Ministre de l’agriculture et porte-parole du gouvernement,Stéphane Le Foll a lancé un mouvement au nom surprenant : «Hé oh la gauche ! » Avec ses deux interjections, son groupe nominal et son point d’exclamation, il évoque plus les nains de Blanche-Neige que les mineurs de Carmaux. Je laisserai aux exégètes le soin de « décrypter » cette initiative, qui pourrait être la première étape d’une mise sur orbite électorale de l’actuel président.
Mais je procéderai volontiers à une analyse sémantique. La première interjection, « hé », sert à appeler, à attirer l’attention (« Hé, vous, là-bas ! »). La seconde, « oh », semble exprimer une forme de supplication (« Oh, s’il vous plaît !). Mon tout, lui, ressemble à une erreur de communicants, du genre : « Au secours ! la droite revient. »
En matière de slogans, les socialistes ont été plus ou moins inspirés. De l’historique « La force tranquille » de 1981 au calamiteux (pour la syntaxe) « Ségolène Royal pour que ça change fort ! », en passant par l’obscur « Avec Lionel Jospin c’est clair », les mots ont pu ou n’ont pas su convaincre. L’Histoire l’a prouvé : s’il arrive que les mots puissent beaucoup (le « Yes, we can » de Barack Obama), ils ne peuvent pas tout, par exemple face aux bombes (le « No pasarán ! » des républicains espagnols).
En France, les propositions simples comme des évidences n’ont pas toujours conduit au succès : « Un président pour tous les Français » (Alain Poher, 1969), « Un président pour tous les Français » (François Mitterrand, 1974). Les affirmations qui n’engagent que ceux qui les écoutent (« Ensemble, tout devient possible », « Le changement, c’est maintenant ») peuvent accompagner une victoire (Nicolas Sarkozy, en 2007, François Hollande, en 2012). Ne tirons aucune conclusion. Rappelons seulement que Stéphane Le Foll a assorti verbalement le baptême de son mouvement d’un « Ne te trompe pas, la droite prépare l’alternative ». L’« alternative » ? La langue du ministre n’aurait-elle pas fourché, afin de ne pas prononcer le mot « alternance », qui évoque trop la défaite ?