Utiliser des drônes pour évaluer les zones dévastées par le séisme du 16 avril, une technologie pointue qu’un groupe d’archéologues franco-équatoriens a mise au service de l’armée.

Benoît Duverneuil, fondateur d’un groupe de recherche en archéologie franco-équatorien, envoie une petite flotte de drones pour réaliser des opérations de secours et des études après le tremblement de terre en Equateur.

Vue du ciel, la côte équatorienne offre un spectacle apocalyptique. Ses villages pittoresques ont cédé la place à des monceaux de gravats, sur lesquels quelques rares poteaux électriques dispersent leurs fils aux quatre vents. Au milieu des ruines, les secours s’organisent. Trois semaines après le séisme qui a ravagé le nord-ouest de l’Equateur, le 16 avril, l’heure n’est plus à la recherche des survivants. Elle est à l’évaluation des dégâts… considérables.

Entre les routes à déblayer, les convois à protéger et les populations à déplacer, l’armée ne sait plus où donner de la tête. Alors elle a décidé de la lever en direction de drôles de véhicules volants : des drones. Pilotés à distance par des bénévoles, ces petits aéronefs accompagnent les militaires depuis une quinzaine de jours dans les zones les plus inaccessibles du pays.

De l’imagerie haute précision

A l’origine de cette alliance atypique, une initiative d’un groupe de recherche en archéologie franco-équatorien, spécialisé dans l’exploration et la technologie : l’Aerial Digital Archaeology & Preservation (ADAP). « Au moment où le tremblement de terre s’est déclenché, l’un de nos formateurs, Dorian Roque, s’apprêtait à sensibiliser les archéologues de Quito à l’utilisation des drones pour recenser et protéger le patrimoine local, se souvient Benoît Duverneuil, fondateur du groupe de recherche. La catastrophe a changé sa mission ! »

Lire aussi : Le séisme en Equateur a fait plus de 640 morts

Et cet analyste du big data de raconter que, sitôt les secousses terminées, l’ADAP a rassemblé une équipe de pilotes professionnels et mobilisé ses réseaux : « Nous avons très vite obtenu l’aide matérielle de fabricants de drones aériens et aquatiques (DJI et OpenROV) ainsi que celle de sociétés de logiciels de mapping (DroneDeploy). Le réseau international UAViators nous a, de son côté, permis d’obtenir de l’imagerie satellitaire de haute précision. »

Reconstruction 3D à partir de photographies HD et de données géo-spatiales

Depuis, une douzaine d’engins munis de caméras et de capteurs thermiques survolent les lieux les plus sinistrés. « L’ampleur de la tâche est à l’image des dégâts, immense, surtout si l’on considère les risques de répliques, voire de l’éruption du volcan Cotopaxi », estime Benoît Duverneuil. Son groupe de bénévoles consacre donc une partie de son énergie à transmettre ses compétences afin que les unités locales soient en mesure de poursuivre la mission après leur départ.

« Notre intervention vise à dresser un état des lieux rapide, sécurisé et à moindre coût. » Benoît Duverneuil

Du matin au soir, les pilotes se relaient pour envoyer des drones sur les bâtiments identifiés à partir des plans fournis par l’Institut géographique militaire. « Notre intervention vise à dresser un état des lieux rapide, sécurisé et à moindre coût, explique-t-il, pour aider les équipes à se déployer à partir de photos transmises en temps réel. » Intégrés à des logiciels ultraperformants, les clichés aériens permettent en effet de recréer les positions géographiques et les volumes exacts de chaque élément ciblé. Le rendu est manipulable à merci par les autorités, qui peuvent ensuite zoomer. « La définition des images est si élevée qu’il est possible de mesurer une fissure dans la structure d’un château d’eau ou sous un pont », affirme Benoît Duverneuil. Inestimable, cette technologie permet aux architectes d’évaluer précisément les risques… sans en prendre. Une aide précieuse pour l’Equateur qui déplore déjà beaucoup trop de morts.

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Par Sandra Franrenet

A Erevan, George Clooney a décerné le premier prix récompensant ceux qui « sauvent des vies en mettant en péril la leur » à la Burundaise Marguerite Barankitse.

Invité à la commémoration du génocide arménien à Erevan, George Clooney a remis le prix Aurora à la Burundaise Marguerite Barankitse.

L’acteur américain George Clooney a été accueilli en chef d’Etat pour la cérémonie de commémoration des 101 ans du génocide arménien et s’est livré de bonne grâce à tous les ­exercices afférents : dépôt de gerbe à la mémoire des victimes, rencontres avec des officiels et visite des caves du fameux brandy arménien, l’Ararat, que les locaux s’obstinent à appeler « cognac » malgré les récriminations françaises. Le soir, devant un impres­sionnant parterre de personnalités internationales et locales, c’est aussi lui qui a remis le prix Aurora. Cette distinction, dont c’était la première édition, a été créée par des descendants des rescapés du génocide pour récompenser les « héros ordinaires » d’aujourd’hui.

« Si nous sommes là, c’est parce que quelqu’un a risqué sa vie pour sauver celle de nos grands-parents », martèlent en cœur les trois fondateurs du prix : Vartan Gregorian, président de la ­Carnegie Foundation de New York, l’ex-banquier d’affaires Ruben Vardanyan de Moscou et le spécialiste de capital-risque Noubar Afeyan.

La philosophie que partagent ces trois philanthropes tranche quelque peu avec le discours dominant en Arménie, et dans la diaspora, sur la mémoire du génocide. Tous les ans, les commémorations se déroulent sous le signe du slogan « Je me souviens et je réclame » : cette phrase, écrite dans plusieurs langues, accompagne les pèlerins dans leur marche vers le mémorial aux victimes, édifié sur les hauteurs d’Erevan. « Nous sommes bien ­évidemment attachés à la mémoire, nous sommes aussi pour la reconnaissance pleine et entière du génocide, notamment par les Etats-Unis, où deux d’entre nous résident. Mais nous voulons regarder vers l’avenir, passer à quelque chose de plus positif et constructif », poursuit Noubar Afeyan. Ainsi leur est venue l’idée, il y a un an, peu avant la commémoration du centenaire du génocide, de créer un prix récompensant ceux qui « sauvent des vies en mettant en péril la leur ».

Cérémonie de commémoration du génocide arménien le 24 avril à Erevan.

Le prix vise aussi à rendre ­hommage à ceux qui, toujours au péril de leur vie, contribuent à alerter l’opinion publique sur les atrocités commises lors des conflits modernes. A l’image d’Aurora Mardiganian (1901-1994). Seule survivante d’une famille arménienne décimée, cette jeune femme, émigrée aux Etats-Unis au début du siècle dernier, a grandement contribué à la prise de conscience internationale de l’ampleur des massacres commis contre les Arméniens sous l’Empire ottoman.

Plutôt que perpétuer l’image d’une Arménie « qui pleure ses victimes », Vartan Gregorian, Ruben Vardanyan et Noubar Afeyan ne cachent pas leur ambition de promouvoir un pays jeune qui veut – et peut – à son tour « faire le bien ». Comme pour ­s’acquitter d’une dette historique mais aussi pour tourner la page de la victimisation. « Notre message au monde est que nous sommes toujours là, debout et forts », renchérit Ruben ­Vardanyan. Pour sa première édition, le prix Aurora a été décerné à la Burundaise Marguerite Barankitse, fondatrice de la Maison Shalom, une association accueillant les orphelins des massacres ethniques qui ont ravagé son pays. Menacée de mort, elle vit aujourd’hui en exil. « Maggy » a reçu, très émue, un chèque de 100 000 dollars (87 000 euros) et dispose d’un million supplémentaire destiné à aider des organisations ayant inspiré son action.

C’était son premier voyage en Arménie, dont elle ignorait à ce jour presque tout de l’histoire dramatique.

Le milliardaire François Pinault a annoncé l’ouverture d’un musée à Paris, en 2018.

Le milliardaire François Pinault entouré de son fils et de son petit-fils, le 27 avril, à l’Hôtel de Ville de Paris.

« On m’a prévenu il y a quelques jours. J’étais en vacances, j’ai pu venir. » François Pinault junior, petit-fils de l’homme d’affaires et collectionneur, ne s’attendait pas à son quart d’heure médiatique. Couvé par l’état-major du milliardaire breton, ce jeune homme de 18 ans, qui doit passer son bac cette année, était aux premières loges lors de l’annonce, le 27 avril, de l’ouverture d’une antenne de la collection Pinault à la Bourse de commerce à Paris en 2018.

« Avec mes frère et sœur, on a assisté pendant quinze ans à la passion dévorante de notre père. » François-Henri Pinault

C’est entouré de tous ses proches, en particulier donc de son petit-fils et surtout de son fils François-Henri, que François Pinault a voulu marquer son ancrage à Paris, dix ans après avoir renoncé au projet sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt. Le bail de la concession signée avec la Ville, d’une durée de cinquante ans, couvre deux générations. Celui établi en 2006 avec la municipalité de Venise pour le Palazzo Grassi s’étire sur 99 ans. « Avec mes frère et sœur, on a assisté pendant quinze ans à la passion dévorante de notre père. L’histoire personnelle est devenue une aventure familiale. On ne fait pas ça pour cinq ou dix ans. J’ai pris l’engagement envers lui pour que ça aille au-delà d’une génération », a martelé François-Henri Pinault. Et d’ajouter : « Mon père ne voulait pas prendre cette décision seul. De façon naturelle, il m’a dit : “C’est à toi de le faire”. Et j’ai mon fils, François, qui poursuivra l’aventure. » Une aventure parisienne qui promet d’être coûteuse – on parle de 15 millions d’euros pour les deux premiers exercices.

Lire aussi : François Pinault investit la Bourse

La dépense n’a pas l’air d’émouvoir le PDG de Kering qu’on a rarement vu aussi ­rayonnant et disert que sous les lambris de l’Hôtel de Ville à Paris ce jour-là. Bien qu’il déclare être« né dans l’art », François-Henri Pinault admet ne pas avoir la « passion dévorante » de son aîné. Les œuvres qu’il achète restent dans « la sphère familiale » : elles ont seulement vocation à orner ses murs. L’homme ­d’affaires reconnaît une proximité avec des artistes tels que Damien Hirst et ­Youssef Nabil – tous deux proches de son épouse, l’actrice Salma Hayek –, Adel Abdessemed, Thomas Houseago ou ­Martial Raysse. Récemment, il a acheté une toile de Paul Rebeyrolle. Il en rit presque : tous ces créateurs figurent déjà dans la collection paternelle qui a clairement modelé son goût.

Un nouveau chapitre

Officialisé à l’hôtel de ville de Paris, le passage de témoin par anticipation n’est pas sans rappeler celui opéré voilà treize ans dans le champ des affaires. Lorsqu’en 2003, François Pinault décide de transmettre son fauteuil de président de PPR (rebaptisé Kering) à son fils, il lui offre un porte-clefs avec trois cercles en or entrelacés. Sur l’un était gravé son nom, sur le deuxième celui du fils. Le troisième ne comportait aucune inscription. Comme s’il incombait désormais à l’héritier d’écrire un nouveau chapitre. Gageons qu’il en sera de même dans quelques décennies sur le terrain de l’art. « A l’avenir, je m’impliquerai, affirme François-Henri Pinault. Je n’ai pas son expertise pour détecter, décider d’acheter ou pas. Mais je m’organiserai, m’entourerai, pour que ça continue. »

Malgré le sacre du film d’Abdellatif Kechiche aux Césars 2005, le jeune acteur n’a pas réussi à donner une suite à sa carrière. Il raconte son retour à la vie de galère dans un livre.

Le comédien Osman Elkharraz, révélé dans "L'Esquive", en mars 2005.

La dernière fois que vous avez vu Osman ­Elkharraz, c’était en 2004, il avait 13 ans. L’Esquive, le deuxième film d’Abdellatif Kechiche (La Graine et le Mulet, La Vénus noire, La Vie d’Adèle), venait de sortir, sa bouille était collée sur les flancs de bus. Osman, alias Krimo, tenait le premier rôle masculin au côté de Sara Forestier. Tous deux récitaient du Marivaux. Elle a poursuivi sa carrière, comme Sabrina Ouazani, une autre actrice du film. Pas lui.

Bande-annonce de « L’Esquive » (2005)

Malgré le sacre de L’Esquive aux Césars (quatre statuettes remportées) en 2005, Osman est retourné à la galère d’où Kechiche l’avait – un peu – sorti. Ces dernières années, alors que les autres enchaînaient les rôles, lui a « dormi dehors, dormi dans des caves, dormi dans des Lavomatique, pas dormi de la nuit ». A 26 ans, il publie Confessions d’un acteur déchu. De L’Esquive à la rue, coécrit par Raymond Dikoumé (éditions Stock, 232 p., 18,50 euros, sortie le 11 mai). Et avoue avoir« la rage » contre le milieu du cinéma, qui ne laisse aucune chance aux types comme lui. Contactés à l’occasion de la publication de son livre, ses anciens « collègues » de tournage sont tous aux abonnés absents.

Livré à lui-même dès l’âge de 9 ans

Osman Elkharraz a grandi à Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Livré à lui-même depuis la mort de sa mère, quand il a 9 ans, il est orphelin à 12, lorsque son père, incarcéré au Maroc, meurt d’un cancer. Son grand frère a beau trimer chez Attac et garder des bécanes volées dans le garage du pavillon familial, la fratrie apprend vite à se passer d’eau et d’électricité. Pas de chauffage l’hiver, pas de télé le soir, pas de lumière, pas de linge propre et beaucoup d’absences à l’école. « A l’époque, j’y allais quand il pleuvait », lâche-t-il aujourd’hui, entre deux bâillements, laconique et jet-lagué par une vie sans répit. Il fait ses premiers cambriolages à 11 ans. Des barbecues dans la cour de la maison à 3 heures du matin.

En 2002, il est remarqué par des responsables de casting alors qu’il traîne à La Défense, chez Auchan. La production cherche une équipe de jeunes acteurs non professionnels. Osman s’impose, comme une évidence. S’ensuit un tournage sous extrême tension, comme souvent, semble-t-il, avec Kechiche. Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, vedettes de La Vie d’Adèle couronné à Cannes en 2013, avaient d’ailleurs créé la polémique en évoquant ses méthodes tyranniques.

Sauf qu’à la différence des deux actrices, le gosse n’était pas habitué à obéir, ni à s’écraser. Osman a 13 ans, « pas de limites », pas de manières, pas de plan de carrière, et il incendie Kechiche devant toute l’équipe. Le réalisateur le calme, histoire de sauver son premier long-métrage. Mais le gamin sera largement évincé de la promo et, lors de la soirée des Césars en 2005, il sera le seul à ne pas toucher la statuette du meilleur film qui passe de main en main…

De casting en casting

De toute façon, entre-temps, la vie a repris son cours, et Osman Elkharraz, 14 ans, passe le plus clair de son temps au sommet d’une tour de La Défense à vendre du shit. Il faut bien vivre, la maison est vendue, et son cachet bloqué jusqu’à ses 18 ans (il ne percevra alors que 2 800 euros sur les 8 000 qu’il attendait, faute d’être allé les réclamer en justice comme les autres). Mais il ne lâche pas, tente le cours ­Florent, joue le jeu des castings, un peu dégoûté.

« J’ai croisé Kechiche. Il me regardait même pas, il s’éloignait en me parlant… » Osman Elkharraz

Officiellement, aujourd’hui, il attend toujours que Jamel Debbouze, rencontré un jour Porte de Clignancourt, le reçoive comme promis. En vrai, il s’est fait une raison : « Si tu veux ­tourner, faut savoir te vendre. (…) J’ai vu des gens se dandiner, ça allait trop loin. C’était plus de la lèche, c’était de la pornographie », écrit-il. Il a proposé à Kechiche, qu’il a recroisé un jour qu’il faisait le coursier, de ­tourner un film sur sa vie : « Il me regardait même pas, il s’éloignait en me parlant, en me disant que je pouvais revenir prendre un café… », lâche Elkharraz, qui espère que son livre ­intéressera un autre scénariste.

Installé dans le 20e arrondissement de Paris, il a repris le deal – des livraisons Colombes-Pont de Neuilly (« que du stress ») –, fait ses cinq prières par jour, et claque son cash dans des séjours au Maroc, le pays de son père.


Ministre de l’agriculture et porte-parole du gouvernement,Stéphane Le Foll a lancé un mouvement au nom surprenant : «Hé oh la gauche ! » Avec ses deux interjections, son groupe nominal et son point d’exclamation, il évoque plus les nains de Blanche-Neige que les mineurs de Carmaux. Je laisserai aux exégètes le soin de « décrypter » cette initiative, qui pourrait être la première étape d’une mise sur orbite électorale de l’actuel président.

Mais je procéderai volontiers à une analyse sémantique. La première interjection, « hé », sert à appeler, à attirer l’attention (« Hé, vous, là-bas ! »). La seconde, « oh », semble exprimer une forme de supplication (« Oh, s’il vous plaît !). Mon tout, lui, ressemble à une erreur de communicants, du genre : « Au secours ! la droite revient. »

En matière de slogans, les socialistes ont été plus ou moins inspirés. De l’historique « La force tranquille » de 1981 au calamiteux (pour la syntaxe) « Ségolène Royal pour que ça change fort ! », en passant par l’obscur « Avec Lionel Jospin c’est clair », les mots ont pu ou n’ont pas su convaincre. L’Histoire l’a prouvé : s’il arrive que les mots puissent beaucoup (le « Yes, we can » de Barack Obama), ils ne peuvent pas tout, par exemple face aux bombes (le « No pasarán ! » des républicains espagnols).

En France, les propositions simples comme des évidences n’ont pas toujours conduit au succès : « Un président pour tous les Français » (Alain Poher, 1969), « Un président pour tous les Français » (François Mitterrand, 1974). Les affirmations qui n’engagent que ceux qui les écoutent (« Ensemble, tout devient possible », « Le changement, c’est maintenant ») peuvent accompagner une victoire (Nicolas Sarkozy, en 2007, François Hollande, en 2012). Ne tirons aucune conclusion. Rappelons seulement que Stéphane Le Foll a assorti verbalement le baptême de son mouvement d’un « Ne te trompe pas, la droite prépare l’alternative ». L’« alternative » ? La langue du ministre n’aurait-elle pas fourché, afin de ne pas prononcer le mot « alternance », qui évoque trop la défaite ?

Le Monde | 03.05.2016 à 17h16 • Mis à jour le03.05.2016 à 17h18 |Par Marc Beaugé (M Le magazine du Monde)

[Chronique] L’ex-secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy est candidate à l’élection présidentielle. Sans parti. Sans programme. Sans espoir. Mais pas sans style.

En 2007, le nœud du problème


Elle a 30 ans et on ne parle que d’elle. Tout juste nommée secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, Rama Yade plaît, fascine, irrite, interroge. Qui est-elle, au fond ? Un alibi diversité, une future grande ou juste une intruse dans un gouvernement bien de droite ? Sur ce point-là, elle-même entretient l’ambiguïté. Mariée à un militant PS, elle se dit plus sensible au charisme de Nicolas Sarkozy qu’aux valeurs de la droite. Et puis elle porte un nœud lavallière, accessoire très prisé, au XIXe siècle, des artistes, des étudiants et des intellectuels. Mais ceux de gauche, uniquement. Tiens, tiens…

En 2008, le cuir sur la main


Les mois passent et les questions demeurent. Mais enfin ! Qui est cette jeune effrontée qui boycotte une visite en Chine et fustige la venue en France de Kadhafi ? Rama Yade l’insoumise ne manque pas d’aplomb. Ni d’idées. Pour ne plus souffrir l’infamie de toucher la main d’un dictateur à qui il faut vendre des avions ou acheter du pétrole, elle ne quitte plus ses gants de cuir. Tiré par les cheveux ? A peine.

En 2010, direction le tatami


Ce qui devait arriver arriva. A force d’insoumission, Rama Yade est tombée en disgrâce. Un peu. Puisque sa cote de popularité dans l’opinion reste élevée, on lui a trouvé un placard au ministère des sports. La jeune femme s’implique dans son nouveau rôle et va même jusqu’à revêtir un pantalon de judoka. Au conseil des ministres, l’étonnement est grand. Sauf chez David Douillet. Et chez Roselyne Bachelot, la ministre de tutelle de Rama Yade, lancée dans un combat au corps-à-corps avec l’ambitieuse.


En 2012, K.O. en carreaux


Plus forte en prises de positions qu’en prises de judo, elle a perdu le combat. Fini le gouvernement, finis les spotlights, finie la belle vie et bonjour le Parti radical. Autant le dire : Rama Yade est sur le carreau. En l’occurrence, il s’agit d’un tartan, tissu iconique des punks de 1977. « No Future » pour l’ancienne secrétaire d’Etat ?

En 2016, toujours pas blazée


Quatre ans plus tard, Rama Yade « is back ». Sur TF1, elle est même venue annoncer sa candidature à l’élection présidentielle, vêtue d’un blazer à rayures qui interroge les fins observateurs : rayures tennis, rayures craie, rayures régate, rayures ­Bengale ou rayures bonbon ? Non, rayures bâton. Rien de mieux pour se fairebattre.

Lire aussi : Rama Yade est candidate à l’élection présidentielle

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  • Marc Beaugé (M Le magazine du Monde)

Gérald Gérin est soupçonné d’avoir servi d’homme de paille pour dissimuler une partie de la fortune de l’ancien patron du FN dans une société offshore.

Gérald Gérin et Jean-Marie Le Pen forment un vieux couple. Le premier connaît par cœur les anecdotes du second, au point de pouvoirfinir ses phrases, mais il a la délicatesse d’opiner du chef pour encourager les récits de l’ancien président du Front national, 89 ans. Dimanche 1er-Mai, comme souvent quand il doit marcher, l’aîné va certainement s’appuyer sur l’épaule de son protégé à l’heure de rejoindre la statue de Jeanne d’Arc, place des ­Pyramides, à Paris. Le député européen a donné rendez-vous à ses soutiens pour rendre hommage à la pucelle d’Orléans. Un nouveau défi, peut-être le dernier, lancé à sa fille Marine, qui réunit au même moment les militants du Front national, porte de La Villette.

Gérald Gérin et son mentor, en janvier 2014.

Depuis qu’il appartient à l’entourage du député européen, la presse qualifie régulièrement Gérald Gérin de « majordome ». Mais cet homme de 41 ans ne supporte pas ce terme, qu’il juge dégradant. Il préfère celui d’« assistant personnel ». « C’est mon assistant parlementaire au Parlement européen, et mon assistant privé », précise Jean-Marie Le Pen. « Gérald n’a jamais fait une valise de sa vie », défend de son côté Lorrain de Saint-Affrique, conseiller en communication du patriarche. Quand il a été présenté à l’ancien patron de l’extrême droite, en 1995, il venait tout juste d’achever son service militaire, et son CV affichait un diplôme de l’école hôtelière, ainsi qu’un stage au ­Carlton de Cannes. Voilà, sans doute, qui explique l’emploi du mot « majordome ».

Un magot de 2,2 millions d’euros

Toujours est-il que l’intéressé ne lâche pas d’un soulier son grand homme. Y compris dans la chronique judiciaire. Le nom de Gérald Gérin est réapparu, début avril, à la faveur des révélations sur les « Panama papers » dans Le Monde. Le parquet national financier le soupçonne d’avoir servi de prête-nom à Jean-Marie Le Pen pour dissimuler une partie de sa fortune grâce à la société offshore Balerton Marketing Limited. Le magot de Balerton s’élève à 2,2 millions d’euros, en billets, en titres et en lingots et pièces d’or. Le majordome nie avoir joué les hommes de paille : il a fait savoir que cet argent dormait sur un compte pour « ses vieux jours ». Mais dans leur rapport, les enquêteurs de Tracfin, la cellule antiblanchiment du ministère des finances, disent s’interroger « sur le degré d’autonomie dont dispose M. Gérin pour les multiples opérations financières qu’il réalise ».

Depuis, le camp lepéniste tient à souligner avec force l’« indépendance » de « Gérald », qui habite, hasard ou nécessité, dans une annexe de la maison de Jean-Marie Le Pen, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). L’homme est de plus trésorier des deux micropartis de M. Le Pen, Cotelec et Promelec, destinés à prêter de l’argent aux candidats du Front national. « L’expérience porte à prouver qu’il mérite ma confiance. Il a toujours été d’une fidélité irréprochable, il fait presque partie de la famille », assure à son propos Jean-Marie Le Pen. « Têtu comme une vieille chèvre grecque », comme on dit dans le clan, Gérald Gérin refuse de parler de lui aux journalistes. Le reste du temps, il sait pourtant se montrer volubile.

Chauffeur de stars

Le conseiller régional PACA a pris sa carte du FN en 1990, dans sa ville natale de Berre-l’Etang (Bouches-du-Rhône). C’est Catherine Mégret, maire de Vitrolles, qui l’a introduit auprès de Jean-Marie Le Pen. Un ­bienfait ne restant jamais impuni, il s’est présenté aux élections ­législatives de 2007 contre son époux Bruno Mégret, entre-temps devenu traître à la cause… Avant cela, Gérald Gérin avait été chauffeur de stars à mi-temps sur la Côte d’Azur : Michael Jackson, George Michael, Mylène Farmer et Lionel Richie se sont assis dans sa voiture. Pas son idole, Boy George. Qu’importe, il reste Le Pen. « Gérald se ferait tuer pour lui. Il est perdu quand il n’est pas là », jure un intime de la famille. Ce qui n’est pas à l’ordre du jour. Pour l’instant, le « Vieux » reste accroché à son épaule.

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Lire aussi : Ce qu’il faut retenir des « Panama papers »

« Loi travail », minima sociaux… Le discret député de Saône-et-Loire, grand rival d’Arnaud montebourg, est un habitué des dossiers sensibles.

Christophe Sirugue, le 18 avril à Matignon, lors de la remise de son rapport sur les minima sociaux.

L’ancien maire de Chalon-sur-Saône, social-démocrate assumé, a construit depuis trente ans une solide réputation de « bosseur », particulièrement porté sur les questions sociales et doué pour le compromis.

Le Bourguignon

Alors qu’en 1986, le projet de loi Devaquet sur la réforme de l’université pousse la jeunesse à descendre dans la rue, Christophe Sirugue adhère au Parti socialiste. Il a 20 ans. Soutenu par l’homme fort de la région et ex-ministre de l’industrie André Billardon, il fait carrière chez lui, en Saône-et-Loire. Et devient président du conseil général en 2004.

Le concurrent

Député de Saône-et-Loire en 2007, maire de Chalon-sur-Saône en 2008… Sur ses terres, son grand ennemi est Arnaud Montebourg, qui lui succède à la présidence du conseil général. A l’ex-ministre de l’économie, qui lui reproche en 2011 de cumuler les mandats, il rétorque que le « champion du non-cumul » a été à la fois « député et président du conseil général pendant quatre ans ».

Le bosseur

Homme de dossier, souvent décrit comme un « bosseur », Christophe Sirugue est proche des sujets sociaux. Il a été rapporteur, en 2015, du projet de loi sur la réforme du dialogue social et a remis un texte sur les minima sociaux au gouvernement le lundi 18 avril 2016. Son nom avait circulé en septembre pour remplacer François Rebsamen au ministère du travail.

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Le synthétique

Au sein du Parti, il incarne le consensus. Proche du courant « social-démocrate, mais pas social-libéral », il a été président du groupe de gauche de l’Assemblée des départements de France. Pour les avoir côtoyés, il connaît bien les ministres et contente même les frondeurs.

Le démineur

Nommé le 22 mars rapporteur du texte de la « loi travail », il a pris le temps de réfléchir au poste et posé ses conditions. « S’il n’est pas modifié je ne pourrai pas être le rapporteur de ce texte », a-t-il averti. En proposant des amendements pro-PME, le député espère trouver l’équilibre entre le gouvernement et la majorité socialiste.

Par Valentin Ehkirch

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[Chronique] Le patron de l’information de France Télévisions vient d’essuyer une motion de défiance. Son style heurte les journalistes. D’un point de vue vestimentaire, on peut les comprendre.

En 1973 : rebelle capillotracté

Manifestation du 9 mai 1973 contre la loi Debré.

La jeunesse est dans la rue, et Michel Field est au premier rang. A 19 ans, cinq ans après son entrée à la LCR, il est l’une des figures de la protestation contre la loi Debré. Après tout, comment le rater ? Sa coupe afro lui assure une visibilité et lui confère une ressemblance subtile avec les rebelles kenyans qui, au début du XXe siècle, cultivaient leur volume capillaire pour lutter contre l’occupant italien. L’afro est politique et Michel y pense en se coiffant chaque matin.

En 1992 :nom d’une pipe

Michel Field présentant l'émission "Le cercle de minuit " en 1992.

Plus d’afro, plus de rébellion ? Pas si sûr. Devenu agrégé de philo, puis chroniqueur dans « Ciel, mon mardi ! », ce qui n’est donc pas incompatible, Field présente « Le Cercle de minuit » une pipe à la main. Faut-il y voir une allusion lourdingue à son roman érotique Impasse de la nuit ? Un homme qui porte sa veste croisée ouverte, au mépris de toutes les règles d’élégance, est capable du pire.

En 2002 :bling-bling

Michel Field devant l'Hôtel de Ville, à Paris, en 2002.

Dix ans plus tard, Michel Field a l’air vingt ans plus jeune. Chemise hors du pantalon, lunettes de clubbeur, baskets à bulles d’air… Après une crise d’adolescence communiste, l’homme semble traverser une crise de la quarantaine bling-bling. A moins qu’il n’ait tout simplement tenté de se faire un look « cool » pour assister au défilé de Jean-Charles de Castelbajac. Dans les deux cas, le ratage est terrible.

En 2005 : chauffé à blanc

Michel Field avec sa compagne au Festival de Cannes , le 19 mai 2005.

Trois ans plus tard après le défi Castelbajac, Michel Field est toujours jeune, et toujours paumé. A Cannes, pour fouler le tapis rouge, il a carrément choisi de chausser du blanc. Une bonne idée ? Puisque lui-même, sur LCI, demande désormais à ses invités politiques de répondre à une série de questions par « oui » ou « non », faisons simple : costume noir ? oui ; costume noir et chaussures blanches ? non.

En 2016 : au pied du mur

Michel Field et ses deux fils Armand et Léopold au Parc des Princes, à Paris, le 13 février 2016.

Michel Field a finalement été nommé patron de l’info de France Télévisions mais les choses se passent moyennement bien. Au point de guetter avec inquiétude, enfoncé dans une parka à la capuche ourlée d’une fourrure visiblement synthétique, l’arrivée d’un SMS fatidique de Delphine Ernotte ? Peut-être. Mais, celle-ci ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Avant d’embaucher un candidat, il faut regarder ses chaussures. Tout le monde le sait.

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Ravagés par le chomâge, l’alcoolisme et l’oubli, des dizaines d’Amérindiens du Nord canadien mettent fin à leur jour. Le chef d’une communauté particulièrement touchée par cette vague de suicides a déclaré l’état d’urgence.

Dans le village canadien d'Attawapiskat, plus de 100 Indiens Cris ont tenté de se suicider depuis septembre.

Ils sont cinq jeunes, ce vendredi 15 avril, à avoir tenté de se suicider. La semaine précédente, ils étaient 13, dont un garçon de 9 ans, à avoir conclu un sinistre pacte : mettre fin à leurs jours. Alertées par un adulte ayant surpris leur conversation, les autorités les avaient immédiatement conduits à l’hôpital pour une évaluation psychologique.

« J’implore le gouvernement »

Car à Attawapiskat, on ne prend pas ce genre d’intention à la légère. Dans ce village de 2000 habitants dans le nord de l’Ontario, 86 membres de la nation Cris ont essayé de mourir en septembre dernier. Ils étaient 28 en mars. Même s’il est plus marqué chez les jeunes, le phénomène touche tous les âges, de 11 à 71 ans. Si bien que le chef d’Attawapiskat, Bruce Shisheesh, a déclaré l’état d’urgence et donné l’alarme. « J’implore nos amis et le gouvernement, nous avons besoin d’aide. J’ai des cousins et amis qui ont tenté de se suicider », a-t-il déclaré à la télévision canadienne.

Ce village autochtone n’est pas le seul à faire face à une vague de suicides. En mars, une autre tribu Cris, Pimicikamak, plus à l’ouest, dans le Manitoba, avait elle aussi déclaré l’état d’urgence après la mort de plusieurs adolescents et 140 tentatives et menaces de suicide en trois mois. Même phénomène chez les Inuits de Kuujjuak, dans l’Arctique québécois, avec le suicide de cinq jeunes, âgés entre 15 et 20 ans.

« Il y a depuis longtemps de graves questions de santé mentale et de toxicomanie dans certaines communautés. » Un porte-parole du ministère de la santé

L’Assemblée des Premières Nations, l’organisation qui représente les 634 communautés amérindiennes à travers le Canada, décrit « une tragédie nationale qui exige une action immédiate ». Sa présidente, Perry Bellegarde, a réclamé la mise en place d’« une stratégie nationale de lutte contre le suicide ». Pour l’heure, à Attawapiskat, une équipe d’intervention de crise de 18 personnes, composée de travailleurs sociaux et d’intervenants en santé mentale, a été dépêchée en urgence. « Il y a depuis longtemps de graves questions de santé mentale et de toxicomanie dans certaines communautés », a reconnu un porte-parole du ministère de la santé dans la presse canadienne.

En 2007 déjà, une étude publiée par la Fondation autochtone de guérison (aujourd’hui dissoute) avait révélé que le taux de suicide chez les jeunes autochtones du Canada (Premières Nations, Inuits et Métis) était cinq à six fois supérieur à la moyenne nationale canadienne. Des communautés par ailleurs plus exposées à l’alcoolisme et à la violence. Les conditions de vie de ces populations sont pointées du doigt. Insalubrité des abris (sans eau ni électricité), surpeuplement (les familles s’entassent souvent à quinze dans quelques mètres carrés), taux de chômage élevé (jusqu’à 80 % dans certaines réserves), isolement (la ville la plus proche d’Attawapiskat, par exemple, est à 500 kilomètres)…

Les conséquences d’un « génocide culturel »

Autant de maux qui viennent s’ajouter à un traumatisme plus ancien : des générations ont été marquées par les séjours forcés en pensionnats organisés par le gouvernement jusque dans les années 1990. Des internats destinés à « évangéliser » et « assimiler » les enfants des réserves. En décembre dernier, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a estimé que cette pratique avait constitué un « génocide culturel »…

Ce n’est pas la première fois que les tribus autochtones tentent d’alerter les autorités sur les conditions de vie déplorables des 1,4 million d’Amérindiens, Métis et Inuits qui composent un peu plus de 4 % de la population du Canada. En octobre 2011 déjà, la chef de la réserve d’Attawapiskat avait elle aussi décrété l’état d’urgence. Un an plus tard, elle avait planté son tipi dans la neige sur l’île de Victoria, près du Parlement canadien, à Ottawa, avant d’entamer une grève de la faim. Sans beaucoup de succès.

Cette fois-ci, le gouvernement de Justin Trudeau a prévu d’injecter 8,4 milliards de dollars en cinq ans pour améliorer les infrastructures, les logements et l’éducation. Dans un tweet daté du 10 avril, le premier ministre canadien a écrit que ces événements lui « brisaient le cœur » et promis d’« améliorer les conditions de vie pour tous les peuples autochtones ».