A quelques semaines des élections législatives, deux documentaires suivent les leaders de Podemos et l’ascension d’Ada Colau, « indignée » devenue maire de Barcelone en 2015.

Ada Colau avec les dirigeants de Podemos, Pablo Iglesias (au centre) et Iñigo Errejón.

Une nouvelle génération est entrée en politique en Espagne en 2015. Cette « révolution » méritait bien un film. Voire deux. C’est ce que se sont dit les auteurs de deux documentaires sortis à une semaine d’intervalle : Fernando León de Aranoa, qui signe Política, manual de instrucciones (« politique, mode d’emploi »), sur l’ascension de Podemos ; et Pau Faus, qui a réalisé Alcaldessa (« maire », en catalan), sur la maire de Barcelone Ada Colau. Deux films montrant sans fard les principales figures de la gauche anti-austérité. Et racontent en creux le même défi : comment passer de l’indignation et du militantisme social à la lutte pour le pouvoir politique.

Ces sorties interviennent à quelques semaines des nouvelles élections législatives, convoquées le 26 juin. Le Parlement issu des élections du 20 décembre 2015, qui avait vu Podemos remporter 20,7 % des suffrages, n’a pas réussi à dégager une majorité susceptible de gouverner. Fernando León, connu pour son cinéma social, a notamment réalisé en 2003 Les Lundis au soleil avec Javier Bardem, un film sur le chômage.

Au cœur de la machine Podemos

Sorti en salles le 3 juin, Política, manual de instrucciones retrace le parcours de Podemos, depuis son congrès fondateur de Vista Alegre, en octobre 2014, jusqu’à son relatif succès aux élections de décembre 2015. Grâce à un accès privilégié aux coulisses du parti pendant plus d’un an, le réalisateur dévoile les décisions stratégiques mais aussi les contradictions de Podemos. En somme le « manuel » mis en œuvre par la formation pour transformer un mouvement social qui se disait horizontal en un parti vertical capable de disputer au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) l’hégémonie de la gauche.

La bande-annonce de« Política, manual de instrucciones », de Fernando León

Rien n’échappe à Fernando León. Ni les tensions avec une frange du parti qui exige que l’on donne plus de pouvoirs aux militants. Ni les démissions de nombreuses délégations territoriales de Podemos qui reprochent à Pablo Iglesias de centraliser le pouvoir à Madrid. Ni le scandale fiscal de l’un des fondateurs du parti, Juan Carlos Monedero, qui a facturé, en passant par une société, ses conseils à l’ancien gouvernement vénézuélien de Hugo Chavez pour réduire le montant de ses impôts. Ni les références latino-américaines de Podemos, qui veut dépasser le clivage droite-gauche pour devenir le parti du peuple, de la « patrie ».

Au fil du documentaire, Podemos apparaît comme le résultat de choix stratégiques qui ont souvent peu à voir avec l’esprit des « indignés » dont il se dit l’héritier. Mais aussi comme une machine électorale performante maniant parfaitement la communication politique. « Il n’y a pas de processus de transformation politique sans déceptions », justifie, devant la caméra,

le numéro deux de Podemos et brillant politologue Iñigo Errejón.

La maire de Barcelone, héroïne moderne

Dans un genre très différent, Pau Faus a réalisé un portrait de l’ex-militante du droit au logement et actuelle maire de Barcelone Ada Colau. Il l’a suivie depuis sa décision de se présenter aux élections municipales, avec sa plateforme citoyenne Barcelone en commun, jusqu’à sa victoire en mai 2015. Larmes et rires, tensions et doutes, face caméra, elle apparaît dans Alcaldessa, sorti en salles le 27 mai, comme une héroïne moderne incarnant l’entrée en politique de personnes engagées rêvant de régénérer des institutions corrompues.

La bande-annonce de « Alcaldessa », de Pau Faus

Les deux documentaires ont été réalisés avant que les députés de Podemos ne montrent leur incapacité à former un gouvernement avec le PSOE et qu’Ada Colau ne voie sa marge de manœuvre limitée par le manque de soutien des autres formations à sa politique. Ils racontent donc déjà un autre temps politique. Un moment où les deux réalisateurs considéraient que l’Espagne vivait un moment historique. Ce qui reste encore à démontrer.

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[Chronique] Ce week-end, le Royaume-Uni célèbre les 90 ans d’une reine qui n’a jamais manqué de chien. Quoique.

En 1952 : pliée en quatre

Au château de Balmoral (Ecosse), le 28 septembre 1952.

Des morts, un divorce, une abdication, et hop ! A la surprise générale, Elizabeth vient d’être couronnée reine à l’âge de 26 ans. Désormais, c’est donc au château de Balmoral qu’elle promène ses deux chiens, vêtue d’un tailleur vert-de-gris montrant qu’elle prend parfaitement le pli. Mais quel pli exactement ? Pli plat, pli creux, pli accordéon, pli religieuse, pli nervure ? Non, ici, les plis de la jupe royale sont couchés. Et cela tombe bien : « Couchés ! Couchés, les chiens ! »

En 1975 : le dorgi et les odeurs

A Badminton (Angleterre), lors d’une course de chevaux, le 14 octobre 1975.

Vingt-trois ans plus tard, la reine promène-t-elle encore ses chiens ? C’est probable (rappelons qu’Elizabeth est passionnée par la question canine, au point d’avoir créé sa propre race, le « dorgi »). Et pour ce faire, quoi de mieux que porter une veste de type Barbour ? Attention quand même, Elizabeth : les vestes en coton huilé finissent toujours par sentir extrêmement fort. Surtout quand on les porte par temps de chien.

En 1991 : le sac de nœuds

Au château de Windsor, le 10 mai 1991.

Mais bon sang, où sont-ils passés ? Seize ans plus tard, Elizabeth cherche toujours ses chiens, et pour avoir les mains libres, elle a coincé son sac à la saignée du coude. Grave erreur. Des études ont prouvé qu’une telle pratique peut provoquer des tendinites. Au Japon, une campagne de santé publique a même été organisée il y a quelques années pour dissuader les femmes de porter ainsi leur sac. Au risque d’avoir un mal de chien.

En 1999 : arlequine perdue

Au Palais de Birmingham (Angleterre), le 29 novembre 1999.

Malgré la disparition des chiens, il faut bien continuer à vivre. Voici donc Elizabeth en soirée, vêtue d’une toilette à sequins, inspirée du déguisement d’Arlequin, ce personnage de la commedia dell’arte dont le costume aux mille losanges représentait la personnalité aux mille facettes. Classe ? Bien sûr que c’est classe ! Et que c’est mérité. En stakhanoviste de la mode, la reine aura fait défiler quatre stylistes en soixante-quatre ans de règne. Quatre stylistes, et trente chiens aussi.

En 2016 : rose combat

A Berkhamsted (Angleterre), le 6 mai 2016.

Est-ce une laisse qu’elle tient dans sa main droite ? Non, malheureusement, un simple sac. A 90 ans, Elizabeth fait attention à son coude, porte des chapeaux monumentaux (elle en posséderait près de 5 000) et ose la couleur – pour que le petit peuple puisse plus facilement la voir – tout en lestant ses jupes de plomb pour ne pas lui infliger une vue déplaisante. La reine pense à tout, mais il reste encore des Anglais pour demander sa tête et celle de la royauté. Quelle vie de chien !

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Le Monde | 08.06.2016 à 08h20 |Par Erwan Bruckert

Ses performances à Leicester ont décidé Didier Deschamps à l’appeler en équipe de France. Le footballeur franco-malien fait aujourd’hui partie des meilleurs espoirs de l’Euro 2016.

N'Golo Kanté lors du match amical France-Ecosse, à Longeville-lès-Metz,le 4 juin 2016.

Le joueur d’en-bas

Né en 1991 à Paris, le Franco-Malien a porté pendant dix ans les couleurs de la JS Suresnes, modeste club des Hauts-de-Seine, loin des centres de formation. En 2010, alors qu’il évolue en promotion d’honneur (niveau régional), il est repéré par l’US Boulogne, qui lui offre un contrat amateur pour jouer en CFA2. A 19 ans, il quitte l’Ile-de-France pour le Pas-de-Calais et donne un coup de fouet à sa carrière.

Le joker de Leicester

En 2015, après deux années réussies à Caen, le milieu de terrain courtisé notamment par Lyon et Marseille choisit de s’envoler outre-Manche, à Leicester, qui a frôlé la relégation. Pari réussi : en Premier League, il se révèle aux yeux du monde entier comme l’un des principaux artisans du titre de champion décroché par les « Foxe », immense exploit du football anglais.

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L’empereur du milieu

Pour sa première saison en Angleterre, l’ex-Caennais a affolé les statistiques : il est le joueur du championnat qui, cette année, a réussi le plus de tacles et intercepté le plus de ballons. L’athlète a démontré par les chiffres qu’il était le meilleur milieu récupérateur de la saison, et peut-être même « le meilleur joueur de Premier League », comme l’a affirmé Sir Alex Ferguson, l’ex-entraîneur de Manchester United.

Le bleu des Bleus

Il y a trois mois, Didier Deschamps le récompense pour sa brillante saison en l’appelant en équipe de France. Pour sa première titularisation, le 29 mars – jour de son anniversaire –, le Parisien marque dès la huitième minute du match contre la Russie. Il n’y a alors plus de doute : N’Golo a validé son ticket pour l’Euro.

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Sa sélection en équipe de France

  • Erwan Bruckert

    Journaliste au Monde

[Chronique] Les spécialistes s’interrogent sur le style de jeu des Bleus. Mais, niveau style, la vraie question est ailleurs. Croyez-nous.

1991 : le « v » de victoire

En 1991.

Didier Deschamps n’a que 23 ans mais c’est déjà un fin tacticien. Prêté par Marseille à Bordeaux, il sait qu’il doit prouver sa loyauté à ses nouveaux supporteurs. Le voilà donc qui parade dans un pull-over orné d’un imposant scapulaire, semblable à celui qui barre historiquement le maillot des Girondins de Bordeaux. De toute évidence, le jeune Didier a déjà compris que le style importe peu : seul le résultat compte.

2003 : taille patron

Avec Pavel Neved de la Juventus de Turin, à Monaco, le 28 août 2003.

Vingt-deux ans plus tard, confirmation : le style, Didier s’en moque. Devenu entraîneur, il pose ici à côté de la star tchèque Pavel Nedved, vêtu d’un costume si ample qu’il

rappelle les zoot suits portés par les swingueurs américains des années 1930. Est-ce une

tactique destinée à montrer que le costume d’entraîneur n’est pas trop grand pour lui ? Sans doute. D’ailleurs, à la tête de l’AS Monaco, Didier remportera cette année-là son premier trophée – une Coupe de la Ligue.

2004 : une autre paire de manches

Avec Patrice Evra lors du match Monaco contre Porto en finale de la Ligue des champions, le 26 mai 2004.

Une Coupe de la Ligue, et puis l’exploit : avec les joueurs monégasques, Didier atteint la finale de Ligue des champions. Mais la marche est trop haute. Battus 3-0 par le FC Porto du très élégant José Mourinho, les joueurs de la Principauté pleurent et Didier montre ses limites : à en juger par la manche gauche de son manteau en cuir, il n’a pas le bras assez long pour soulever le trophée convoité.

2008 : blues jean

En 2008.

Quatre ans plus tard, « la Desch » est à l’arrêt. A la recherche d’un nouveau club, il profite de son temps libre pour s’occuper, enfin, de son style. En l’occurrence, il porte ce que les Américains appellent avec beaucoup de dédain un « smoking canadien », à savoir un jean et une veste en jean. Résultat ? Vite, qu’il retrouve un club !

2016 : grisé par les bleus

Dans les  locaux du « Parisien » à Saint-Ouen, le 22 février 2016.

Mieux qu’un club, il a fini par trouver une sélection. A 47 ans, Didier Deschamps s’apprête à disputer l’Euro à la tête des Bleus, et on le sent prêt, jusque dans les moindres détails : son costume brillant (c’est le problème avec le mohair) est même assorti à ses cheveux brillants (c’est le problème avec la laque de mauvaise qualité). L’un dans l’autre, on a hâte de voir le résultat. Puisqu’il n’y a que ça qui compte.

Le chef étoilé Daniel Patterson inaugure un nouvel établissement de qualité dans un quartier pauvre de San Francisco, où les produits frais sont rares.

Locol a recruté des jeunes exclus du système scolaire, d’anciens détenus, des employés de fast-food qui en avaient assez de se sentir exploités

Les gourmets de San Francisco l’ont connu à la tête du restaurant Coi, où il a introduit la cuisine moléculaire. Ce 25 mai, à Oakland, Daniel Patterson, lauréat de deux étoiles

au Michelin, inaugure un établissement d’un tout autre genre : Locol, un fast-food, où rien à la carte ne dépasse 7 dollars (6,28 euros). Vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un tablier noir – les couleurs de Locol – le chef prépare lui-même les burgers rebaptisés « burgs », constitués de 70 % de bœuf et 30 % de graines et de tofu. Pas de frites au menu, ni de boissons sucrées, mais un lit de raifort aux oignons verts dans les sandwiches. Tout est sain et se veut savoureux. Pionnier de la haute cuisine californienne, Daniel Patterson entend démocratiser la gastronomie. Apporter la qualité dans les quartiers défavorisés, ces « déserts culinaires » où les produits frais sont rares. Le premier Locol a ouvert en janvier à Watts, le quartier de Los Angeles dont le nom reste associé aux émeutes raciales de 1965 et 1992. Il emploie aujourd’hui 50 personnes.

Une collaboration de chefs célèbres

Après Oakland, la chaîne compte s’implanter dans le quartier de Tenderloin, le fief des sans-abri de San Francisco. A terme, Daniel Patterson rêve de repas économiques de qualité dans les hôpitaux publics, les prisons, les écoles… Locol est un nom qui joue sur loco, fou en espagnol, et local, comme les produits utilisés en cuisine, tous achetés auprès de producteurs qui ont accepté de rogner leurs marges.

Daniel Patterson s’est associé à Roy Choi, le cuisinier de Los Angeles qui a fait fortune dans les food trucks et fait entrer le taco coréen dans les guides gastronomiques. Chad Robertson, de Tartine Bakery, le Poilâne de San Francisco, a apporté sa spécialité de pain au koji (riz fermenté) pour le burger. René Redzepi, le fondateur de Noma, le grand restaurant de Copenhague, soutient le projet.

Une collecte sur le site de financement participatif Indiegogo a rapporté 130 000 dollars, avec l’aide du réalisateur Jon Favreau et de l’actrice Gwyneth Paltrow. Le restaurant d’Oakland est meublé de cubes et de tables en bois. Au mur, un poster géant, en noir et blanc, représente un jeune accoudé sur son scraper bike, ce vélo aux rayons décorés qui fait fureur dans les quartiers.

Locol a recruté des jeunes exclus du système scolaire, d’anciens détenus, des employés de fast-food qui en avaient assez de se sentir exploités. « Ma mère cumulait trois jobs, elle n’avait jamais le temps de cuisiner, explique Bam, le responsable du recrutement. On a grandi avec des trucs à réchauffer au micro-ondes, des pizzas. » L’objectif de Locol n’est rien moins que « redéfinir le fast-food ».

En rejoignant, le 19 mai, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, l’ex-député EELV a choisi la voie du pouvoir.

Portrait de François de Rugy, à Blois, le 26 août 2015.

Nantais pur jus

Né à Nantes en 1973, ­François de Rugy a construit sa carrière politique dans la Cité des ducs. En 1995, à peine diplômé de Sciences Po Paris, il fonde et préside l’association Ecologie 44 puis se présente, en 1997, à ses premières législatives en Loire-Atlantique. Perdant, mais revanchard, il est élu conseiller municipal de Nantes et vice-président de la communauté urbaine en 2001. Depuis 2007, il est député de la Première circonscription de Loire-Atlantique, regroupant Nantes et la ville voisine d’Orvault.

Jeune loup pressé

« C’est un ambitieux », dit de lui son ami Jean-Vincent Placé. Président d’un mouvement écologiste à 22 ans, conseiller municipal à 27, député à 33, « FDR » est un animal politique précoce. En 2012, à 38 ans, il prend la présidence du groupe EELV à l’Assemblée nationale, qu’il dirigera en tandem avec Barbara Pompili. Il rêve alors d’un portefeuille ministériel et le fait savoir à Jean-Marc Ayrault, qui ne ­l’appellera jamais. La démission de Denis Baupin, soupçonné de harcèlement sexuel, lui permet, le 17 mai, de prendre l’une des six places de vice-­président de l’Assemblée.

Anti-Notre-Dame-des-Landes

Longtemps adjoint chargé des transports d’Ayrault à Nantes, dont il vante les qualités d’écoute et les méthodes de gouvernance, François de Rugy s’est ­pourtant écharpé avec ­l’ex-premier ministre sur un sujet : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Contre ­le projet, il accuse l’Etat de passer en force et de ne pas privilégier l’extension de l’actuel aéroport de Nantes. L’une des rares prises de position du dirigeant écolo contre le gouvernement socialiste.

Socialiste de fraîche date

François de Rugy a souvent flirté avec le Parti socialiste. En 2007, celui qui se décrit comme « un mitterrandiste » gagne sa circonscription grâce à une alliance avec le PS, à rebours des consignes internes des Verts. Son virage vers le rose se confirme aujourd’hui : après avoir quitté EELV en août 2015, il rejoint le 19 mai dernier le groupe socialiste à l’Assemblée nationale avec cinq autres députés verts, provoquant la dissolution du groupe. Prochaine étape : la primaire du Parti socialiste. Ambitieux, vous dit-on.

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L’ENFANCE. Sadiq, ici en 1972, à 2 ans (pantalon jaune), est le premier de ses frères et sœur à naître à Londres. Il a grandi dans une cité HLM du quartier populaire de Tooting, dans la banlieue sud de la capitale britannique.

Après le paquet neutre et les prix prohibitifs, le gouvernement australien veut interdire la vente de tabac aux personnes nées après 2001.

L’Australie, l’un des pays les plus antitabac au monde, sait se montrer innovant dans sa lutte contre la cigarette. Le paquet neutre, qui arrive tout juste en France, y est apparu fin 2012. Dans les magasins, les cigarettes sont cachées derrière le comptoir du vendeur, enfermées dans un placard où figure le message : « Fumer tue » ou « Arrêtez de fumer ». Le prix : 26,50 dollars australiens (16,76 euros) pour l’une des marques les plus achetées dans le monde. Et le paquet, couleur kaki, est couvert d’images chocs de personnes gravement malades à cause du tabac.

En 2020, le prix du paquet de cigarette s’élèvera à près de 27 euros en Australie.

Mais l’Australie ne va pas s’arrêter en si bon chemin. En mai, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour les fumeurs invétérés. Cela a démarré avec la présentation du budget 2016-2017, dont l’une des mesures fortes vise la consommation de tabac. A partir de septembre 2017, chaque année, pendant quatre ans, le prix des paquets de cigarettes augmentera de 12,5 %. Il s’élèvera à près de 27 euros en 2020. Autre mesure restrictive : les fumeurs devront renoncer aux cartouches détaxées des aéroports ou rapportées de l’étranger : seulement 25 cigarettes par voyageur, contre 50 jusqu’ici, sont désormais autorisées par voyageur. Et le gouvernement va augmenter les moyens consacrés à la lutte contre le trafic. Ces mesures devraient rapporter 4,7 milliards de dollars australiens (3 milliards d’euros) à l’Etat.

La longue liste des lieux sans tabac

Le Queensland, dans le nord-est du pays, où environ 3 700 personnes meurent chaque année à cause du tabac, enfonce le clou. « Peut-être qu’un jour, il n’y aura plus de fumée dans notre Etat », s’est récemment pris à rêver Mark McArdle, chargé des questions de santé dans l’opposition libérale. Le 16 mai, le président de l’influente ONG Cancer Council Queensland, Jeff Dunn, a proposé d’interdire la vente de cigarettes aux personnes nées après 2001. « Cela voudrait dire que les jeunes de 15 ans n’auront jamais le droit de fumer », a-t-il expliqué.

Le ministre de la santé de l’Etat, le travailliste Cameron Dick, réfléchirait à cette proposition. Il a fait déjà voter en février une loi renforçant considérablement la lutte contre le tabac. Ainsi est-il désormais interdit de vendre des cigarettes dans les festivals, de fumer aux arrêts de bus, de taxi, à proximité des zones réservées aux enfants, dans des rues piétonnières, dans les zones de restauration, etc. Il a même été question d’inclure les balcons privatifs, mais la mesure a été abandonnée, certains dénonçant une atteinte aux libertés individuelles. Cameron Dick s’est félicité mi-mai : « Fumer est clairement devenu socialement inacceptable dans le Queensland. »

Lire aussi :Le paquet de tabac neutre est-il efficace ? Le cas de l’Australie

Les autres Etats ne sont pas en reste. Le Victoria, où est situé Melbourne, allonge régulièrement la liste des lieux sans tabac. La Tasmanie vient de proposer l’interdiction de fumer jusqu’à l’âge de 21, voire 25 ans. En Nouvelle-Galles du Sud, allumer une cigarette sur une plage de Sydney, c’est s’exposer à une amende de 110 dollars (71 euros).

Toutes ces mesures seraient efficaces à en croire les chiffres du gouvernement : en 1993, 25 % des personnes de plus de 14 ans fumaient, et elles n’étaient plus que 12,8 % en 2013. Et si un tiers des Aborigènes continuent de fumer, la tendance est là aussi à la baisse. Pour la renforcer, l’actuelle campagne antitabac diffusée à la télévision et à la radio s’adresse spécialement à cette communauté.

Il y a une vingtaine d’années, au début de sa carrière, Mads Mikkelsen, encore inconnu, arpentait la Croisette. Ce n’était pas encore le Cannes du tapis rouge, mais celui du Marché du film. L’acteur danois venait chercher des financements, avec le réalisateur Nicolas Winding Refn, qui lui avait donné son premier rôle, à 30 ans, dans Pusher. Avant cela, Mikkelsen, qui n’avait pas l’ambition de devenir acteur, adorait le sport et était danseur. Seize ans après Pusher, en 2012, il recevait le Prix d’interprétation masculine pour son rôle d’un présumé pédophile dans La Chasse, de Thomas Vinterberg.

Cette année, au sein du jury présidé par George Miller, c’était à son tour d’honorer ceux et celles qui font le cinéma. « C’est un grand honneur, commentait l’acteur entre deux montées des marches, parce que cela signifie que je représente quelque chose pour ce festival, qui est la plus grande déclaration d’amour au cinéma du monde. » Il assume très simplement ce besoin de reconnaissance auquel le milieu et le Festival ont si ardemment répondu : « Je pense que c’est la même chose pour tous ceux qui travaillent dans l’industrie du cinéma. Au plus profond de nous-mêmes, nous sommes tous des enfants qui veulent être aimés. »

Mads Mikkelsen était membre du jury lors du dernier festival de Cannes.

Au milieu des festivités et de leur décorum, il est cocasse d’évoquer avec lui la sortie française de Men & Chicken, d’Anders Thomas Jensen. Affublé d’un bec-de-lièvre et d’une grosse moustache, il interprète dans cette comédie noire déjantée un inadapté social qui se découvre une fratrie tout aussi fantasque : un rôle à rebours du glamour et des paillettes cannoises.

La bande-annonce de « Men & Chicken »

Il a tourné quatre films sous la direction de ce cinéaste − comme sous celle de Nicolas Winding Refn. S’il apprécie ces collaborations au long cours, c’est parce que la confiance établie autorise une plus grande audace : « Il y a un risque bien sûr, résume-t-il, celui de devenir paresseux et de refaire les mêmes choses. Mais c’est aussi l’occasion d’être plus courageux. »

Lire aussi : Nicolas Winding Refn, de « Drive » aux affiches de séries B

Il en faut, du courage, pour aller aussi loin dans le grotesque avec Men & Chicken. Bien que désireux de plaire, l’acteur n’a jamais été freiné par la peur du ridicule ou des extrêmes. La grande violence et les transformations physiques – qui vont souvent de pair, comme chez Nicolas Winding Refn, qui lui avait enlevé un œil dansLe Guerrier silencieux– ne l’intimident pas non plus.

Mads Mikkelsen se dit « peu soucieux de sa carrière ». Il avance au coup de cœur, un projet après l’autre et, lorsqu’il est séduit, se laisse emporter fougueusement, sans trop chercher à anticiper l’expérience. Il n’est pas de ceux qui passent troismois dans les bibliothèques avant chaque rôle : « La vérité d’un personnage est ailleurs que dans les livres », explique-t-il.

Dans « Men & Chicken », Mads Mikkelsen incarne un inadapté social à la découverte de sa nouvelle famille (ici avec Nicolas Bro).

Pour jouer Igor Stravinsky, dans Coco Chanel & Igor Stravinsky, de Jan Kounen (2009), il raconte avoir renoncé à lire, notamment les livres de Stravinsky lui-même, parce « qu’il n’y parlait que de lui. Il s’aimait manifestement beaucoup… Alors j’ai simplement écouté sa musique, en permanence, en me disant que lui était là, quelque part. J’y ai trouvé quelque chose de très radical et de très structuré en même temps, et c’est cette combinaison qui m’a inspiré ».

Figure familière du cinéma européen, très fidèle à celui de ses compatriotes danois, Mads Mikkelsen ne joue cependant pas qu’à domicile. Depuis son interprétation du malfaisant Le Chiffre dans Casino Royale, il s’est vu ouvrir les portes d’Hollywood, et ne s’est pas privé de les franchir. Entre le cinéma d’auteur européen et les blockbusters, pourquoi lui faudrait-il choisir ? « Il n’y a rien de schizophrène à aller de l’un à l’autre, explique-t-il. Je crois que ce sont surtout les Européens qui ont un problème avec ça. Peut-être parce qu’ils ont tendance à se considérer comme ceux qui font les “vrais” films… »

La bande-annonce de « Casino Royale »

A Hollywood, où son visage taillé à la serpe lui offre des rôles de grands méchants, il s’en donne à cœur joie : il combattra ainsi dès le 26 octobre le célèbre Docteur Strange, de Marvel, dans le film du même nom. Il fait également partie du casting de Rogue One : A Star Wars Story, dérivé de la saga Star Wars, en salles le 16 décembre.

De ses rôles de méchants de grands spectacles aux héros plus complexes du cinéma d’auteur (ou de la télévision : il a joué Hannibal Lecter pendant trois ans dans la série « Hannibal »), il parle avec le même enthousiasme enjoué. Et avec une lueur presque enfantine dans le regard qui laisse deviner le gamin désireux d’être aimé. Un gamin de 50 ans qui garde dans sa malle aux trésors un trophée cannois aux allures de talisman, les jours de pluie : « Je sais exactement où il se trouve. Si quelque chose ne se passe pas bien, ou si je suis déprimé, je le regarde et je me dis : “Ce jour-là au moins, j’ai été bon.” »

« Men & Chicken », film d’Anders Thomas Jensen, avec Mads Mikkelsen, Nikolaj Lie Kaas, David Dencik, Nicolas Bro. En salles. 1 h 44.

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Le Monde | 26.05.2016 à 09h57 |Par Erwan Bruckert

Cet ancien de Canal+, devenu directeur général adjoint chargé des contenus de la Une, sait booster les audiences. Dernier fait d’armes : le débauchage de Yann Barthès.

Ara Aprikian.

Homme de chiffres

Né en 1966, Ara Aprikian est diplômé de l’Ecole nationale de statistique et de l’administration économique ainsi que de Sciences Po Paris. Son entrée dans le monde des médias se fait par le marketing et les chiffres : il débute en 1990 comme chargé d’études au sein de la centrale d’achat d’espaces publicitaires chez Horizon Media, puis poursuit sa carrière chez Médiamétrie en 1993. Il entre en 1995 dans le groupe TF1 au sein de la direction du marketing.

Patron du clair

En septembre 2012, il est nommé directeur général adjoint de Canal+, chargé des tranches en clair et des chaînes D8, D17 et iTélé. Son premier défi est de moderniser D8, en créant sept heures de programmes inédits par jour, autour, notamment, de Laurence Ferrari et de Guy Lagache. Pari réussi : un an seulement après son lancement, la chaîne est la plus regardée de la TNT, devant TMC.

Faiseur de roi

Parmi ses faits d’armes dans le groupe Canal+, un coup de maître : avoir débauché Cyril Hanouna de France 4 et installé son émission hebdomadaire « Touche pas à mon poste » en quotidienne sur D8. Le succès est immédiat. Le programme fait un carton, dépassant régulièrement les 1,5 million de téléspectateurs depuis fin 2014. Hanouna devient ainsi la star du PAF.

As des transferts

Il n’a pas survécu à la mainmise de Vincent Bolloré sur le groupe Canal+ et a quitté ses fonctions en juillet 2015. Sept mois plus tard, le nouveau patron de TF1 l’installe au poste de directeur général adjoint chargé des contenus. Pour la prochaine rentrée télévisuelle, l’architecte des programmes débauche de nouvelles têtes… chez Canal+ : des pointures médiatiques, comme le commentateur sportif Grégoire Margotton ou le très populaire Yann Barthès, auquel il offre une case quotidienne sur TMC, face à « Touche pas à mon poste ». Vous avez dit vengeance ?

Lire aussi : Yann Barthès, Yves Calvi… les jolis coups de TF1

  • Erwan Bruckert

    Journaliste au Monde