A Erevan, George Clooney a décerné le premier prix récompensant ceux qui « sauvent des vies en mettant en péril la leur » à la Burundaise Marguerite Barankitse.
L’acteur américain George Clooney a été accueilli en chef d’Etat pour la cérémonie de commémoration des 101 ans du génocide arménien et s’est livré de bonne grâce à tous les exercices afférents : dépôt de gerbe à la mémoire des victimes, rencontres avec des officiels et visite des caves du fameux brandy arménien, l’Ararat, que les locaux s’obstinent à appeler « cognac » malgré les récriminations françaises. Le soir, devant un impressionnant parterre de personnalités internationales et locales, c’est aussi lui qui a remis le prix Aurora. Cette distinction, dont c’était la première édition, a été créée par des descendants des rescapés du génocide pour récompenser les « héros ordinaires » d’aujourd’hui.
« Si nous sommes là, c’est parce que quelqu’un a risqué sa vie pour sauver celle de nos grands-parents », martèlent en cœur les trois fondateurs du prix : Vartan Gregorian, président de la Carnegie Foundation de New York, l’ex-banquier d’affaires Ruben Vardanyan de Moscou et le spécialiste de capital-risque Noubar Afeyan.
La philosophie que partagent ces trois philanthropes tranche quelque peu avec le discours dominant en Arménie, et dans la diaspora, sur la mémoire du génocide. Tous les ans, les commémorations se déroulent sous le signe du slogan « Je me souviens et je réclame » : cette phrase, écrite dans plusieurs langues, accompagne les pèlerins dans leur marche vers le mémorial aux victimes, édifié sur les hauteurs d’Erevan. « Nous sommes bien évidemment attachés à la mémoire, nous sommes aussi pour la reconnaissance pleine et entière du génocide, notamment par les Etats-Unis, où deux d’entre nous résident. Mais nous voulons regarder vers l’avenir, passer à quelque chose de plus positif et constructif », poursuit Noubar Afeyan. Ainsi leur est venue l’idée, il y a un an, peu avant la commémoration du centenaire du génocide, de créer un prix récompensant ceux qui « sauvent des vies en mettant en péril la leur ».
Le prix vise aussi à rendre hommage à ceux qui, toujours au péril de leur vie, contribuent à alerter l’opinion publique sur les atrocités commises lors des conflits modernes. A l’image d’Aurora Mardiganian (1901-1994). Seule survivante d’une famille arménienne décimée, cette jeune femme, émigrée aux Etats-Unis au début du siècle dernier, a grandement contribué à la prise de conscience internationale de l’ampleur des massacres commis contre les Arméniens sous l’Empire ottoman.
Plutôt que perpétuer l’image d’une Arménie « qui pleure ses victimes », Vartan Gregorian, Ruben Vardanyan et Noubar Afeyan ne cachent pas leur ambition de promouvoir un pays jeune qui veut – et peut – à son tour « faire le bien ». Comme pour s’acquitter d’une dette historique mais aussi pour tourner la page de la victimisation. « Notre message au monde est que nous sommes toujours là, debout et forts », renchérit Ruben Vardanyan. Pour sa première édition, le prix Aurora a été décerné à la Burundaise Marguerite Barankitse, fondatrice de la Maison Shalom, une association accueillant les orphelins des massacres ethniques qui ont ravagé son pays. Menacée de mort, elle vit aujourd’hui en exil. « Maggy » a reçu, très émue, un chèque de 100 000 dollars (87 000 euros) et dispose d’un million supplémentaire destiné à aider des organisations ayant inspiré son action.
C’était son premier voyage en Arménie, dont elle ignorait à ce jour presque tout de l’histoire dramatique.