Les canaux d’Amsterdam vont vibrer une nouvelle fois au son de la techno, samedi 6 août, pour la Canal Parade, version locale de la Gay Pride qui fait gonfler de près de moitié la population de la ville pour quelques heures de fête déchaînée. Au moins 200 000 personnes du monde entier, peut-être jusqu’à 400 000 si la météo est de la partie, sont attendues dans le centre historique, avec ses canaux enjambés par des ponts en brique et fer forgé, bordés par d’étroites demeures du XVIIe siècle. Certains spectateurs campent dès la veille dans de petites embarcations arrimées aux quais pour pouvoiradmirer au plus près les 80 péniches aux décors excentriques.
Fidèle à sa réputation festive
Alors que La Baule a décidé d’annuler son traditionnel feu d’artifice du 15-Août, faute de pouvoir sécuriser son front de mer, et que de nombreuses manifestations en France sont perturbées par le risque d’attentat, la cité néerlandaise reste fidèle à sa réputation festive. Moins de deux mois après l’attaque d’Orlando, le message des organisateurs est clair : il n’est « pas question de céder au terrorisme ». En Floride, le 12 juin, un Américain d’origine afghane avait tué 49 personnes dans une discothèque gay, un massacre revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI).
Reste que le contexte« a certainement influencé la préparation de la Gay Pride », a reconnu dans la presse néerlandaise, à l’ouverture des festivités le 23 juillet, Lucien Spee, patron de l’association qui organise l’événement : « Je me suis régulièrement retrouvé autour de la table avec le coordinateur national de la lutte antiterroriste. »
Si les organisateurs refusent d’entrer dans les détails – tout comme la municipalité –, la menace terroriste est prise au sérieux. Le chiffre de 4 000 policiers, vigiles et secouristes mobilisés a été cité dans la presse, et le dispositif de sécurité est plus coûteux que d’habitude. Parmi les mesures prises, les bagages sont davantage contrôlés et les vigiles formés à détecter les comportements suspects. Jasper Karman, porte-parole du maire Eberhard van der Laan, insiste sur le fait que le risque zéro n’existe pas pour « un événement qui a pour cadre la ville entière ». Que les services d’urgence et les blocs opératoires de tous les hôpitaux de la ville se tiennent prêts, ce jour-là, à tourner à plein régime, « c’est classique pour un gros événement, ce n’est pas lié à une menace sécuritaire », relativise-t-il.
Premier pays à légaliser le mariage homosexuel
Les Pays-Bas, fiers de leur réputation de terre « gay friendly », ont été le premier pays au monde à légaliser le mariage homosexuel, en 2001. Le mot d’ordre de ce « samedi rose », comme l’appellent les Néerlandais, est d’ailleurs « Join our Freedom » (Rejoignez notre liberté). « Nous avons préparé des scénarios mais il n’y a pas, à ce stade, d’indication de menace. C’est une fête de la liberté. Il n’est pas question de se laisserrepousser dans le placard », a commenté Lucien Spee. La parade de samedi est le point d’orgue des festivités de la Gay Pride amstellodamoise, qui prendra fin dimanche.
Les Pays-Bas ont jusqu’ici été épargnés par les attaques djihadistes. Mais le spectre
d’un attentat est dans tous les esprits, car le pays – dont les F-16 ont effectué des frappes en Irak et en Syrie – participe, comme la France ou la Belgique voisine, à la coalition internationale contre l’EI. Depuis 2013, la menace terroriste y est évaluée à un niveau 4 sur une échelle de 5. Elle est jugée « substantielle », c’est-à-dire réelle, sans pour autant que des informations concrètes puissent conduire à la considérer comme imminente. Un niveau qui n’a pas été modifié, malgré les attaques djihadistes à Saint-Etienne-du-Rouvray, à Nice ou en Allemagne.
Mais les autorités ont récemment dû prendre des mesures en raison de « signaux » concernant des lieux publics très fréquentés. Depuis le 30 juillet, l’aéroport international d’Amsterdam-Schiphol est en sécurité renforcée, « visible et invisible ». Le 2 juillet, c’est l’Amsterdam ArenA, stade hôte du célèbre club de football de l’Ajax, qui avait dû subir des mesures exceptionnelles à l’occasion d’un grand show rassemblant des milliers de personnes. Mais « on sent que ce n’est pas l’état d’urgence comme à Paris, il n’y a pas de climat de psychose », témoigne, depuis Amsterdam, le Français Jérôme Beaugé, organisateur de la Marche des fiertés parisienne. A ses yeux, le port chanté par Jacques Brel reste « un symbole », synonyme d’« une certaine liberté ».