1975, l’été sera chaud

La belle vie ? Méfiez-vous des apparences. Premier ministre depuis un an, Chirac ne peut déjà plus encadrer Giscard et sa politique de rigueur. « Le plan de refroidissement a assez duré », balance-t-il avant de filer sur la Côte. Au côté de sa fille Claude, le futur maire de Paris se réchauffe habillé de ce qu’il convient d’appeler un boxer. Et pour cause : ladite pièce a été mise au point en 1925 par Jacob Golomb, fondateur de la marque d’accessoires de boxe Everlast. Jacques Chirac semble prêt au combat. Pourtant, un an plus tard, il jettera l’éponge.

[Chronique] Avec l’intronisation d’Hillary Clinton et de Donald Trump par leurs partis respectifs, voici le match dans le match dans la course à la Maison Blanche.

Bill clinton et Melania Trump.

Bill Clinton

Menteur Bill Clinton s’est montré brillant lors de la convention démocrate. Alors que son épouse Hillary pâtit de son image d’iceberg, il n’a cessé de l’humaniser, en racontant son parcours, leur rencontre. Il a toutefois évité d’évoquer l’affaire Lewinsky, qui avait fait vaciller leur couple en 1998. Il était passé près de la destitution pour avoir menti sous serment sur sa relation adultère.

Populaire Le passage de Bill Clinton à la Maison Blanche a été émaillé de nombreux scandales. Mais il n’a pas entamé sa popularité. Ses deux mandats restent, pour les Américains, ceux d’une période de prospérité. Il est l’un des ex-présidents les plus regrettés, derrière JFK et Ronald Reagan.

Encombrant La popularité de Bill Clinton va-t-elle servir celle de sa femme ? Son charisme, sa chaleur soulignent en creux les qualités qui manquent à Hillary. Naguère, les mauvaises langues estimaient que c’était elle qui portait la culotte à la Maison Blanche. Elles instruiront probablement, cette fois, le procès inverse.

New school Quel rôle jouera Bill si Hillary est élue ? Il serait non seulement le premier First Gentleman de l’histoire américaine, mais aussi le premier à avoir été chef d’Etat. En mai, la candidate a affirmé qu’elle lui confierait une « mission » pour « dynamiser l’économie ». En attendant, la fondation philanthropique de l’ex-chef d’Etat a déjà fait le ménage dans les Etats donateurs.

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Melania Trump

Plagiaire Lors de la convention républicaine qui vient d’investir Donald Trump, candidat des républicains, Melania Trump a passé son premier grand oral. Raté. Elle s’est fait épingler pour avoir plagié un discours de Michelle Obama, en 2012.

Impopulaire Selon l’institut Gallup, dans un sondage réalisé la veille de la convention républicaine, Melania Trump ne bénéficie que de 28 % d’opinions positives. En 2008, Michelle Obama était à 53 %. Ancien mannequin d’origine slovène, Melania a fait naguère les couvertures de GQ, Vanity Fair oud’Elle. Mais cette image en papier glacé ne fait pas fondre le cœur de l’Amérique.

Embarrassante Avant la convention, Melania Trump s’est montrée très discrète. « Je suis mère à plein-temps et j’adore ça », a-t-elle expliqué en début de campagne. Fin juillet, l’ex- mannequin s’est de nouveau retrouvée au cœur d’un scandale : le tabloïd américain New York Post a exhumé des clichés datant de 1995 et pris à Manhattan et sur lesquels elle apparaît nue.

Old school Melania Trump a déjà averti qu’elle se coulerait dans les habits les plus traditionnels de la First Lady, si son mari est élu. Le rôle de première dame est très codifié, entre réceptions et bonnes œuvres. L’épouse du président bénéficie d’une équipe d’une douzaine de personnes pour l’y aider.

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L’alliance des « lolcats » et du TOILETPAPER magazine, une évidence ? Selon Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari, ses deux fondateurs, la voie est toute tracée entre l’addiction des réseaux sociaux aux matous et la publication italienne issue « d’un processus de digestion à l’œuvre après une overdose d’images ». De cette alliance est née une série d’images très travaillées, aux couleurs explosives, toutes construites à la prise de vue.

Les canaux d’Amsterdam vont vibrer une nouvelle fois au son de la techno, samedi 6 août, pour la Canal Parade, version locale de la Gay Pride qui fait gonfler de près de moitié la population de la ville pour quelques heures de fête déchaînée. Au moins 200 000 personnes du monde entier, peut-être jusqu’à 400 000 si la météo est de la partie, sont attendues dans le centre historique, avec ses canaux enjambés par des ponts en brique et fer forgé, bordés par d’étroites demeures du XVIIe siècle. Certains spectateurs campent dès la veille dans de petites embarcations arrimées aux quais pour pouvoiradmirer au plus près les 80 péniches aux décors excentriques.

Fidèle à sa réputation festive

Alors que La Baule a décidé d’annuler son traditionnel feu d’artifice du 15-Août, faute de pouvoir sécuriser son front de mer, et que de nombreuses manifestations en France sont perturbées par le risque d’attentat, la cité néerlandaise reste fidèle à sa réputation festive. Moins de deux mois après l’attaque ­d’Orlando, le message des organisateurs est clair : il n’est « pas question de céder au ­terrorisme ». En Floride, le 12 juin, un Américain d’origine afghane avait tué 49 personnes dans une discothèque gay, un massacre revendiqué par l’organisation Etat islamique (EI).

Entre 200 000 et 400 000 personnes sont attendues dans le centre historique d’Amsterdam.

Reste que le contexte« a certainement influencé la préparation de la Gay Pride », a reconnu dans la presse néerlandaise, à l’ouverture des festivités le 23 juillet, Lucien Spee, patron de l’association qui organise l’événement : « Je me suis régulièrement retrouvé autour de la table avec le ­coordinateur national de la lutte ­antiterroriste. »

Si les organisateurs refusent d’entrer dans les détails – tout comme la municipalité –, la menace terroriste est prise au sérieux. Le chiffre de 4 000 policiers, vigiles et secouristes mobilisés a été cité dans la presse, et le dispositif de sécurité est plus ­coûteux que d’habitude. Parmi les mesures prises, les bagages sont davantage contrôlés et les vigiles formés à détecter les comportements suspects. Jasper Karman, porte-parole du maire ­ Eberhard van der Laan, insiste sur le fait que le risque zéro n’existe pas pour « un ­événement qui a pour cadre la ville entière ». Que les services ­d’urgence et les blocs ­opératoires de tous les hôpitaux de la ville se tiennent prêts, ce jour-là, à tourner à plein régime, « c’est classique pour un gros ­événement, ce n’est pas lié à une menace ­sécuritaire », relativise-t-il.

Premier pays à légaliser le mariage homosexuel

Les Pays-Bas, fiers de leur réputation de terre « gay friendly », ont été le premier pays au monde à légaliser le mariage homosexuel, en 2001. Le mot d’ordre de ce « samedi rose », comme l’appellent les Néerlandais, est d’ailleurs « Join our Freedom » (Rejoignez notre liberté). « Nous avons préparé des scénarios mais il n’y a pas, à ce stade, d’indication de menace. C’est une fête de la liberté. Il n’est pas question de se laisserrepousser dans le placard », a commenté Lucien Spee. La parade de samedi est le point d’orgue des festivités de la Gay Pride amstellodamoise, qui prendra fin dimanche.

Les Pays-Bas ont jusqu’ici été épargnés par les attaques djihadistes. Mais le spectre

d’un attentat est dans tous les esprits, car le pays – dont les F-16 ont effectué des frappes en Irak et en Syrie – participe, comme la France ou la Belgique voisine, à la coalition internationale contre l’EI. Depuis 2013, la menace ­terroriste y est évaluée à un niveau 4 sur une échelle de 5. Elle est jugée « substantielle », c’est-à-dire réelle, sans pour autant que des informations concrètes puissent conduire à la considérer comme imminente. Un niveau qui n’a pas été modifié, malgré les attaques djihadistes à Saint-Etienne-du-Rouvray, à Nice ou en Allemagne.

Le 23 juillet, lors de la Marche des fiertés qui marque l’ouverture des festivités.

Mais les autorités ont récemment dû prendre des mesures en raison de « signaux » concernant des lieux publics très fréquentés. Depuis le 30 juillet, l’aéroport international d’Amsterdam-­Schiphol est en sécurité renforcée, « visible et invisible ». Le 2 juillet, c’est ­ l’Amsterdam ArenA, stade hôte du célèbre club de football de l’Ajax, qui avait dû subir des mesures exceptionnelles à ­l’occasion d’un grand show rassemblant des milliers de personnes. Mais « on sent que ce n’est pas l’état d’urgence comme à Paris, il n’y a pas de climat de psychose », témoigne, depuis Amsterdam, le Français Jérôme Beaugé, ­organisateur de la Marche des fiertés parisienne. A ses yeux, le port chanté par Jacques Brel reste « un symbole », synonyme d’« une certaine liberté ».

Le Corse raconte le jour où Sting lui annonce qu’il ne ferait plus partie du groupe britannique.

Sting, Stewart Copeland et Henry Padovani. Le trio du groupe The Police en 1977.

C’est en pleine vague punk que le guitariste corse Henry Padovani fonda, fin 1976 début 1977, le groupe britannique Police avec Sting et Stewart Copeland. Avant d’être remplacé par Andy Summers, quelques jours après le festival de Mont-de-Marsan. Il raconte.

« On avait monté Police mais ça ne marchait pas trop. Et puis, Andy [Summers] nous rejoint pour un premier concert à Londres. Pour le second concert à quatre on joue au festival de Mont-de-Marsan. On est super contents d’être là, c’est l’euphorie mais ça ne se passe pas bien avec Andy. Il a dix ans de plus que nous, il est davantage musicien de studio que punk et je le trouve… chiant. A Mont-de-Marsan, on se prend la tronche sur un problème d’ampli. Andy était persuadé que je faisais exprès de prendre le meilleur ampli… En fait, à Mont-de-Marsan, il y a une sorte de scission. Stewart et moi, on assistent à tous les concerts, très branchés sur les nouveaux groupes. Sting et Andy, eux, passaient leurs journées à la rivière pour se baigner. J’avais trouvé The Clash vraiment phénoménal. Andy disait que c’était de la merde, qu’ils ne savaient pas jouer… Et puis, notre concert se passe. J’étais content parce que, finalement, j’avais dégoté un meilleur ampli que le sien. Après, on remonte à Londres. On entre en studio pour enregistrer deux titres avec le producteur John Cale [ex-Velvet Underground]. Mais Andy, qui veut jouer toutes les parties de guitare, se prend la tête avec John qui n’aime pas son jeu et préfère le mien. Du coup, je me dispute de nouveau avec Andy. On a failli en venir aux mains. J’ai une discussion avec Sting. Sting a toujours été un mec sympa mais il avait pas mal changé depuis notre première rencontre, il y avait un peu plus d’un an. Il me dit qu’on ne peut pas continuer comme ça. J’étais d’accord, je trouvais qu’Andy, même s’il jouait super bien, n’apportait rien. On était un trio, on devenait un quatuor. So what ? Sting a du mal à lâcher le morceau : “Andy a des plans, des sessions où il pourrait nous impliquer… Et il veut continuer le groupe… Mais à trois, sans toi… C’est dur à dire…” Je l’aide un peu : “Andy et Steward t’ont désigné pour me dire que le groupe était fini ?” “Oui”. Le 12 août 1977, je quitte le groupe pour rejoindre Wayne County and the Electric Chairs. Fin de l’histoire. J’en ai voulu à Andy sur le moment bien sûr mais vu ce que Police est devenu… Je ne peux que lui rendre hommage. C’est énorme quand même. »

Henry Padovani.

Toujours actif, Henry Padovani sort un album solo à la fin du mois, I love today (Repertoire Records (UK) Ltd). Un documentaire lui est également consacré : Rock n’ Roll… Of Corse !, qui avait été présenté à la sélection officielle du Festival de Cannes en 2010 mais n’avait pas trouvé de distributeur, sera en salles le 21 septembre.

Lire aussi : L’été 1977 à Mont-de-Marsan, capitale du punk

Mer et montagnes qui se tutoient, climat subtropical, nature généreuse… Cette république auto-proclamée est une destination particulièrement prisée des touristes russes. Le photographe Julien Pebrel s’y est rendu en 2013 puis en 2016. Ici, la plage de Soukhoumi, la capitale.

Même l’été, François Mitterrand veillait à son allure. En 1982, président depuis un an, porté par la promesse d’une politique de la relance, Tonton parade en haut de la roche de Solutré, dans un polo estival. Un coup de chance météorologique ? Pas seulement. A l’origine, Mitterrand effectuait son ascension le jour de Pâques. Mais il l’a décalée à la Pentecôte, pour offrir aux photographes des clichés plus ensoleillés. Le sens du timing, ça compte en politique.

Le monde, apparemment, est un hangar de tôle. Nous y regardons des barrières qui nous empêchent de bouger.

Au commencement, pour amorcer le cycle, ils nous immobilisent et nous injectent un trait de sperme dans l’utérus. Quand les enfants sont là, ils nous les prennent, anémient et abattent les mâles, laissent grandir les femelles pour que le cycle continue.

Si nous sommes de la viande, ils nous tuent à 1 ou 2 ans, et si nous sommes du lait, ils nous tuent à 5 ans, quand nous ne leur servons plus à rien.

Ils disent que c’est grâce à eux que nous avons survécu jusque-là, que nous leur devons tout, abri, soins, nourriture, et que nous pouvons renoncer aux vingt ans d’existence que nous aurions sinon devant nous – offrir notre vie en échange. Ils appellent cela : donnant-donnant.

Un ensemble de clichés de l’Américain Brian Finke rendent compte de la transformation d’animaux vivants en viande de consommation humaine. Des images prises au long, et au cœur, de la filière bovine texane. Ici à Tulia, au Texas, un élevage d’environ 48 000 bovins.
De l’animal à la viande prête à être consommée par l’homme, c’est tout un processus qui se déroule, majoritairement loin des regards.
Immobilisation d’une bête pour son marquage au fer rouge.
Dans un abattoir texan, à Amarillo, un employé traîne la peau d’une vache qui vient d’être tuée sur le « kill floor ».
Le sang répandu au sol après l’abattage d’un animal.
Cet abattoir fabrique aussi des saucisses piquantes.
Un restaurant vantant la qualité de sa viante. L’inscription « All beef, no bull » (« pur bœuf, zéro taureau ») devant être comprise comme « all beef, no bullshit » (« pur bœuf, zéro foutaise »).
Dégraissage d’un morceau destiné au barbecue.
Au restau « The Big Texan Steak Ranch » d’Amarillo, tout client qui vient à bout en une heure du menu « 72 oz dinner » – incluant un steak de 72 onces (2 kilos et quelque) –, se voit offrir le repas.
La fin d’un steak de 2 kilos
Plat de viande prêt à cuire au restaurant Tyler Frazer’s, à Amarillo (Texas).
Déjeuner carné au Cooper’s Old Time Pit Bar-B-Que, un restaurant de viande de Llano (Texas), à deux pas des élevages…
Repas en famille au Cooper's Old Time Pit Bar-B-Que.
Des étudiants déterminent la qualité d’une viande d’agneau dans le laboratoire de l’université Texas Tech.
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Un ensemble de clichés de l’Américain Brian Finke rendent compte de la transformation d’animaux vivants en viande de consommation humaine. Des images prises au long, et au cœur, de la filière bovine texane. Ici à Tulia, au Texas, un élevage d’environ 48 000 bovins.

Brian Finke

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Ceux qui nous élèvent répètent qu’ils nous aiment. Est-ce qu’ils font ça pour se convaincre ? Pour se sauver aux yeux des autres ou à leurs propres yeux ? Il y a des gens, quand on les aime, qu’on veut voir vivre le plus longtemps possible – et d’autres gens qu’on aime, mais qu’on séquestre, qu’on tue. C’est de cette deuxième façon qu’on nous aime.

Ceux qui n’ont pas affaire à nous ne revendiquent pas tant d’affection, mais cela leur fait plaisir de manger notre chair et de porter sur leur corps la peau qui couvrait le nôtre. Ils préfèrent, cela dit, laisser d’autres nous l’arracher – car égorger et écorcher, même si ce n’est pas grave, ce n’est pas un métier pour eux. Les abattoirs sont là pour que les rigoles de sang ne coulent pas dans leurs rues. Les abattoirs se tiennent à l’écart – car mourir n’est pas propre, et les corps qu’on découpe donnent de mauvaises pensées.

Une vraie boucherie

Quand ils veulent insister sur une tragédie de leur histoire, montrer que c’était horrible, ils disent : nous avons été traités comme des bêtes. Il ne faut pas que ça se reproduise. Plus jamais ce cauchemar. Puis ils se mettent à avoir faim, ouvrent le frigo où ils conservent, soigneusement empaquetés, à basse température pour que cela ne sente pas, des morceaux de nos cadavres. Ils déplient le papier où perlent des gouttes de sang, regardent et se réjouissent.

Nous ne demandons pas grand-chose. Nous n’avons pas besoin, pour supporter la vie, des attraits et des raffinements sans lesquels ils se mettent à trouver qu’elle ne vaut pas la peine.

Il existe le soleil. Il existe les champs qu’on dévale dans des odeurs d’herbe mouillée ; le vent qui court ; et à défaut de vent, l’air qui est toujours là.

Il existe notre langage qu’ils refusent de comprendre et n’essayent pas de traduire, parce qu’ils le trouvent moins fin que le leur. Est-ce que notre langage suffit ? Il ne renverse pas les barrières, ne fait pas sauter les gonds. Mais si les portes s’ouvraient sur cet air qu’on dit libre, sur les bosquets peuplés d’oiseaux, et la vallée en bas, tout qui frémit, nous avons tendance à penser que ce langage suffirait à vivre.

Par Vincent Message. Photographies de l’Américan Brian Finke.

Défaite des maîtres et possesseurs, Vincent Message, coll. « Cadre rouge », éd. Seuil, 304 p., 18 €. Dans ce roman, l’auteur imagine un monde où l’homme subit les traitements qu’il inflige aux animaux.

En 1995, le film maudit de Paul Verhoeven est fustigé par les critiques et boudé par les spectateurs. Au fil des ans, il s’imposera comme une satire mordante de l’Amérique actuelle.


Showgirls de Paul Verhoeven est longtemps resté un film radioactif. Sous le coup d’une double malédiction. Celle de son échec au box-office américain à sa sortie en septembre 1995 : 20 millions de dollars de recettes pour un budget de production de 45 millions. Puis de son lynchage par ­la critique américaine. Laquelle prit la vulgarité montrée dans le film pour celle du film lui-même, qui décrit l’ascension d’une danseuse de Las Vegas passée de strip-teaseuse à meneuse de revue dans le spectacle le plus prisé d’un grand hôtel.

Un exemple parmi d’autres phrases ­incendiaires : « La seule chose positive dans Showgirls, c’est que sa sensibilité reflète à merveille le microcosme qu’il dépeint : incroyablement vulgaire, indigne et grossier », pouvait-on lire dans l’hebdo­madaire Variety.

Aux Razzie Awards, qui couronnent les plus mauvais films de l’année, Showgirls domine la cérémonie en remportant les prix de « pire film », « pire scénario » et « pire actrice » pour ­Elizabeth Berkley, comédienne quasi ­débutante. Paul Verhoeven hérite aussi du titre de « pire réalisateur » et, fait ­rarissime, vient le chercher en personne. Le cinéaste voulait que son film marque une différence, cette récompense en souligne la singularité.

« Le vide, même avec la conscience de la vacuité, reste le vide. » « Le Monde » du 11 janvier 1996

La sortie de Showgirls en France, en janvier de l’année suivante, se déroule avec d’autant plus d’indifférence que le film traîne le poids des retours désastreux aux Etats-Unis. On peut lire dans Le Monde daté 11 janvier 1996 : « Peut-on se contenter d’un regard surplombant sur une réalité désespérément inhabitée si rien ne vient meubler un récit qui se contente de ses conventions et n’invente que l’idée qu’il se fait de sa propre intelligence ? Le vide, même avec la conscience de la vacuité, reste le vide. » En 1995, Paul Verhoeven sort du succès commercial de Basic Instinct (1992), écrit par le scénariste le plus en vogue à ­Hollywood – l’un des plus talentueux aussi – Joe Eszterhas.

Le couple se reforme pour Showgirls avec un projet très clair. Les deux hommes veulent tourner un film interdit aux moins de 17 ans, sans se fixer de limites sur la nudité et le sexe. Avec le recul, Showgirls apparaît comme la dernière superproduction américaine à s’autoriser cette liberté.

Las Vegas, métaphore de l’existence

Verhoeven a pour modèle les comédies musicales de la Metro-Goldwyn-Mayer des années 1940 (la même MGM distribuera d’ailleurs Showgirls aux Etats-Unis). Mais le réalisateur néerlandais veut de la couleur et du bruit, du cynisme et de la vulgarité en lieu et place de l’élégance et du romantisme traditionnellement liés au genre. Le choix de Las Vegas, à ses yeux métaphore de l’existence, est, pour lui, une ­évidence.

Au milieu des années 1990, la métropole du Nevada se « gentrifie » à toute allure, avec l’ouverture d’hôtels ­pharaoniques, à côté desquels subsiste une myriade de petits clubs où cohabitent strip-teaseuses et prostituées. Si Vegas est la capitale du jeu, pour Verhoeven, elle reste d’abord celle du sexe.

La bande-annonce de « Showgirls »

La réhabilitation de Showgirls commence au début des années 2000. D’abord pour de mauvaises raisons. Le film gagne un statut d’objet culte, devient un plaisir coupable demandant à être pris au second degré tant sa médiocrité se révèle hors du commun. Il rencontre un succès inattendu en vidéo et DVD, accumulant plus de 100 millions de dollars de recettes. Le ­réalisateur de Hairspray, John Waters, cinéaste de l’outrance par excellence, est l’un des premiers à soutenir le film qu’il considère « drôle, stupide, de mauvais goût, regorgeant de clichés. En d’autres mots, le film parfait. Quoi qu’ils en disent aujourd’hui, le réalisateur et le scénariste faisaient preuve d’un humour involontaire. »

« De tous les films américains qui se déroulent à Las Vegas, c’est le seul qui soit vrai. » Jacques Rivette, réalisateur

Rien n’est pourtant laissé au hasard dans Showgirls. C’est le film le plus juste ­consacré à Las Vegas, avec Casino, de Martin Scorsese. C’est aussi un modèle de ­maîtrise, le contraire d’une réussite ­fortuite. Showgirls est à la fois déplaisant et grotesque. Déplaisant car ses personnages sont haïssables, veules, corrompus, à ­l’exception de son héroïne paroxystique. Grotesque, car l’esthétique du film reste celle de la démesure.

En 1998, le film de Verhoeven est, enfin, pris au sérieux. Jacques Rivette, dans un entretien aux Inrockuptibles, estime qu’il s’agit d’un des grands films américains de ces dernières années. Il qualifie même l’actrice principale, ­Elizabeth Berkley, de « stupéfiante ». L’échec du film lui a pourtant été largement imputé, au point d’oblitérer la suite de sa carrière. « Comme tous les films de Verhoeven, explique le réalisateur de La Belle Noiseuse, Showgirls est très déplaisant : il s’agit de survivre dans un monde peuplé d’ordures, voilà sa philosophie. De tous les films américains qui se déroulent à Las Vegas, c’est le seul qui soit vrai. » Et d’ajouter avec malice : « Croyez-moi, moi qui n’y ai jamais mis les pieds. »

Genre, féminisme et « sexploitation »

Cinq ans plus tard, en 2003, la revue Film Quarterly consacre l’un de ses numéros au film de Verhoeven. Plusieurs univer­sitaires abordent Showgirls sous l’angle des questions du genre, du féminisme et de la « sexploitation ». En 2014, dans la monographie It Doesn’t Suck : Showgirls (« Ce n’est pas une merde : Showgirls »), le critique Adam Nayman écrit : « Un film dévastateur. (…) Si on le prend comme un commentaire sur la dimension sadique et salace du show-business, c’est l’œuvre d’un maître. »

Alors, comment expliquer que ce film ait été à ce point incompris ? Showgirls apparaît comme l’envers d’Une étoile est née, l’histoire hollywoodienne par excellence, où une inconnue parvient au firmament par sa beauté et son talent. Mais alors qu’Une étoile est née incarne le rêve américain, il n’a pas été pardonné à Verhoeven, immigré européen, d’y toucher, de le regarder en face, de lui retirer tout idéalisme pour y voir la luxure, la compromission, l’idée, inacceptable dans un pays puritain, que le sexe reste le moyen d’ascension sociale le plus sûr. Autant de péchés pour lesquels le réalisateur a payé. Aujourd’hui, alors que le film ressort en salles (le 14 septembre) et en DVD (Pathé), Verhoeven est passé de la crucifixion à la résurrection.

[Chronique] Le 23 juin, le Royaume-Uni a choisi de sortir de l’Union européenne, David Cameron a perdu son pari et son poste de premier ministre. Avant lui, d’autres politiques se sont tiré une balle dans le pied lors de consultations populaires.

2016 : David Cameron balayé par le Brexit

La campagne électorale pro-Brexit sur la Tamise, à Londres.

David Cameron l’avait promis lors de sa campagne pour un second mandat de premier ministre… et il l’a fait. Le 23 juin, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne a vu le « non » l’emporter par 51,9 % des voix. Le premier ministre

britannique a annoncé sa démission dès septembre.

Lire aussi : « Brexit » : le pari perdu de « lucky Dave »

2005 : Jean-Pierre Raffarin laminé par un traité

Affiche du Parti communiste francais pour le « non » au référendum sur la Constitution européenne, à Paris, en mars 2005.

Le 29 mai 2005, les Français sont appelés à approuver un traité établissant une constitution pour l’Europe. Le résultat du référendum – 54,68 % de « non » –, joint à celui des Pays-Bas trois jours plus tard, scelle le sort du traité et celui de Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre de Jacques Chirac. Il démissionne le lendemain, remplacé par Dominique de Villepin.

1997 : Jacques Chirac mouché par l’Assemblée

Jacques Chirac annonçant, à la télévision, la dissolution de l’Assemblée nationale, le 21 avril 1997.

Sa majorité parlementaire est écrasante, mais le président Chirac estime que les prochaines échéances – les élections européennes de 1999 et le respect des critères de convergence pour lancer l’euro – nécessitent « une majorité ressourcée ». Il dissout alors l’Assemblée nationale. Las, le RPR ne remporte que 139 sièges contre 255 au PS. Lionel Jospin et la gauche

plurielle dirigeront le pays jusqu’en 2002.

1995 : Jacques Parizeau éjecté par les Québécois

Manifestation pour l’unité du Canada, le 29 octobre 1995, à Québec.

Une première tentative avait eu lieu en 1980, mais l’indépendance du Québec avait alors été repoussée par 59,6 % des votants. En 1995, le premier ministre québécois, Jacques Parizeau, organise une nouvelle consultation, mettant sa démission dans la balance. Le résultat est plus serré, mais le « non » l’emporte encore une fois par 50,6 % des voix. Parizeau démissionne et se retire de la vie politique.

1969 : Charles De Gaulle désavoué par les Français

« Unes » de journaux annonçant la démission de Charles De Gaulle.

A 78 ans, le Général a survécu à Mai-68. Le référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat aura raison de lui. Ce 27 avril 1969, le président de Gaulle demande aux Français de se prononcer sur la « nécessité d’une mutation de la société française » : 52,41 % des votants répondent « non ». Il démissionne le lendemain.

Lire aussi :Fin du gaullisme ou fin d’un gaullisme ?