Abigail Disney ou encore Steven Rockefeller souhaitent contribuer davantage aux finances publiques de l’Etat pour moderniser les infrastructures ou encore développer l’aide sociale.
Ils sont cinquante et un, ils sont millionnaires, certains milliardaires, tous new-yorkais et signataires d’une lettre adressée fin mars au gouverneur de l’Etat intitulée : « Plan fiscal pour les 1 % ». Une nouvelle supplique pour payer moins d’impôts ? Tout le contraire. Ils réclament une augmentation du montant de la dîme qu’ils versent aux pouvoirs publics.
Parmi les signataires figurent l’héritière de Walt Disney, Abigail Disney, ou l’administrateur du Rockefeller Brothers Fund, Steven Rockefeller. « En tant que New-Yorkais qui ont contribué et profité du dynamisme économique de notre Etat, nous avons à la fois la capacité et la responsabilité de participer à l’effort commun, peut-on lire dans la lettre. Nous pouvons largement payer nos impôts, et nous pouvons aussi en payer plus. »
Une petite révolution au pays de l’Oncle Sam, où les nantis sont d’ordinaire plus enclins à distribuer leurs deniers aux associations qu’à miser sur les pouvoirs publics. « Sauf qu’il y a de nombreux domaines auxquels la philanthropie ne s’intéresse pas, comme la réparation des conduites d’eau, la création d’une ligne de bus dans certains quartiers défavorisés… », souligne Mike Lapham, le directeur de projet du Responsible Wealth, un réseau de 500 riches Américains, à l’initiative de cette lettre.
C’est justement l’objectif de cette hausse des cotisations : rafraîchir les infrastructures vieillissantes (rénovation des ponts, des tunnels, des voies navigables et des routes). Mais aussi développer l’aide sociale aux sans-abri, financer l’éducation publique et lutter plus activement contre la pauvreté infantile.
Mis au point en collaboration avec le think tankFiscal Policy Institute, réputé plutôt de gauche, cet appel, également adressé à la législature de l’Etat, vise surtout à pérenniser une mesure temporaire appelée « la taxe des millionnaires ». Mise en place en 2009 à la suite d’une lettre similaire signée par une centaine de New-Yorkais, et renouvelée deux ans plus tard, elle est censée expirer fin 2017. Avec ce Plan pour les 1 %, l’Etat de New York pourrait arrondir son budget de 2,3 milliards de dollars supplémentaires.
L’un des signataires, Dal LaMagna, 69 ans, surnommé Tweezerman – le pape de la pince à épiler – (du nom de la société qu’il a créée en 1980 et vendue en 2004), fut un candidat éphémère à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2008. Aujourd’hui patron de IceStone USA (fabrication de comptoirs de cuisine à partir de verre recyclé et de ciment), il dit agir en « capitaliste responsable » : « Les riches Américains disent toujours qu’il faut baisser leurs impôts pour qu’ils puissent continuer à investir, mais c’est totalement faux ! Cet argument sert uniquement les intérêts des plus riches pour qu’ils deviennent encore plus riches, s’insurge-t-il. Comme moi, ils peuvent payer plus, ils ne s’en rendront même pas compte, ça ne changera rien à leur vie, mais ça changera la vie de l’Etat de New York. »
En 2011, le milliardaire Warren Buffett avait défrayé la chronique en publiant une tribune dans le New York Times appelant les autorités à augmenter les impôts des plus riches. Dans la foulée, il avait rendu public sa feuille d’impôts, soulignant qu’il n’avait versé à l’Etat fédéral que 17,4 % de son revenu imposable, soit un taux nettement plus bas que de nombreux Américains (jusqu’à 41 % pour les salaires les plus modestes), y compris sa secrétaire. Mais sa revendication avait été classée sans suite. « La réalité, c’est que plus vous êtes riche, moins vous payez d’impôts », confirme Mike Lapham, du Responsible Wealth.
Le thème a été repris par la candidate à l’investiture démocrate dans la course à la Maison Blanche, Hillary Clinton, qui s’est engagée à relever de 4 % l’impôt des Américains les plus riches. La promesse a été baptisée la « règle Buffett ». De son côté, l’autre candidat démocrate, Bernie Sanders, a proposé un taux progressif : plus on est riche, plus on paie. « Il y a vingt ans, personne ne dénonçait les inégalités aux Etats-Unis, constate Mike Lapham. Aujourd’hui s’il n’y a pas de consensus, au moins le sujet est sur la table. » « Depuis les années Reagan, les Américains voient le gouvernement comme un problème, juste bon à s’occuper de sécurité nationale, regrette Dal LaMagna. Or, c’est à lui de réduire les inégalités, et pour qu’il puisse faire le boulot, il faut le financer ! » Depuis la publication de la lettre, une dizaine de millionnaires ont spontanément rejoint le rang des volontaires.
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