C’est une première pour ce petit Etat d’Afrique australe : l’album enregistré par un groupe de détenus et de gardiens de l’une de ses prisons est en lice pour les récompenses décernées, dans la catégorie World Music, le 15 février 2016 à Los Angeles.

Le Zomba Prison Project, compte 60 prisonniers et gardiens. L’album a été enregistré grâce à un producteur américain qui s'est déplacé avec son matériel.

Drôle d’endroit pour un succès musical : en 2013, Zomba ­Central Prison, un centre de détention de haute sécurité du Malawi, était le cadre inattendu de l’enregistrement

d’un album. Trois ans plus tard, il est sélectionné dans la catégorie « World Music » de la prochaine cérémonie des Grammy Awards, en février. Une autre découverte et un ­nouveau succès pour Ian Brennan, le producteur américain de I Have No Every­thing Here, qui, en 2011, a déjà gagné un Grammy avec l’album Tassili, du groupe malien ­Tinariwen.

Zomba Central Prison a été bâtie en 1935 pour accueillir 350 détenus, elle en héberge aujourd’hui environ 2 000. Des condamnés pour vol, pour meurtre et, dans le cas de certaines femmes, pour faits de sorcellerie. Parmi eux, des musiciens. Ian Brennan est allé à leur rencontre en 2013 avec Marilena Delli, son épouse, photographe et documentariste, avec l’ambition de « faire entendre ceux qui ne sont pas entendus ».

Deux semaines d’enregistrement entre quatre murs

Ancien expert dans le domaine de la prévention de la violence et la résolution de conflits, Ian Brennan a parcouru le monde pendant ses vingt années de carrière pour donner des cours et mener des formations dans les ­hôpitaux, les écoles et les prisons. Sa connaissance du milieu carcéral a été ­décisive : en échange du droit d’enregistrer les prisonniers, il a accepté de donner une conférence sur la prévention de la violence aux détenus et gardiens de la prison. L’enregistrement n’a pas pour autant été simple. « On n’avait pas de garantie de trouver sur place du matériel de bonne qualité », résume le ­producteur. Avec son épouse, ils ont passé deux semaines dans la prison, apportant avec eux quelques instruments et un studio d’enregistrement portable à piles.

Au départ, les détenus ont fait preuve de méfiance,mais « une fois qu’ils se sont lancés dans le projet, cela a été facile et fluide ». Ian les a juste laissés jouer et chanter, et le résultat l’a séduit. Soixante prisonniers et gardiens ont participé à l’enregistrement, six heures de musique dont Ian Brennan a tiré une quinzaine de ­morceaux. Le producteur raconte comment un détenu, qui purge une peine à perpétuité, lui a un jour glissé ­furtivement dans la main un bout de papier (un geste rigoureusement interdit) en lui demandant de continuer à travailler dans la prison parce qu’il n’avait rien d’autre : « I have no every­­thing here. » Cette phrase, simple et désespérée, l’a particulièrement frappé : « On peut reconnaître la poésie quand on la voit. » Il en a fait le titre de l’album.

L'album nommés aux Grammy, "I have No Everything Here” du groupe Zomba Prison Project (sortie le 27 janvier 2016).

Ian Brennan est loin d’être un novice sur la scène de la world music. Il a déjà enregistré en Algérie, au Soudan du Sud, au Kenya, en Palestine et au Rwanda. En 2011, l’année où il a gagné un premier Grammy, il a parcouru une première fois le Malawi, à la recherche de nouvelles musiques. Et il en a trouvé au bord d’une route, où des jeunes jouaient de la guitare en attendant le client devant leur stand de fast-food – des brochettes de petites souris rôties. Ils sont devenus les Malawi Mouse Boys, un groupe de gospel aujourd’hui reconnu.

Malgré toute son expérience, il lui fallut plus d’un an pour trouver un label qui accepte de sortir l’album de Zomba Prison Project et que Six Degrees Records, une maison de disques basée à San Francisco, ne se décide finalement à le distribuer. Lorsque, le 7 décembre,

il a appris que le disque était sélectionné pour les Grammy, Ian Brennan a immédiatement contacté la prison, où ­personne n’avait entendu la bonne nouvelle. « Pour la plupart d’entre eux, ils ne savent même pas ce que c’est, un Grammy ! »

Le Zomba Prison Project en images (vidéo à voir aussi sur www.lemondeafrique.fr)

L’album I Have No everything Here est à écouter sur le site de Zomba Prison Project : https ://zombaprisonproject.bandcamp.com

Par Catherine Bennett

Cristina de Borbón et son mari, Iñaki Urdangarin, le 11 janvier, à Palma de Majorque, jour de l’ouverture de leur procès pour corruption.

Le 11 janvier, devant les caméras qui retransmettent, en direct et en continu, la première journée du procès dont elle est l’une des accusées, l’infante Cristina ressemble à une statue, droite sur sa chaise, immobile pendant des heures, le visage sérieux, le regard plongé dans le vide, la mine déconfite, des cernes noirs sous les yeux.

Plus de 500 journalistes sont accrédités pour suivre le dernier acte de la descente aux enfers de la fille cadette de l’ancien roi Juan Carlos, la sœur de l’actuel, Felipe VI, au sixième rang pour la succession au trône.

Le procès de Cristina de Borbón, accusée de fraude fiscale dans le cadre de l’affaire Noos, du nom de l’institut prétendument sans but lucratif qui aurait permis à son époux, Iñaki Urdangarin, de détourner plus de 2,6 millions d’euros de fonds publics, n’est pas celui d’une affaire de corruption comme les autres, dans une Espagne qui ne les compte plus. A l’issue de la première audience, le procès a été suspendu jusqu’au 9 février, le temps de l’examen des points de droits soulevés par la défense de Cristina et d’autres prévenus.

Lire aussi : L’infante Cristina renvoyée devant un tribunal pour fraude fiscale

Symbole du discrédit qui frappe toutes les institutions, sans exception, et de la crise politique et morale qui s’est ajoutée à la crise économique, l’affaire Noos a provoqué, en 2011, quand elle a éclaté, une tempête sur l’institution monarchique. Les Espagnols se sentent trahis par le couple modèle, sympathique et simple, que semblaient former Cristina de Borbón et Iñaki Urdangarin.

Elites corrompues

Le fait que les affaires de corruption, qui frappent tous les partis, puissent toucher aussi des membres de la famille royale, dont la seule obligation est de faire preuve d’un comportement exemplaire, renforce l’idée de l’impunité des « élites ». La Couronne, jusque-là jugée moderne, et appréciée pour son rôle durant la transition démocratique de l’après-Franco, est tombée en disgrâce. La cote de popularité de Juan Carlos n’a cessé de chuter et le scandale a contribué à sa décision d’abdiquer en 2014.

« Il n’y a pas assez de pain pour tant de “chorizos” » (surnom donné aux corrompus) est devenu l’un des refrains de l’indignation qui a crû outre-Pyrénées d’autant plus vite que les Espagnols se trouvaient soumis à une dure politique d’austérité (avec une explosion du chômage et de la pauvreté) lorsque le scandale a éclaté. C’est sur ce terreau qu’a germé le sentiment qu’une nouvelle transition était nécessaire, une idée portée par les jeunes partis qui sont apparus récemment sur l’échiquier politique espagnol, Podemos en tête.

Depuis 2013, le couple et leurs quatre enfants ont quitté Barcelone pour la Suisse, où ils tentent d’échapper à la pression médiatique.

En juin 2015, Felipe VI a retiré à sa sœur le titre de duchesse de Palma, que lui avait accordé en 1997 son père, Juan Carlos, en guise de cadeau de mariage. Il tente ainsi d’instaurer une sorte de cordon sanitaire entre l’institution monarchique qu’il représente et la « brebis galeuse » de la famille royale, dans la crainte que, comme son père avant lui, il ne paie pour les frasques de son beau-frère. Dans une Espagne qui aspire au changement, aucune précaution n’est de trop.

Un couple mis sur la touche

L’infante est aujourd’hui seule. Il semble très loin le temps où la jeune fille de 19 ans suscitait la sympathie du pays qui la voyait s’asseoir, queue-de-cheval et jean, dans les amphithéâtres de l’université de la Complutense aux côtés des jeunes de sa génération, comme une étudiante ordinaire, avant de devenir, cinq ans plus tard, la première femme de la famille royale à posséder un titre universitaire.

Son époux, l’ancien champion olympique de handball Iñaki Urdangarin, l’ex-gendre idéal, beau et sympathique garçon, est fui comme la peste. Dès la fin de l’année 2011, il a été banni des cérémonies officielles par la Casa Real (le Palais royal). Le Musée de cire de Madrid a même pris soin d’éloigner son mannequin, en tenue de soirée, de ceux du reste de la famille royale, pour le reléguer, en short, dans la partie réservée aux sportifs de haut niveau.

Lire aussi : Iñaki Urdangarin, le mauvais gendre

En 2013, peu avant la saisie par la justice de leur somptueuse demeure de Barcelone, le couple, hué, vilipendé, et ses quatre enfants, s’est installé en Suisse pour fuir la pression médiatique. Aujourd’hui, les Espagnols observent la chute de ce couple qui semblait

parfait il y a encore cinq ans, comme s’ils ­savouraient leur revanche et cherchaient la preuve qu’aujourd’hui la justice est la même pour tous.

Le Monde | 18.01.2016 à 17h57 • Mis à jour le18.01.2016 à 18h44

[Infographie] La nouvelle offensive du président américain contre les armes à feu est-elle perdue d’avance ? Le « New York Times » pointe une réalité troublante : à chaque fois qu’il appelle à limiter leur accès à la suite d’une tuerie de masse, les ventes grimpent en flèche.

Les ventes d'armes (en millions d'unités) aux Etats-Unis entre 2000 et début 2016 (source : nytimes.com).

Publié le 4 janvier 2016, l’article du New York Times” “Les ventes d’armes grimpent en flèche après l’appel d’Obama à de nouvelles restrictions” est à lire sur : www.nytimes.com

Sosha Makani, le gardien de l’équipe nationale de football, a été placé en détention provisoire après la diffusion sur Internet de photos piratées. Il y apparaît enlaçant de jeunes femmes non voilées.

Voilà le gardien de l’équipe nationale iranienne de foot, Sosha Makani, aux mains

des gardiens de la vertu. Ce joueur de 29 ans a été arrêté et transféré, le 3 janvier, à la tristement célèbre prison d’Evin, dans le nord de Téhéran, après la diffusion sur Internet de photos piratées où on le voit en compagnie de femmes en tenues non conformes à la morale en vigueur dans le pays. Dans l’attente de son jugement, il a été libéré, moyennant une caution d’un milliard de tomans (250 000 euros).

Des clichés piratés, où l'on voit Sosha Makani entouré de femmes non voilées, sont à l'origine de ses problèmes. Son club, le Persepolis FC, l'a déjà limogé.

Sur l’un de ces clichés, ce grand Iranien à la peau bronzée tient dans chaque bras une jeune femme sans voile, aux lèvres botoxées et au nez refait, devant une piscine. Une autre image le montre avec une partenaire qui porte un pantalon moulant et un petit haut laissant apparaître la peau de son ventre.

Ces détails seraient sans importance si les photos n’impliquaient une célébrité vivant en République islamique d’Iran. Dans ce pays, le contact physique entre un homme et une femme qui ne sont pas mariés ensemble est interdit, et les femmes sont tenues de couvrir leurs cheveux et leur corps, à l’exception du visage et des mains.

La circulation en masse de ces clichés a rapidement alarmé Sosha Makani, qui a d’abord tenté d’endiguer le scandale. « Depuis quelques jours, des malades qui ne craignent même pas Dieu ont piraté mes comptes personnels, a soutenu le jeune homme sur sa page Instagram. Ils doivent savoir que diffuser mes photos de famille ne leur apporte rien et que la puissante police du pays assure la sécurité de nos familles. »

Sosha Makani lors d'un match de football opposant son club Persepolis FC à Al Nassr, le 8 avril 2015, à Téhéran.

Son post n’a guère dissuadé la cyberpolice iranienne de le convoquer au tribunal de la culture et des médias de Téhéran. Avant d’honorer cette convocation, le joueur a bien tenté une autre stratégie pour justifier les photos en se rendant à la police accompagné d’un homme qu’il présentait comme étant « le père de sa fiancée », en référence à l’une des femmes que l’on voit sur certaines photos. « Mais il n’a pas pu justifier la présence des autres filles qui s’affichaient avec lui sur les clichés », a expliqué le chargé des mœurs de la Fédération iranienne de foot, Mohammad Hosseini, après l’arrestation du jeune homme.

Renvoyé par son club

Furieuse, la jeune promise s’en est violemment prise, sur sa page Instagram, aux « voleurs » de leurs « photos de famille », qui les ont distribuées « sans aucune honte ».« Vous avez montré au monde entier que vous êtes tous arriérés et appartenant au tiers-monde [adjectif utilisé en Iran comme insulte, dénonçant l’obscurantisme des auteurs de l’acte], a-t-elle écrit. Je ne vous pardonnerai jamais si quelque chose arrive à mon fiancé. » Les commentaires haineux ont tout de même fusé contre le couple. « Vous êtes des débauchés et vous voulez imiter l’Occident, s’est indigné un internaute en réaction au post de la jeune femme. Vous devriez avoir honte. »

Soucieux du respect des bonnes mœurs islamiques par la jeunesse iranienne, le pouvoir judiciaire risque de prononcer un verdict sévère à l’encontre de Sosha Makani. Aucune date n’a pour le moment été avancée pour son procès. Son club, Persepolis FC, a d’ores et déjà annoncé qu’il n’a plus besoin de ce joueur « sans mœurs » et que Sosha Makani sera remplacé.

#Iran footballer arrested for online photos despite evidence his account was hacked. https://t.co/38TCo5PAb7 https://t.co/4XJmzdOtts

— ed_herbert (@Edward Herbert)

« Un footballeur iranien arrêté pour la diffusion de photos en ligne bien qu’il soit établi que son compte a été piraté »

Lire aussi (édition abonnés) : La petite-fille de l’ayatollah Khomeyni « brise les tabous »

Le Monde | 12.01.2016 à 17h37 |Par Julien Guintard

Chaque semaine, “M” vous sert sur un plateau une série de petites infos qui ont souvent tout autant de sens que les grandes.

ÇA VA, LES ÉTUDES  ?


Un film d’horreur peut-il vousglacer le sang ?

 La réponse semble être oui d’après les auteurs d’une étude parue en décembre 2015 dans le British Medical Journal. Pour vérifier si la peur peut effectivement modifier la formule sanguine, les scientifiques ont constitué un panel de 24 volontaires, tous trentenaires et en bonne santé. Certains des participants ont alors vu un documentaire sur le champagne (A Year in Champagne), tandis que d’autres regardaient le film d’horreur Insidious. Résultat : les seconds participants avaient un taux plus élevé de facteur anti-hémophilique A, dit facteur VIII — qui intervient dans la coagulation — dans le sang après vision du film d’horreur. Une petite coupette pour se remettre ?

Journée à thème


A quelque chose malheur est bon

 L’adage se vérifie quand il s’agit d’expliquer l’existence du Kiss A Ginger Day, chaque 12 janvier. A savoir : une journée au cours de laquelle chacun est invité à embrasser toute personne ayant les cheveux roux. D’abord lancé au Canada, l’événement se voulait une réponse à l’infâme Kick A Ginger Day, épiphénomène informel visant rien moins que rosser un rouquin. Mouvement lui-même déclenché par quelques sombres idiots ayant mal compris un épisode de la série « South Park » (épisode 11, saison 9), au cours duquel le personnage de Cartman prenait la tête d’un mouvement mondial rosso-ségrégationniste.

 Bref, malgré votre retenue naturelle, n’hésitez pas à vous rapprocher de Jessica Chastain, d’Audrey Fleurot ou encore du prince Harry pour leur faire savoir combien ils enrichissent la palette de l’humanité, et ce, même si vous n’êtes pas coiffeur.

  • Julien Guintard

    Journaliste au Monde

En 2003, ce trentenaire qui a grandi à Trappes a cofondé Ki-oon, une maison d’édition spécialisée dans les mangas. Grâce à une stratégie audacieuse, le succès est au rendez-vous. Deux de ses productions sont sélectionnées pour le Festival d’Angoulême.

Cinq millions et demi d’euros de chiffre d’affaires en 2015. La maison d’édition Ki-oon, spécialisée dans le manga et installée dans 230 mètres carrés de bureaux au cœur du 9e arrondissement de Paris, se porte bien. Du chemin a été parcouru depuis la cité HLM de Trappes dont Ahmed Agne, le directeur, est originaire. « Ceux qui disent : “Regardez-le, quand on veut, on peut” se trompent, coupe court le presque quadragénaire. Je ne suis pas un exemple, plutôt le résultat d’une équation où la motivation a été l’un des facteurs. Mais pas le seul. »

Ahmed Agne est éditeur de mangas. Il codirige la maison d'édition Ki Oon qu'il a cofondée en 2003 avec Cécile Pournin.

Première donnée de ce calcul : son père, ouvrier mécanicien arrivé du Sénégal dans les années 1970. « On n’avait pas d’argent, mais il m’a donné une arme fabuleuse : une carte de bibliothèque », aime-t-il raconter. Tintin, romans, mythologie égyptienne… Dans la chambre qu’il partage avec ses cinq frères et sœurs, Ahmed dévore tout.

Puis viennent les années 1990. A la télé, le « Club Dorothée » diffuse de nouveaux dessins animés venus du Japon. « AvecOlive et TomouLes Chevaliers du zodiaque, on pouvait enfin s’identifier à des personnages qui vivaient les mêmes choses que nous : premières amours, amitiés trahies… »

Un séjour de deux ans au Japon

Il passe des heures à noircir des cahiers de silhouettes aux grands yeux. Sa passion pour l’animation nippone aurait pu s’arrêter là. Mais une nouvelle variable entre dans l’équation : son père insiste pour qu’il intègre un collège à quelques kilomètres de Trappes. « J’y ai découvert la mixité sociale en côtoyant des fils de médecins, d’artistes… Mon horizon s’est ouvert. »

Au lycée, il achète ses premiers mangas et les décrypte en VO muni d’une méthode Assimil. La fac de japonais s’impose. A la faveur d’un programme d’échanges, il passe même deux ans au Japon. Là-bas, ce grand Peul de 1,90 mètre détonne. « Le premier jour, le chauffeur de bus, effrayé, ne s’est pas arrêté », se souvient-il amusé.

De retour en France, bardé d’un diplôme de maîtrise et de lettres de recommandation, il déchante vite. Deux cents candidatures, aucun entretien. Parallèlement, avec Cécile Pournin, une amie de fac, ils assistent à l’explosion du manga en librairie. A l’époque, l’offre se limite à des shōnen, des BD pour jeunes garçons type Dragon Ball, et les deux passionnés ne s’y ­retrouvent pas. Progressivement, l’idée leur vient d’éditer des seinen, des œuvres pour adultes.

Des choix éditoriaux novateurs

En 2003, ils se lancent. Le marché du manga en France consiste à racheter des licences aux éditeurs japonais. Ahmed et Cécile ont une autre stratégie : tous les deux bilingues, ils se rapprochent directement d’auteurs indépendants, méconnus au Japon. Nuit blanche après nuit blanche, ils construisent leur catalogue. Pendant cinq ans, Ki-oon se résume à un canapé et deux ordinateurs dans le studio d’Ahmed, à Trappes. Puis, ils se versent enfin un salaire et embauchent leur premier employé. « Leur force, c’est leur passion, mais surtout leur vision marketing, pointe Christophe Lenain, libraire spécialisé. Ils ont été les premiers à proposer des extraits en ligne ou à organiser des rencontres entre fans et auteurs. »

"A Silent Voice" fait partie de la sélection jeunesse du festival d'Angoulême 2016. Cette œuvre émouvante de Yoshitoki Oima aborde les thèmes du harcèlement et du handicap.

Ahmed Agne fait aussi preuve d’audace éditoriale. Il mise à la fois sur une valeur sûre, la science-fiction, et sur des sujets plus controversés pour attirer un nouveau lectorat. Son dernier pari en date, A Silent Voice, mêle handicap et harcèlement à l’école. Et ça marche. Avec des séries dont les ventes dépassent 600 000 exemplaires, Ki-oon est aujourd’hui le quatrième éditeur de mangas en France – et le premier indépendant – et représente 10 % de parts de marché.

Lire aussi : Le festival de BD d’Angoulême accusé de sexisme après une sélection 100 % masculine

Consécrations, l’une de leurs productions a été vendue dans dix pays, dont le Japon, et deux sont nominées au Festival d’Angoulême (du 28 au 31 janvier). Mais à titre personnel, Ahmed savoure une autre victoire : « Ma mère a enfin arrêté de dire à ses copines que son fils faisait du chinois. »

Corinne Soulay

Le Monde | 08.01.2016 à 20h02

Le million d’exemplaires imprimés du numéro spécial de Charlie Hebdo publié un an après l’attentat contre sa rédaction n’aura pas suffi. Le journal satirique a annoncé vendredi 8 janvier qu’il procéderait à un nouveau tirage. Le magazine va réapprovisionner des kiosques samedi, « pour répondre à une demande plus forte qu’attendu ».

Mercredi, le numéro 1224 du journal, avec à la « une » un Dieu armé, à la barbe tachée de sang, était mis en vente, tiré à un million d’exemplaires. Un an plus tôt, l’imprimeur avait réparti sur plusieurs sites la sortie en urgence du « numéro des survivants », le 14 janvier, qui avait été tiré à 8 millions d’exemplaires.

Chaque semaine, Charlie Hebdo vend environ 80 000 exemplaires en kiosque et a gagné 200 000 abonnés après l’attentat qui a décimé sa rédaction.

Lauréat du prix « Paysage » de la Bourse du Talent 2015, Laurent Kronental, né à Courbevoie en 1987, expose, jusqu’au 7 février à la Bibliothèque nationale de France à Paris, une série de photographies sur le thème des grands ensembles. Des lieux aux architectures étonnantes où il a fait poser des habitants. « Il y a un parallèle à faire entre le vieillissement de ces quartiers et les personnes âgées qui les habitent : les seniors sont eux aussi toujours là, debout », confie-t-il. Son objectif est de « mettre en valeur la beauté de ce patrimoine architectural ».

Lire la critique : Laurent Kronental regarde vieillir l’utopie des grands ensembles

A Rishikesh, l’Etat d’Uttarakhand va rénover l’ermitage dans lequel le groupe de Liverpool a séjourné quelques semaines avec son gourou en 1968.

De gauche à droite, John Lennon, Paul McCartney, le Maharishi Mahesh Yogi, George Harrison; l'actrice américaine Mia Farrow et le chanteur anglais Donovan, lors de leur séjour en Inde en 1968. Ringo Starr ne figure pas sur la photo.

Un petit bout abandonné de la légende des Beatles est en train de renaître. Un ashram dans le nord de l’Inde, à Rishikesh, rendu célèbre pour avoir accueilli le groupe quelques semaines en 1968, va être converti en attraction spiritualo-touristique par l’Etat d’Uttarakhand, qui a entrepris de rénover le site. Naguère, l’on venait s’y retirer du monde, dans le dénuement, pour se livrer à la méditation transcendantale. Demain, ce sera plus prosaïquement un lieu de culte aux Beatles, où l’on fera un peu de yoga et de méditation.

Les pétales de fleurs et la fumée d’encens ont déserté l’endroit depuis bien longtemps. Seuls les chiens et les serpents occupaient les lieux, avant sa réouverture en ce mois de décembre, et la transformation à venir. Cet ashram comprend 84 abris en forme de cône, décorés de galets ramassés dans le lit du Gange. Ces igloos en ciment étaient censés faciliter le transfert des énergies et des vibrations. Les seuls gardiens de la mémoire de ce monument étaient des ermites, qui jouent aux cartes sous un arbre.

Ringo Starr n’a tenu qu’une semaine

Contre quelques centimes d’euros, ces conservateurs en chef du site faisaient visiter l’ashram des « singers from Amrika » aux rares visiteurs. Ils doivent désormais laisser leur place à de vrais gardiens. L’entrée a été fixée à 150 roupies (2 euros) pour les Indiens et 700 roupies pour les étrangers.

L’ashram est le dernier vestige d’une époque où l’Occident matérialiste espérait être sauvé de lui-même par des messagers de l’amour et de la paix aux longs cheveux et à la barbe hirsute. Les Beatles ont vite déchanté. Ringo Starr, qui était arrivé avec une valise remplie de boîtes de conserve de haricots blancs, est malgré tout reparti une semaine plus tard à cause

de problèmes à l’estomac.

Un graffiti représentant les Beatles sur un mur de l'ashram, à Rishikesh.

John Lennon pensait trouver la paix dans la méditation, mais il a souffert de terribles insomnies à cause du manque de drogue. Un des disciples de l’ashram, appelé « jungle Jim », était par ailleurs bien encombrant : il prenait régulièrement son fusil, après avoir médité, pour tuer les tigres dans la forêt d’à côté. L’ambiance n’était ainsi pas toujours très « peace and love ».

48 chansons écrites

Les quatre membres du groupe ont aussi été déçus par l’attitudedu Maharishi Mahesh Yogi. Celui qui prônait le détachement et l’état d’éveil à la conscience cosmique n’a-t-il pas fait des avances à la jeune mannequin Mia Farrow, également présente sur place ?

Au bout de six semaines, les Beatles ont donc laissé de côté la méditation transcendantale et fait leurs valises pour l’Europe. De cet épisode, il restera tout de même 48 chansons, écrites lors de leur séjour, parmi les meilleures du groupe, dont I’m so Tired et Across the Universe.

Un panneau rappelle que les Beatles ont séjourné avec leur gourou Maharishi Mahesh Yogi à Rishikesh, en 1968.

Cette mésaventure n’a pas empêché le yogi de poursuivre sa carrière ailleurs, en Europe et aux Etats-Unis, et d’amasser des millions de dollars, toujours en louant la paix intérieure et l’amour universel. Jusqu’à sa mort — ou plutôt sa réincarnation — en 2008.

Tirant les leçons du passé, les responsables du nouvel ashram ne veulent plus changerle monde, mais augmenter la fréquentation touristique. Sauf que l’endroit se trouve

en lisière d’une réserve protégée de tigres, théoriquement interdite aux visiteurs. A moins de convertir les bêtes à la méditation et au yoga…

Lire aussi :Maharishi Mahesh Yogi, le gourou des Beatles

Avis de recherche pour Ethan Couch, qui a rompu ses conditions de probation, lancé en décembre 2015 par les autorités américaines. U.S. MARSHALS SERVICE VIA AP

Avis de recherche pour Ethan Couch, qui a rompu ses conditions de probation, lancé en décembre 2015 par les autorités américaines. U.S. MARSHALS SERVICE VIA AP

Lors de son procès, la défense avait plaidé « l’insatisfaction des gens qui ont tout ». Ethan Couch, alors âgé de 16 ans, était poursuivi pour avoir renversé et tué quatre personnes alors qu’il conduisait en état d’ivresse en juin 2013. Au grand dam d’une partie de l’opinion américaine, cette ligne de défense, celle de l’enfant gâté, avait fonctionné : cet adolescent issu d’une famille fortunée avait été condamné à un régime de probation, au lieu des vingt ans d’emprisonnement requis par les procureurs.

Or Ethan Couch a encore fait des frasques en décembre 2015, en bafouant les règles qui lui étaient imposées, comme le rapporte la chaîne américaine CNN. Une vidéo circulant sur Internet montre le jeune homme s’adonner à des jeux d’alcool lors d’une fête. La consommation d’alcool, interdite aux Américains de moins de 21 ans, constitue une violation de son contrôle judiciaire. Mais quand la police s’est présentée à son domicile, elle n’a pas trouvé trace d’Ethan Couch ni de sa mère.

Pendant plusieurs semaines, la police a recherché le jeune homme, et fini par le retrouver en compagnie de sa mère, à Puerto Vallarta, sur la côte ouest du Mexique. Il a été arrêté lundi 28 décembre, selon les autorités américaines et mexicaines citées par le New York Times.

‘Affluenza’ teen arrested in Mexican resort after weeks on the run https://t.co/x9A69U3uj1pic.twitter.com/fI8vayMkvE

— Mashable (@mashable) 29 Décembre 2015

Trop d’aisance financière

Ce nouvel épisode a relancé le débat aux Etats-Unis sur l’« affluenza teen », surnom donné à Ethan Couch, dérivé du néologisme sur lequel s’était basée sa défense. Le mot mélange les termes « affluence »(« richesse ») et « influenza »(« grippe »). La « pathologie de l’enfant gâté », victime de tant d’aisance financière qu’il en serait devenu incapable de se rendre compte des conséquences de ses actes, avait été présentée pour défendre Ethan Couch devant la cour.

« Le message principal doit absolument être que l’argent et les privilèges ne peuvent pas acheter la justice dans ce pays« , espérait alors Eric Boyles, cité par CNN, dont la femme et la fille ont été renversées par le conducteur alcoolisé.

C’est pourtant sur la base de l’« affluenza » que, sans jamais avoir exprimé de regrets, l’accusé a écopé d’une ordonnance de soins psychiatriques et d’une mise à l’épreuve de dix ans.

« J’aimerais n’avoir jamais utilisé ce terme, tout le monde semble être resté scotché à ce mot, regrette sur CNN Dick Miller, le psychologue qui l’a évoqué à l’audience. Nous avons l’habitude de qualifier ces personnes d’enfants gâtés. »

Pour avoir violé ses conditions de probation, le jeune homme encourt dix ans de prison, comme l’avait souligné les procureurs au moment de la condamnation.

  • Facebook
  • Twitter
  • Google Plus
  • Delicious
  • Digg
  • StumbleUpon
  • Add to favorites
  • Email
  • RSS

Signaler ce contenu comme inapproprié