A quelques semaines des élections législatives, deux documentaires suivent les leaders de Podemos et l’ascension d’Ada Colau, « indignée » devenue maire de Barcelone en 2015.
Une nouvelle génération est entrée en politique en Espagne en 2015. Cette « révolution » méritait bien un film. Voire deux. C’est ce que se sont dit les auteurs de deux documentaires sortis à une semaine d’intervalle : Fernando León de Aranoa, qui signe Política, manual de instrucciones (« politique, mode d’emploi »), sur l’ascension de Podemos ; et Pau Faus, qui a réalisé Alcaldessa (« maire », en catalan), sur la maire de Barcelone Ada Colau. Deux films montrant sans fard les principales figures de la gauche anti-austérité. Et racontent en creux le même défi : comment passer de l’indignation et du militantisme social à la lutte pour le pouvoir politique.
Ces sorties interviennent à quelques semaines des nouvelles élections législatives, convoquées le 26 juin. Le Parlement issu des élections du 20 décembre 2015, qui avait vu Podemos remporter 20,7 % des suffrages, n’a pas réussi à dégager une majorité susceptible de gouverner. Fernando León, connu pour son cinéma social, a notamment réalisé en 2003 Les Lundis au soleil avec Javier Bardem, un film sur le chômage.
Au cœur de la machine Podemos
Sorti en salles le 3 juin, Política, manual de instrucciones retrace le parcours de Podemos, depuis son congrès fondateur de Vista Alegre, en octobre 2014, jusqu’à son relatif succès aux élections de décembre 2015. Grâce à un accès privilégié aux coulisses du parti pendant plus d’un an, le réalisateur dévoile les décisions stratégiques mais aussi les contradictions de Podemos. En somme le « manuel » mis en œuvre par la formation pour transformer un mouvement social qui se disait horizontal en un parti vertical capable de disputer au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) l’hégémonie de la gauche.
La bande-annonce de« Política, manual de instrucciones », de Fernando León
Rien n’échappe à Fernando León. Ni les tensions avec une frange du parti qui exige que l’on donne plus de pouvoirs aux militants. Ni les démissions de nombreuses délégations territoriales de Podemos qui reprochent à Pablo Iglesias de centraliser le pouvoir à Madrid. Ni le scandale fiscal de l’un des fondateurs du parti, Juan Carlos Monedero, qui a facturé, en passant par une société, ses conseils à l’ancien gouvernement vénézuélien de Hugo Chavez pour réduire le montant de ses impôts. Ni les références latino-américaines de Podemos, qui veut dépasser le clivage droite-gauche pour devenir le parti du peuple, de la « patrie ».
Au fil du documentaire, Podemos apparaît comme le résultat de choix stratégiques qui ont souvent peu à voir avec l’esprit des « indignés » dont il se dit l’héritier. Mais aussi comme une machine électorale performante maniant parfaitement la communication politique. « Il n’y a pas de processus de transformation politique sans déceptions », justifie, devant la caméra,
le numéro deux de Podemos et brillant politologue Iñigo Errejón.
La maire de Barcelone, héroïne moderne
Dans un genre très différent, Pau Faus a réalisé un portrait de l’ex-militante du droit au logement et actuelle maire de Barcelone Ada Colau. Il l’a suivie depuis sa décision de se présenter aux élections municipales, avec sa plateforme citoyenne Barcelone en commun, jusqu’à sa victoire en mai 2015. Larmes et rires, tensions et doutes, face caméra, elle apparaît dans Alcaldessa, sorti en salles le 27 mai, comme une héroïne moderne incarnant l’entrée en politique de personnes engagées rêvant de régénérer des institutions corrompues.
La bande-annonce de « Alcaldessa », de Pau Faus
Les deux documentaires ont été réalisés avant que les députés de Podemos ne montrent leur incapacité à former un gouvernement avec le PSOE et qu’Ada Colau ne voie sa marge de manœuvre limitée par le manque de soutien des autres formations à sa politique. Ils racontent donc déjà un autre temps politique. Un moment où les deux réalisateurs considéraient que l’Espagne vivait un moment historique. Ce qui reste encore à démontrer.
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