette année, a réussi le plus de tacles et intercepté le plus de ballons. L’athlète a démontré par les chiffres qu’il était le meilleur milieu récupérateur de la saison, et peut-être même « le meilleur joueur de Premier League », comme l’a affirmé Sir Alex Ferguson, l’ex-entraîneur de Manchester United.

Le bleu des Bleus

Il y a trois mois, Didier Deschamps le récompense pour sa brillante saison en l’appelant en équipe de France. Pour sa première titularisation, le 29 mars – jour de son anniversaire –, le Parisien marque dès la huitième minute du match contre la Russie. Il n’y a alors plus de doute : N’Golo a validé son ticket pour l’Euro.

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Sa sélection en équipe de France

  • Erwan Bruckert

    Journaliste au Monde