Le monde, apparemment, est un hangar de tôle. Nous y regardons des barrières qui nous empêchent de bouger.

Au commencement, pour amorcer le cycle, ils nous immobilisent et nous injectent un trait de sperme dans l’utérus. Quand les enfants sont là, ils nous les prennent, anémient et abattent les mâles, laissent grandir les femelles pour que le cycle continue.

Si nous sommes de la viande, ils nous tuent à 1 ou 2 ans, et si nous sommes du lait, ils nous tuent à 5 ans, quand nous ne leur servons plus à rien.

Ils disent que c’est grâce à eux que nous avons survécu jusque-là, que nous leur devons tout, abri, soins, nourriture, et que nous pouvons renoncer aux vingt ans d’existence que nous aurions sinon devant nous – offrir notre vie en échange. Ils appellent cela : donnant-donnant.

Un ensemble de clichés de l’Américain Brian Finke rendent compte de la transformation d’animaux vivants en viande de consommation humaine. Des images prises au long, et au cœur, de la filière bovine texane. Ici à Tulia, au Texas, un élevage d’environ 48 000 bovins.
De l’animal à la viande prête à être consommée par l’homme, c’est tout un processus qui se déroule, majoritairement loin des regards.
Immobilisation d’une bête pour son marquage au fer rouge.
Dans un abattoir texan, à Amarillo, un employé traîne la peau d’une vache qui vient d’être tuée sur le « kill floor ».
Le sang répandu au sol après l’abattage d’un animal.
Cet abattoir fabrique aussi des saucisses piquantes.
Un restaurant vantant la qualité de sa viante. L’inscription « All beef, no bull » (« pur bœuf, zéro taureau ») devant être comprise comme « all beef, no bullshit » (« pur bœuf, zéro foutaise »).
Dégraissage d’un morceau destiné au barbecue.
Au restau « The Big Texan Steak Ranch » d’Amarillo, tout client qui vient à bout en une heure du menu « 72 oz dinner » – incluant un steak de 72 onces (2 kilos et quelque) –, se voit offrir le repas.
La fin d’un steak de 2 kilos
Plat de viande prêt à cuire au restaurant Tyler Frazer’s, à Amarillo (Texas).
Déjeuner carné au Cooper’s Old Time Pit Bar-B-Que, un restaurant de viande de Llano (Texas), à deux pas des élevages…
Repas en famille au Cooper's Old Time Pit Bar-B-Que.
Des étudiants déterminent la qualité d’une viande d’agneau dans le laboratoire de l’université Texas Tech.
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Un ensemble de clichés de l’Américain Brian Finke rendent compte de la transformation d’animaux vivants en viande de consommation humaine. Des images prises au long, et au cœur, de la filière bovine texane. Ici à Tulia, au Texas, un élevage d’environ 48 000 bovins.

Brian Finke

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Ceux qui nous élèvent répètent qu’ils nous aiment. Est-ce qu’ils font ça pour se convaincre ? Pour se sauver aux yeux des autres ou à leurs propres yeux ? Il y a des gens, quand on les aime, qu’on veut voir vivre le plus longtemps possible – et d’autres gens qu’on aime, mais qu’on séquestre, qu’on tue. C’est de cette deuxième façon qu’on nous aime.

Ceux qui n’ont pas affaire à nous ne revendiquent pas tant d’affection, mais cela leur fait plaisir de manger notre chair et de porter sur leur corps la peau qui couvrait le nôtre. Ils préfèrent, cela dit, laisser d’autres nous l’arracher – car égorger et écorcher, même si ce n’est pas grave, ce n’est pas un métier pour eux. Les abattoirs sont là pour que les rigoles de sang ne coulent pas dans leurs rues. Les abattoirs se tiennent à l’écart – car mourir n’est pas propre, et les corps qu’on découpe donnent de mauvaises pensées.

Une vraie boucherie

Quand ils veulent insister sur une tragédie de leur histoire, montrer que c’était horrible, ils disent : nous avons été traités comme des bêtes. Il ne faut pas que ça se reproduise. Plus jamais ce cauchemar. Puis ils se mettent à avoir faim, ouvrent le frigo où ils conservent, soigneusement empaquetés, à basse température pour que cela ne sente pas, des morceaux de nos cadavres. Ils déplient le papier où perlent des gouttes de sang, regardent et se réjouissent.

Nous ne demandons pas grand-chose. Nous n’avons pas besoin, pour supporter la vie, des attraits et des raffinements sans lesquels ils se mettent à trouver qu’elle ne vaut pas la peine.

Il existe le soleil. Il existe les champs qu’on dévale dans des odeurs d’herbe mouillée ; le vent qui court ; et à défaut de vent, l’air qui est toujours là.

Il existe notre langage qu’ils refusent de comprendre et n’essayent pas de traduire, parce qu’ils le trouvent moins fin que le leur. Est-ce que notre langage suffit ? Il ne renverse pas les barrières, ne fait pas sauter les gonds. Mais si les portes s’ouvraient sur cet air qu’on dit libre, sur les bosquets peuplés d’oiseaux, et la vallée en bas, tout qui frémit, nous avons tendance à penser que ce langage suffirait à vivre.

Par Vincent Message. Photographies de l’Américan Brian Finke.

Défaite des maîtres et possesseurs, Vincent Message, coll. « Cadre rouge », éd. Seuil, 304 p., 18 €. Dans ce roman, l’auteur imagine un monde où l’homme subit les traitements qu’il inflige aux animaux.

En 1995, le film maudit de Paul Verhoeven est fustigé par les critiques et boudé par les spectateurs. Au fil des ans, il s’imposera comme une satire mordante de l’Amérique actuelle.


Showgirls de Paul Verhoeven est longtemps resté un film radioactif. Sous le coup d’une double malédiction. Celle de son échec au box-office américain à sa sortie en septembre 1995 : 20 millions de dollars de recettes pour un budget de production de 45 millions. Puis de son lynchage par ­la critique américaine. Laquelle prit la vulgarité montrée dans le film pour celle du film lui-même, qui décrit l’ascension d’une danseuse de Las Vegas passée de strip-teaseuse à meneuse de revue dans le spectacle le plus prisé d’un grand hôtel.

Un exemple parmi d’autres phrases ­incendiaires : « La seule chose positive dans Showgirls, c’est que sa sensibilité reflète à merveille le microcosme qu’il dépeint : incroyablement vulgaire, indigne et grossier », pouvait-on lire dans l’hebdo­madaire Variety.

Aux Razzie Awards, qui couronnent les plus mauvais films de l’année, Showgirls domine la cérémonie en remportant les prix de « pire film », « pire scénario » et « pire actrice » pour ­Elizabeth Berkley, comédienne quasi ­débutante. Paul Verhoeven hérite aussi du titre de « pire réalisateur » et, fait ­rarissime, vient le chercher en personne. Le cinéaste voulait que son film marque une différence, cette récompense en souligne la singularité.

« Le vide, même avec la conscience de la vacuité, reste le vide. » « Le Monde » du 11 janvier 1996

La sortie de Showgirls en France, en janvier de l’année suivante, se déroule avec d’autant plus d’indifférence que le film traîne le poids des retours désastreux aux Etats-Unis. On peut lire dans Le Monde daté 11 janvier 1996 : « Peut-on se contenter d’un regard surplombant sur une réalité désespérément inhabitée si rien ne vient meubler un récit qui se contente de ses conventions et n’invente que l’idée qu’il se fait de sa propre intelligence ? Le vide, même avec la conscience de la vacuité, reste le vide. » En 1995, Paul Verhoeven sort du succès commercial de Basic Instinct (1992), écrit par le scénariste le plus en vogue à ­Hollywood – l’un des plus talentueux aussi – Joe Eszterhas.

Le couple se reforme pour Showgirls avec un projet très clair. Les deux hommes veulent tourner un film interdit aux moins de 17 ans, sans se fixer de limites sur la nudité et le sexe. Avec le recul, Showgirls apparaît comme la dernière superproduction américaine à s’autoriser cette liberté.

Las Vegas, métaphore de l’existence

Verhoeven a pour modèle les comédies musicales de la Metro-Goldwyn-Mayer des années 1940 (la même MGM distribuera d’ailleurs Showgirls aux Etats-Unis). Mais le réalisateur néerlandais veut de la couleur et du bruit, du cynisme et de la vulgarité en lieu et place de l’élégance et du romantisme traditionnellement liés au genre. Le choix de Las Vegas, à ses yeux métaphore de l’existence, est, pour lui, une ­évidence.

Au milieu des années 1990, la métropole du Nevada se « gentrifie » à toute allure, avec l’ouverture d’hôtels ­pharaoniques, à côté desquels subsiste une myriade de petits clubs où cohabitent strip-teaseuses et prostituées. Si Vegas est la capitale du jeu, pour Verhoeven, elle reste d’abord celle du sexe.

La bande-annonce de « Showgirls »

La réhabilitation de Showgirls commence au début des années 2000. D’abord pour de mauvaises raisons. Le film gagne un statut d’objet culte, devient un plaisir coupable demandant à être pris au second degré tant sa médiocrité se révèle hors du commun. Il rencontre un succès inattendu en vidéo et DVD, accumulant plus de 100 millions de dollars de recettes. Le ­réalisateur de Hairspray, John Waters, cinéaste de l’outrance par excellence, est l’un des premiers à soutenir le film qu’il considère « drôle, stupide, de mauvais goût, regorgeant de clichés. En d’autres mots, le film parfait. Quoi qu’ils en disent aujourd’hui, le réalisateur et le scénariste faisaient preuve d’un humour involontaire. »

« De tous les films américains qui se déroulent à Las Vegas, c’est le seul qui soit vrai. » Jacques Rivette, réalisateur

Rien n’est pourtant laissé au hasard dans Showgirls. C’est le film le plus juste ­consacré à Las Vegas, avec Casino, de Martin Scorsese. C’est aussi un modèle de ­maîtrise, le contraire d’une réussite ­fortuite. Showgirls est à la fois déplaisant et grotesque. Déplaisant car ses personnages sont haïssables, veules, corrompus, à ­l’exception de son héroïne paroxystique. Grotesque, car l’esthétique du film reste celle de la démesure.

En 1998, le film de Verhoeven est, enfin, pris au sérieux. Jacques Rivette, dans un entretien aux Inrockuptibles, estime qu’il s’agit d’un des grands films américains de ces dernières années. Il qualifie même l’actrice principale, ­Elizabeth Berkley, de « stupéfiante ». L’échec du film lui a pourtant été largement imputé, au point d’oblitérer la suite de sa carrière. « Comme tous les films de Verhoeven, explique le réalisateur de La Belle Noiseuse, Showgirls est très déplaisant : il s’agit de survivre dans un monde peuplé d’ordures, voilà sa philosophie. De tous les films américains qui se déroulent à Las Vegas, c’est le seul qui soit vrai. » Et d’ajouter avec malice : « Croyez-moi, moi qui n’y ai jamais mis les pieds. »

Genre, féminisme et « sexploitation »

Cinq ans plus tard, en 2003, la revue Film Quarterly consacre l’un de ses numéros au film de Verhoeven. Plusieurs univer­sitaires abordent Showgirls sous l’angle des questions du genre, du féminisme et de la « sexploitation ». En 2014, dans la monographie It Doesn’t Suck : Showgirls (« Ce n’est pas une merde : Showgirls »), le critique Adam Nayman écrit : « Un film dévastateur. (…) Si on le prend comme un commentaire sur la dimension sadique et salace du show-business, c’est l’œuvre d’un maître. »

Alors, comment expliquer que ce film ait été à ce point incompris ? Showgirls apparaît comme l’envers d’Une étoile est née, l’histoire hollywoodienne par excellence, où une inconnue parvient au firmament par sa beauté et son talent. Mais alors qu’Une étoile est née incarne le rêve américain, il n’a pas été pardonné à Verhoeven, immigré européen, d’y toucher, de le regarder en face, de lui retirer tout idéalisme pour y voir la luxure, la compromission, l’idée, inacceptable dans un pays puritain, que le sexe reste le moyen d’ascension sociale le plus sûr. Autant de péchés pour lesquels le réalisateur a payé. Aujourd’hui, alors que le film ressort en salles (le 14 septembre) et en DVD (Pathé), Verhoeven est passé de la crucifixion à la résurrection.

[Chronique] Le 23 juin, le Royaume-Uni a choisi de sortir de l’Union européenne, David Cameron a perdu son pari et son poste de premier ministre. Avant lui, d’autres politiques se sont tiré une balle dans le pied lors de consultations populaires.

2016 : David Cameron balayé par le Brexit

La campagne électorale pro-Brexit sur la Tamise, à Londres.

David Cameron l’avait promis lors de sa campagne pour un second mandat de premier ministre… et il l’a fait. Le 23 juin, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne a vu le « non » l’emporter par 51,9 % des voix. Le premier ministre

britannique a annoncé sa démission dès septembre.

Lire aussi : « Brexit » : le pari perdu de « lucky Dave »

2005 : Jean-Pierre Raffarin laminé par un traité

Affiche du Parti communiste francais pour le « non » au référendum sur la Constitution européenne, à Paris, en mars 2005.

Le 29 mai 2005, les Français sont appelés à approuver un traité établissant une constitution pour l’Europe. Le résultat du référendum – 54,68 % de « non » –, joint à celui des Pays-Bas trois jours plus tard, scelle le sort du traité et celui de Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre de Jacques Chirac. Il démissionne le lendemain, remplacé par Dominique de Villepin.

1997 : Jacques Chirac mouché par l’Assemblée

Jacques Chirac annonçant, à la télévision, la dissolution de l’Assemblée nationale, le 21 avril 1997.

Sa majorité parlementaire est écrasante, mais le président Chirac estime que les prochaines échéances – les élections européennes de 1999 et le respect des critères de convergence pour lancer l’euro – nécessitent « une majorité ressourcée ». Il dissout alors l’Assemblée nationale. Las, le RPR ne remporte que 139 sièges contre 255 au PS. Lionel Jospin et la gauche

plurielle dirigeront le pays jusqu’en 2002.

1995 : Jacques Parizeau éjecté par les Québécois

Manifestation pour l’unité du Canada, le 29 octobre 1995, à Québec.

Une première tentative avait eu lieu en 1980, mais l’indépendance du Québec avait alors été repoussée par 59,6 % des votants. En 1995, le premier ministre québécois, Jacques Parizeau, organise une nouvelle consultation, mettant sa démission dans la balance. Le résultat est plus serré, mais le « non » l’emporte encore une fois par 50,6 % des voix. Parizeau démissionne et se retire de la vie politique.

1969 : Charles De Gaulle désavoué par les Français

« Unes » de journaux annonçant la démission de Charles De Gaulle.

A 78 ans, le Général a survécu à Mai-68. Le référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat aura raison de lui. Ce 27 avril 1969, le président de Gaulle demande aux Français de se prononcer sur la « nécessité d’une mutation de la société française » : 52,41 % des votants répondent « non ». Il démissionne le lendemain.

Lire aussi :Fin du gaullisme ou fin d’un gaullisme ?

L’Australien, businessman de génie, a créé le buzz en lançant une campagne publicitaire avec les membres de Metallica.

Justin O’Shea, ancien acheteur pour un site d’e-commerce, est devenu directeur artistique chez Brioni.

Dandy

Barbu, très, très tatoué, Justin O’Shea est un dandy qui ne révèle pas sa date de naissance. Né dans un village d’aborigènes en Australie, il a travaillé à la mine avant d’aller vendre des jeans à Londres, où il a réussi à faireréférencer la petite marque branchée April77 par l’influente boutique Dover Street Market. Début de sa carrière d’acheteur. Il est ensuite embauché par Al Ostoura, un géant de la distribution de luxe au Koweït, avant de rejoindre, en 2009, le site d’e-commerce munichois Mytheresa.com.

Maître du business

L’industrie de la mode est unanime : O’Shea a fait de Mytheresa.com un poids lourd du commerce digital. En 2015, le site annonçait 130 millions de dollars (117,5 millions d’euros) de chiffre d’affaires, avec une croissance de 50 % par an et plus de 170 marques chics à son catalogue. Sa méthode ? Une analyse des ventes quasi journalière, une approche par produit, plus que par marque, et l’œil sur tout : il scrute les réseaux sociaux, guette les sorties de disques et assiste aux foires d’art… Son premier gros coup : des chaussettes Marni à 95 euros… parties comme des petits pains.

Le making of de la campagne Brioni

Designer né

En mars 2016, le groupe Kering, propriétaire de Brioni, tailleur romain créé en 1945 et devenu une maison importante du secteur de la mode homme, prend tout le monde par surprise en embauchant O’Shea. Il devient responsable des collections et de l’image sans avoir fréquenté d’école de mode. En creux, un symbole de l’époque : en 2016, son sens du commerce et ses qualités de communicant font de lui un designer.

Chouchou des réseaux sociaux

Avec une allure pareille et un tel appétit pour la mise en scène de sa vie, Justin O’Shea a vite été repéré. Il a aujourd’hui près de 95 000 abonnés sur Instagram. Et continue, chez Brioni, à alimenter le buzz : lui dans son jet, lui à Cannes, lui en débardeur et manteau de fourrure au final de son défilé parisien, le 4 juillet.

Un mec qui en a

Avec O’Shea, pas d’hésitation : son moteur, c’est la testostérone. Il est hétéro dans un milieu plutôt gay. Il adore le rock qui tache et a redessiné le logo Brioni en lettres gothiques. Dernier coup d’éclat : il a lancé la semaine dernière une campagne avec ses « muses », les membres madrés et virilissimes du groupe de hard Metallica. Un petit choc esthétique dans un univers où l’on chérit plutôt le rockeur souffreteux. Et une certaine idée du (mauvais) goût…

Lions, léopards, éléphants, tigres, gorilles, rhinocéros, ours polaires : le statut d’icône conféré à ces grands mammifères semble leur porter davantage préjudice que chance. Paradoxalement, la fascination que nous inspirent ces majestueux animaux nous mène non pas à assurer leur sauvegarde, mais à les capturer, les chasser, les commercialiser.

Traquées par millions afin d’alimenter le commerce international des trophées, des peaux et d’autres parties de leur corps qui serviront à fabriquer des médicaments ou seront utilisées comme objets de décoration, ces créatures sont également convoitées pour remplir les zoos et les cages de cirques. Victimes de leur succès, la plupart des animaux emblématiques de notre civilisation sont aujourd’hui menacés par la cupidité et l’anthropocentrisme de notre propre espèce.

Folie humaine

La chasse aux trophées, qui consiste à tuer une bête afin d’exposer tout ou partie de sa dépouille, est un exemple frappant de cette folie humaine. Toujours avides d’embellir leur collection, les tueurs d’animaux sauvages favorisent des espèces rares et imposantes. Parmi elles : le zèbre de Hartmann, le léopard, l’ours – brun et noir –, le babouin chacma, l’hippopotame, le crocodile du Nil, le guépard… et le lion, roi de l’Afrique sauvage.

Cette forme particulière de chasse a été mise en lumière il y a un an par la traque illégale du lion Cecil, icône du parc national Hwange, au Zimbabwe. En juillet 2015, ce félin âgé de 13 ans fut abattu par un dentiste Américain qui l’avait attiré à l’extérieur de son habitat, puis pisté pendant quarante heures, avant de le tuer et de le décapiter. L’indignation, alimentée par la presse et les réseaux sociaux, fut mondiale – sans que le tueur soit pour autant inquiété par la justice du Zimbabwe, puisqu’il avait obtenu l’autorisation nécessaire.

Lire aussi : Derrière Cecil le lion, l’épineuse question de la chasse au trophée

Le lion d’Afrique risque ainsi de n’être bientôt plus qu’un mythe. Alors qu’on en comptait près de 200 000 il y a un siècle, seuls 20 000 sont recensés aujourd’hui. Sa population poursuit sa baisse : elle a diminué de 62 % entre 1993 et 2014 dans la plupart de ses zones de répartition, et n’occupe plus désormais que 8 % de son aire historique.

Réguler un commerce effréné

Menacé par les massacres commis par les populations locales, par le commerce des peaux, des os et autres parties de l’animal (pattes, griffes, crânes, queues, canines) qui appro­visionnent le marché de la médecine traditionnelle, le lion est aussi touché par le rétrécissement de son habitat et la raréfaction de ses proies. L’espèce est classée dans la catégorie « vulnérable » du ­dernier ­rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), paru en 2015.

Lire aussi : L’Europe déclare la guerre aux trafics d’animaux

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), dont la prochaine grande réunion se tiendra fin septembre à Johannesburg (Afrique du Sud), a pour objectif de réguler le commerce effréné des animaux sauvages. Elle vise à éliminer le trafic et à garantir que le commerce légal des spécimens ne menace pas la survie des espèces. Mais il semble également nécessaire de revoir la relation que l’on entretient avec ces habitants de notre planète si nous ne voulons pas qu’ils fassent bientôt partie de la liste des espèces disparues. Plutôt que les considérer comme des sources de divertissement et de profits, il s’agit maintenant, plus que jamais, d’apprendre à cohabiter avec eux.

Manon Dené

« Ostrich ».
« Gorilla ».
« Hunting Dogs ».
« Pandas ».
« Gazelle ».
« Tiger ».
« Horns ».
« Moose ».
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« Ostrich ».

Traer Scott

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Le réalisateur allemand exilé à Hollywood sort le 20 juillet la suite de son blockbuster à base d’envahisseurs extraterrestres, vingt ans après le premier opus.

Roland Emmerich.

Un cinéaste qui vaut 3 milliards

Le nom de Roland Emmerich, né en 1955 à Stuttgart, est associé à de grands succès du cinéma américain : Godzilla, Le Jour d’après, 2012, ­Independence Day (1996), dont la suite, Independence Day : Resurgence, sort le 20 juillet en France. Ses réalisations ont totalisé plus de 3,7 milliards de dollars au box-office. La plupart sont des films catastrophe, ce qui lui a valu le surnom de « maître du désastre ». Mais son nouveau long-métrage, sorti aux Etats-Unis en juin, est un échec. Il compte donc sur les marchés étrangers pour se renflouer.

Un militant LGBT

Homosexuel, il a financé ­plusieurs associations liées à cette cause. Il a aussi réalisé Stonewall, sorti en 2015 aux Etats-Unis, consacré aux émeutes de 1969 à New York, qui virent naître le militantisme LGBT. Ce film à petit budget, du moins au regard de sa filmographie (13 millions de dollars contre les 165 de cet Independence Day : Resurgence), a suscité une controverse, Emmerich étant accusé de se concentrer sur les Blancs gays et de ne pas mettre en scène de personnages noirs, latinos, drag-queens ou transgenres.

La bande-annonce de « Stonewall »

Un soutien actif d’Hillary Clinton

Compagnon de route du Parti démocrate de longue date, ainsi que de plusieurs mouvements progressistes, le réalisateur soutient Hillary Clinton. Sa maison de Los Angeles a même servi à organiser une soirée de ­fundraising. Dans le nouvel Independence Day, le président des Etats-Unis est joué par une femme, Sela Ward. Beaucoup ­d’observateurs hollywoodiens estiment que ce choix, rare dans l’histoire du cinéma ­américain, n’est pas anodin.

La bande-annonce d’Independence Day : Resurgence

Un collectionneur excentrique

Sous des dehors très sages, il s’est forgé, avec sa collection d’œuvres d’art, une réputation de farfelu d’Hollywood. Dans ses ­résidences, en Californie, à New York ou à Londres, on trouve notamment une ­représentation (réalisée grâce à Photoshop) de l’ex-président iranien Mahmoud Ahmadinejad dans une position homoérotique, Jésus en tee-shirt du groupe Wham !, un portrait de Saddam Hussein, des objets de la seconde guerre mondiale ou des affiches de propagande de dictatures…

Il dirigea la France de 1969 à 1974, dans un climat économique très favorable. Ce contexte lui permit parfois de lever le pied. Avec un style certain. En 1965, Georges ­Pompidou est premier ministre depuis trois ans. Porté par les « trente ­glorieuses », il apparaît irréprochable. Ou presque. Le général de Gaulle en a juste assez de voir son collaborateur depuis 1962 passer de luxueuses vacances sur la Croisette. Alors, ­direction la Bretagne, et l’île de Sein. Où la maire reçoit chapeautée de la jubilinenn, une coiffe traditionnelle. Comment faire plus terroir ? En glissant un sous-pull en acrylique sous un pull en laine col V, bien sûr.

Après le scandale de la dernière cérémonie, où aucun Noir n’était finaliste, l’Académie hollywoodienne s’ouvre aux femmes et aux minorités. Et se ferme aux réceptions trop cossues.

Un homme blanc : le profil type du lauréat aux Oscars.

C’est officiel, l’Académie des Oscars se réforme. Elle l’a annoncé le 30 juin, créant une forme d’émoi dans le microcosme hollywoodien. Cette évolution est un pas en avant gigantesque pour une institution connue pour son conservatisme et sa frilosité. Mais, comme toute révolution dictée par la panique, ce changement, décidé dans une évidente frénésie, part dans tous les sens, parfois en dépit d’un certain bon sens. Il est d’abord apparu nécessaire – à la suite de la récente controverse sur les nommés et gagnants des Oscars, largement masculins, tous blancs – de modifier la sociologie des votants et d’ouvrir la porte à des représentants de différentes minorités, Noirs et femmes en tête.

C’est ainsi que 683 nouveaux membres ont été cooptés par l’Académie et pourront, dès 2017, voter pour les Oscars. Parmi eux, comme l’atteste la statistique fournie par l’Académie, 46 % de femmes et 41 % issus des minorités noire, latino, asiatique. Mais, à peine ce changement institué, plusieurs observateurs en ont pointé les limites. La proportion de membres de l’Académie issus des minorités passe de 8 à 11 %, celle des femmes de 25 à 27 %. Soit une modification à peine perceptible, du moins pour l’année prochaine. Car, d’ici à 2020, le conseil de l’Académie devrait doubler les nombres de femmes et de représentants des minorités ethniques.

Un raout à Hollywood peut-il décemment se tenir sans champagne de grande cuvée ?

Autre souci : la culture cinématographique de ces nouveaux votants. Venus du cinéma indépendant, ne travaillant guère pour les studios hollywoodiens, ils auraient tendance à voter pour des films moins grand public, à ne pas porter leur suffrage sur des stars établies. Ce n’est guère un souci en soi. Mais, si l’on considère que le sens ultime des Oscars réside dans la soirée de remise des récompenses, en février, retransmise à grands frais par la télévision américaine, que se passerait-il en cas de brutale chute d’audience faute des stars promises ?

Le caviar prohibé

L’Académie impose également un autre challenge à ses anciens et nouveaux membres : le défi des petits fours. Il est désormais interdit de participer à une réception dont le luxe serait trop ostentatoire, au risque de se voir suspendre un an, voire à vie en cas de récidive. Les réceptions organisées par les producteurs durant la campagne des Oscars sont une façon de s’attirer les voix des votants, dans ce qui reste une élection, avec les jeux d’influence qu’elle suppose. Sauf que les mots ont parfois un sens difficile à préciser. Qu’est-ce qu’un « luxe ostentatoire » ? On imagine que le caviar l’est, mais le saumon fumé ? Se rendre à un cocktail à Hollywood, c’est la promesse assurée de boire un champagne grand cru et de goûter aux mets des meilleurs traiteurs. Il n’existe pas de moyen terme, dans cette ville tout au moins. L’attrition reste un concept inconnu à Hollywood.

Consciente du dilemme, l’Académie conseille désormais à ses membres de la consulter avant de se rendre à une quelconque fête. Sangria ? Feu vert. Vin millésimé ? Interdit. La charcuterie grecque, c’est oui ; le caviar, c’est non. La salade de céleri suscite l’enthousiasme, les coquilles Saint-Jacques l’anathème. Sauf qu’à Hollywood c’est caviar et champagne ou rien.

[Chronique] L’homme du Brexit ne sera pas Premier ministre du Royaume-Uni. Dommage, on en aurait pris plein les yeux : en 1985, à 21 ans, il avait déjà un sacré style. Fils de la haute, élève brillant, passé par Eton, Boris Johnson se pavane désormais à Oxford, où il ne respecte aucune règle. Sauf celles du Bullingdon « Binge Drinking » Club. Dans ce club ultrasélectif, ultra-élitiste, on suit le dress-code white tie et l’on porte une queue-de-pie marine sur une chemise à col cassé. Pour aller ensuite picoler, fracasser des chambres d’hôtel ou brûler des billets de 50 dollars devant des mendiants. Elégance, quand tu nous tiens…

Il faudra un jour remettre la médaille du travail à Renaud Lemaire. Cet auteur de bandes dessinées de 36 ans, dit Reno, est considéré comme le précurseur du manga français, un genre qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Après s’être longtemps bornés à traduire les mangas made in Japan, les principaux éditeurs spécialisés de l’Hexagone se sont décidés à passer commande auprès de (jeunes) dessinateurs français habitués aux codes de la BD asiatique (grands yeux, lignes de vitesse, sens de lecture oriental…).

Renaud Lemaire dans son QG, le bar Le Saint-Roch, à Montpellier, le 14 décembre 2012.

Reno fut le tout premier à essuyer les plâtres. C’était il y a dix ans. Naissait chez l’éditeur Pika sa série Dreamland, un long récit au format pocket mettant en scène un groupe de lycéens capables de voyager dans un monde onirique et loufoque. Une saga – 15 tomes à ce jour, 400 000 exemplaires vendus – qui fut mise à l’honneur les 9 et 10 juillet 2016 à la Japan Expo, le traditionnel rassemblement des fans de pop culture japonaise.

« Les auteurs de BD franco-belge de mon âge ne comprenaient pas pourquoi je participais à l’“invasion” du manga sur le marché français. » Reno

Avant d’en arriver là, Reno a dû « cravacher sévère ». Le manga est un genre soumis à des cadences de travail notoirement infernales en raison de la fréquence rapprochée de ses parutions. Ce qui est vrai au Japon l’est aussi en France. Reno est là pour en témoigner : cela fait dix ans qu’il bosse comme un damné afin de produire un tome de 200 pages de Dreamland tous les huit mois en moyenne, rythme synonyme d’une meilleure fidélisation du public. Ses journées commencent généralement à 9 heures et se terminent vers 2 ou 3 heures du matin, avec une ou deux pauses au milieu. Cela pour les périodes « normales » de travail. Pour les soirs « de rush », Reno a l’habitude de voir le jour se lever au moment de se coucher.

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Longtemps, la communauté de ses fans a cru qu’il faisait tout seul. « Pure légende », comme il le confie ce jour-là dans son petit appartement des environs de Montpellier, au milieu duquel trône sa table à dessin. Un cousin, Romain, et un ancien copain de fac d’arts plastiques, Salim, l’aident depuis ses débuts à dessiner les décors et placer les trames sur les pages. Le trio est passé par des sessions de travail épiques pouvant aller jusqu’à 48 ou 72 heures d’affilée : « A la chinoise, dit Reno, avec deux qui bossent pendant que le troisième dort, et ce à tour de rôle. » Avec aussi « beaucoup de café et de Redbull pour tenir le coup ».

Des héros comme tout le monde

Cette vie de stakhanoviste du dessin, Reno l’accepte, dit-il, parce qu’il « kiffe et re-kiffe » sa série. Dreamland raconte un peu sa vie, à travers le personnage de Terrence, un garçon de 18 ans scolarisé en filière STMG (ex-STT – sciences et technologies tertiaires) dans un lycée de Montpellier. « Ma scolarité était chaotique, seul le dessin m’intéressait, raconte-t-il. Je me souviendrai toujours du vide sidéral dans les yeux de la conseillère d’orientation du collège quand je lui ai dit que je voulais devenir auteur de BD. Cela ne rentrait dans aucune de ses cases. C’est comme ça que je me suis retrouvé en STT, la voie de garage pour ceux dont on ne sait pas quoi faire. »

Quand ils ne s’échappent pas d’un univers de rêves échevelés, les personnages de Dreamland mènent une existence aussi banale que réaliste. Leurs préoccupations tournent autour du bac, du permis de conduire, de la fumette et bien évidemment de leurs premiers émois sentimentaux. La représentation d’une scène d’amour entre deux jeunes s’apprêtant à perdre leur virginité a valu au tome VIII un macaron « déconseillé aux moins de 15 ans » sur la couverture. C’est en tout cas bel et bien grâce à son pouvoir d’identification auprès de ses lecteurs, et à la grande liberté de ton de ses dialogues, que Dreamland a pu bénéficier d’un bouche à oreille renouvelé au fil du temps.

Les 15 tomes de « Dreamland » mettent en scène des lycéens plongés dans des aventures oniriques échevelées.

Cela n’a pas toujours été le cas. « Je me suis fait défoncer sur les forums pendant les deux premières années, se rappelle Reno. D’un côté, les auteurs de BD franco-belge – de mon âge, en particulier – ne comprenaient pas pourquoi je participais à l’“invasion” du manga sur le marché français. De l’autre, les fans de manga hardcore déconsidéraient mon travail, partant du principe qu’un manga non japonais ne peut pas être un bon manga. »

Un cousin pour Son Goku

Son style japonisant lui est venu tout seul, naturellement, explique Reno : « A force de regarderGoldorak à la télé et les séries du “Club Dorothée”. Ma rétine s’est habituée à ce style de dessin depuis tout petit, bien avant que je prenne conscience que cela venait d’un autre pays. » Enfant, Reno va occuper tout son temps libre à dessiner et à s’approprier des univers déjà existants. Il invente de nouvelles histoires à Astérix, imagine un ersatz de Tintin, crée un cousin à Son Goku, le héros principal de Dragon Ball, la série culte de sa génération. Il a 7 000 planches de BD à son actif quand, étudiant, il envoie aux principaux éditeurs français de mangas « un pauvre e-mail avec trois ou quatre dessins et deux ou trois phrases » résumant son projet appelé Dreamland.

Dix ans plus tard, l’auteur n’éprouve aucune lassitude à l’égard de sa série. Juste le besoin de souffler un peu. Ne souhaitant pas que ses « assistants » s’enferment éternellement dans l’ingratitude de leur fonction, il travaille désormais seul à son histoire au long cours. Il évoque l’idée de fonder une famille : « Je vais essayer de lever un peu le pied afin d’avoir une vie sociale. »

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