Critiqué pour ne pas lutter contre la radicalisation des jeunes, Stéphane Gatignon se sent seul contre tous : « Je ne suis soutenu ni par l’Etat ni par le gouvernement ».
N’allez surtout pas dire à Stéphane Gatignon, maire écologiste de Sevran (Seine-Saint-Denis), que sa ville est un Molenbeek français. Depuis que Gilles Kepel, professeur à Sciences Po et spécialiste de l’islam, a fait la comparaison au JT de TF1 le mardi 22 mars, l’édile n’en finit pas de se justifier.
Europe 1, Public Sénat, iTélé, LCI : depuis les attentats de Bruxelles, il écume les plateaux télé pour marteler l’inverse. « Ça va trop loin, déplore-t-il. J’entends dire que les services municipaux sont fermés le vendredi, que les cantines sont halal, que certaines activités ne sont plus mixtes. C’est déjà dur pour les gens de Molenbeek mais pour les habitants de Sevran, c’est extrêmement violent ! » Début mars, l’élu a été mis en cause par les parents d’un jeune homme de 23 ans tué en Syrie, accusé d’avoir fermé les yeux sur la présence de « recruteurs » de l’organisation Etat islamique à Sevran et de ne pas assez lutter contre la radicalisation dans cette ville de près de 50 000 habitants. Ce qu’il réfute tout en constatant une « radicalisation qui gangrène nos territoires ».
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Difficile de prétendre le contraire quand lui-même reconnaît que « douze à quinze jeunes » Sevranais sont partis en Syrie dont « trois à quatre » uniquement en 2015. Quant à la lutte contre la radicalisation, il assure que « le boulot de fond est fait ». Un communiqué de cinq pages a même été envoyé à toutes les rédactions pour démentir les « fausses accusations » et détailler son action : accompagnement d’une association, en lien avec le ministère de l’intérieur, pour organiser des cours de français en direction des imams, formation spécifique du personnel municipal ou encore initiatives pour favoriser le dialogue interreligieux.
Pas de quoi convaincre Clémentine Autain, conseillère municipale du Front de gauche, sa meilleure ennemie locale. « On n’a pas le sentiment d’un maire qui prend le problème à bras- le-corps, critique-t-elle. Il est très absent du terrain. »
Il est rare de voir Stéphane Gatignon sur la défensive. A 46 ans, l’homme est un habitué des coups médiatiques. Maire de la ville depuis 2001, cet ancien communiste s’est fait remarquer pour avoir plaidé en faveur de la légalisation du cannabis ou pour l’envoi de « casques bleus » dans les cités afin de lutter contre les trafics de drogue. Son fait d’armes le plus célèbre est une grève de la faim en 2012. Echarpe tricolore en bandoulière, l’élu avait planté sa tente devant l’Assemblée et cessé de s’alimenter durant quelques jours pour alerter sur la situation financière de sa ville. « Ça nous a sauvé la mise », affirmait-il à l’époque après avoir obtenu une rallonge de la part de l’Etat.
Un écologiste « réformiste »
Aujourd’hui, Stéphane Gatignon se sent de nouveau seul contre tous : « Je ne suis soutenu ni par l’Etat ni par le gouvernement et je le regrette. » Il en deviendrait presque paranoïaque. « On me cherche, moi », affirme-t-il sans que l’on comprenne très bien pourquoi il serait visé. Et de critiquer l’exécutif accusé d’être « complètement coupé du monde réel ». « Tous les réseaux socialistes en banlieue ont explosé, le PS est vomi, les gens au pouvoir sont vomis car ils ont trahi, accuse-t-il. Valls ne peut pas rester dans cette simple posture du “on est en guerre”, on a besoin d’un chef de guerre qui dise à chacun quoi faire. »
Des attaques surprenantes de la part de cet écologiste « réformiste » qui a quitté Europe Ecologie-Les Verts en 2015 dans les bagages d’un Jean-Vincent Placé devenu secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat. Il met en garde contre ceux qui « jouent avec le feu ». « Ici, ce que j’entends, c’est un désir d’autoritarisme, un désir énorme de Marine [Le Pen], souligne-t-il. Pour la gauche, la banlieue, c’est fini. »