Il était question que les organisateurs de la célèbre course de chevaux de Sienne envoient une délégation en Angleterre pour l’anniversaire de la reine. Ce ne sera finalement pas le cas. Une décision prise au terme de débats passionnés en Italie.

Spectaculaire course de chevaux, le Palio de Sienne attire chaque année des milliers de spectateurs sur la Piazza del Campo (ici en 2015).

L’invitation était on ne peut plus officielle et l’occasion, historique. En novembre 2015, la société britannique d’organisation d’événements H Power Group a contacté Bruno Valentini, le maire de Sienne ­ (Toscane), afin qu’il envoie une représentation du célèbre Palio défiler à Windsor le 15 mai à l’occasion des festivités ­prévues pour le 90e anniversaire ­d’Elizabeth II. La passion de la reine ­d’Angleterre pour les équidés n’a en effet d’égal que celles pour les chiens et les chapeaux de couleur. Le choc de ­traditions entre une course de chevaux remontant au Moyen Age et une monarchie tout aussi séculaire promettait d’être le clou de ces cérémonies. Bruno Valentini s’est donc ouvert de la proposition royale au magistrat des contrade (quartiers), sorte d’arbitre des règles du Palio, qui a lieu chaque année le 2 juillet et le 16 août sur la piazza del Campo, au cœur de Sienne.

“Le Palio n’est pas un cirque ambulant. Si on veut le vivre dans toute sa fièvre, il faut venir à Sienne.” Bruno Valentini, maire de la ville

Que faire ? Qui choisir ? Quels chevaux, quels fantini (cavaliers), quels alfieri (porte-drapeaux) devront faire le voyage à Windsor ? Et pour y faire quoi ? Le débat a enflammé les Siennois au point de leur faire oublier les difficultés de l’autre pilier de l’identité locale, la banque Monte dei Paschi di Sienna, dont la capitalisation s’est effondrée en Bourse. Dans le quartier de la Girafe, de la Tour, de l’Aigle ou de la Panthère, chacun a donné son avis. Le verdict est tombé le 20 janvier : pas de Palio pour « Queen Elizabeth II ».

Conscients de l’honneur qui leur était fait, les Siennois ont préféré y ­renoncer plutôt que voirdénaturer leur ­tradition : « On ne nous proposait que 90 secondes de spectacle et la possibilité de ne faire défiler que deux chevaux, trois ­jockeys et cinq alfieri, comme si on voulait faire entrer notre tradition dans une bouteille », se lamente un des organisateurs. « Le Palio n’est pas un cirque ambulant, a expliqué le maire. Si on veut le vivre dans toute sa fièvre, il faut venir à Sienne. »

Avant la course de chevaux, qui oppose plusieurs quartiers de la ville, a lieu une parade en costumes (ici le 16 août 2014) dont les origines remontent au Moyen Age.

Même si chaque course ne dure que le temps d’un tour de piste sur les coups de 19 heures, le rituel du Palio vaut d’être vécu dans toute sa durée et son intensité. Le choix des chevaux, quelques jours avant la course ; leur bénédiction dans la chapelle ou l’église d’une des contrade ; la longue attente qui précède l’épreuve alors que la piazza del Campo se remplit de monde ; le défilé des tambours et des porte-drapeaux en costume traditionnel… Chaque minute du cérémonial traduit ­l’attente fébrile d’une compétition à l’issue de laquelle un seul des quartiers de la ville festoiera, tandis que tous les autres ­pleureront. Comment transposer une telle intensité à Windsor ?

Souffrance et jouissance

Chanteuse populaire à la voix rauque mais avant tout siennoise, Gianna Nannini, immortelle interprète d’I maschi (« les ­garçons ») a écrit pour le quotidien La Stampa une lettre ouverte à la reine Elizabeth, dans laquelle elle explique : « Pour ­comprendre le Palio, il faut le vivre. Il faut se faire posséder par lui. » Le maire l’invite d’ailleurs volontiers à assister au spectacle depuis les fenêtres de la mairie.

« Je sais, poursuit Gianna Nannini, qu’il est difficile, Majesté, de vous faire partager le concept de transe, mais c’est bien de cela qu’il s’agit : un état d’esprit dans lequel on souffre et on jouit en même temps. » La chanteuse a promis à la reine de lui servir de guide. A une condition : qu’elle vive la fête du début à la fin « dans la sueur et les larmes ».

Le Palio de Sienne ne s’est déplacé qu’une seule fois dans sa longue histoire et ce n’est pas un bon souvenir. C’était en 1938. Cette année-là, une course s’est déroulée à Florence à l’occasion d’une visite d’Hitler à Mussolini. Selon les archives, le gouvernement du Duce avait exigé que les fantini soient tous de « convictions rigoureusement fascistes ». Pour les chevaux, en revanche, pas de contre-indication.

L’actrice Sophia Loren lors du Palio de Sienne, le 3 juillet 1961.

L’ancien ministre de la culture postule à l’Académie française. Mais l’habit vert sera-t-il à la hauteur de son style toujours plein de panache ?

1973, quel cinéma !

La mèche folle des débuts de l'Olympic, cinéma d'art et d'essai.

A 26 ans, il a déjà pris la tangente. Fils de « bourge », diplômé de Sciences Po, promis à une belle mais ennuyeuse carrière ­universitaire, il a choisi le cinéma indé pour s’émanciper. Déjà fondateur de l’Olympic, Frédéric Mitterrand inaugure ici une nouvelle salle d’art et essai. Mèche folle, foulard, poignets mousquetaires, il n’est pas un patron comme les autres. Son style de management ? Main de fer dans redingote de velours. D’un point de vue financier, ce sera un fiasco.

Frédéric Mitterrand raconte sa période Olympic

1995 : as du carreau

Le temps d'« Etoiles et toiles » sur TF1…

Sorti du grand écran, le voilà dans le petit. Frédéric Mitterrand anime « Etoiles et toiles » sur TF1, mais n’oublie pas qu’il faut se coucher pour réussir. Comme Marcel Proust, l’un de ses maîtres, adepte de l’écriture horizontale, il passe donc beaucoup de temps au lit, habillé d’une robe de chambre en tartan et chaussé de bas noirs, traditionnellement réservés aux jours de deuil. Mais, c’est ainsi : même allongé, Frédéric est ­transgressif.

2004 : chapeau bas

Le Frederic Mitterrand de l'époque TV5.

Il a fini par se lever, ôter sa robe de chambre et filer vers le Festival de télévision de Monte-Carlo. Désormais directeur général délégué en charge des program­mes et de l’antenne de TV5, « Fredo » slalome entre les projos, les cocktails, les pince-fesses. Pour ce faire, quoi de mieux qu’un bob, susceptible d’être glissé à tout moment dans la poche ? Au début du XXsiècle, c’est justement pour cette fonctionnalité que les pêcheurs irlandais l’adoptèrent avant tout le monde.

2010 : sortie de route

La vie politique avec Nicolas Sarkozy.

Six ans plus tard, fini la télé, bonjour la politique ! Homme de gauche depuis toujours, « Fredo » retourne sa veste en Harris Tweed (les fins ­observateurs auront repéré l’étiquette de la marque, et son fameux orbe rouge) et prend la file de droite, sans clignotant. Mauvaise idée, le ministre de la culture de Sarkozy chute lourdement à scooter, et se blesse à l’épaule. Moralité ? Quel que soit son bord, le scooter est dangereux en politique.

2016 : hors la loi

En janvier 2016, pour les 20 ans de la mort de "Tonton".

Heureusement, il a récupéré et est redevenu de gauche. En ce mois de janvier, Frédéric Mitterrand commémore les 20 ans de la mort de Tonton à Jarnac. A cette occasion, il a enfilé son cuir noir et une gâpette en coton marine. Du noir et du marine ? Une règle d’élégance édictée par le roi d’Angleterre Edouard VII, père de toutes les règles d’élégance, l’interdit. Mais Frédéric est un homme libre. Surtout l’année de ses 69 ans.

Lire aussi : Frédéric Mitterrand candidat à l’Académie française

Le Monde | 26.01.2016 à 09h56 • Mis à jour le26.01.2016 à 10h52 |Par Julien Guintard

Chaque semaine, “M” vous sert sur un plateau une série de petites infos qui ont souvent tout autant de sens que les grandes.

Ça va les études ?


 Faut-il se méfier de ce collègue extrêmement sûr de lui, très productif, qui veut toujours suivre scrupuleusement les règles ? Peut-être devriez-vousgarder vos distances ! Selon une étude en cours de la Business Harvard School, il pourrait s’agir d’un « travailleur toxique », défini par sa capacité à nuire à l’entreprise ou à ses collègues. Ce qui comprend un large spectre de comportements : allant du vol de stylo au harcèlement sexuel en passant par l’escroquerie. Selon les deux chercheurs qui ont compulsé les données des services de ressources humaines de 11 sociétés employant 50 000 personnes, les comportements égocentriques, l’excès de confiance en soi, l’hyper-productivité et un discours légaliste font partie des traits distinctifs des « travailleurs toxiques ». Surtout, ils insistent sur le fait qu’en dépit d’une meilleure productivité, ces employés font au final perdre de l’argent à l’entreprise en provoquant des départs volontaires et en cassant le moral de leur collègue. C’est sûr, ce midi, la cantine, ce sera sans lui !

Aux mots près


Ces derniers temps, il a été beaucoup question d’« El chapo », le narcotrafiquant mexicain. Que signifie exactement ce terme ? ses voisins de dictionnaires en disent presque autant que sa définition. 

Narcissique :  admiration de soi, attention exclusive portée à soi-même.

Narcotrafiquant : gros trafiquant de drogue.

Narguer : braver avec insolence ; avec un mépris moqueur.

Le podium


1. Irak 2. Liberia 3. Etats-Unis

 Voilà les trois pays où un étranger a le plus de chance de tomber sur une bonne âme si l’on en croit le classement établi par l’ONG britannique Charities Aid Foundation pour 2015. C’est en effet en Irak, au Liberia et aux Etats-Unis qu’on trouve la plus grande proportion d’habitants ayant aidé un parfait étranger, respectivement 79 %, 78 % et 76 %. Ce taux tombe à 39 % en France (102e rang mondial).

  • Julien Guintard

    Journaliste au Monde

L’interdiction à la circulation des deux-roues trop polluants, dans la municipalité italienne qui détient le record national du nombre de scooters, entraîne la colère des vespistes génois.

Le premier modèle de Vespa, conçu par Emilio Piaggio, est né à Gênes en 1946.

L’intention est louable, mais l’opportunité est, d’un point de vue politique, peut-être mal choisie. La municipalité de Gênes (Ligurie), dirigée par le maire Marco Doria (gauche), a profité des derniers jours de 2015 pour publier une directive interdisant la circulation, de 7 à 19 heures, des scooters aux normes européennes d’émission Euro 0 dans une grande partie de la ville portuaire. Construits avant 1999, ces deux-roues sont désormais considérés comme trop polluants. La mesure devait être mise en œuvre le 1er février.

« Quoi ? » se sont étranglés environ 20 000 propriétaires qui devront, pour respecter la loi, circuler la nuit, s’acheter un scooter plus récent, opter pour un autre moyen de transport ou… marcher. Changer de scooter alors qu’il pète encore le feu et conduit partout en zigzaguant dans les embouteillages ? La révolte n’a pas été longue a gronder, encouragée par à peu près tous les partis politiques, de Fratelli d’Italia (postfasciste) au Parti Démocrate (centre gauche). Même dans l’équipe du maire, certains sont gagnés par le doute.

A Gênes, en effet, le deux-roues n’est pas un simple véhicule : c’est une part de l’identité de la ville. On y répertorie 180 000 scooters pour 600 000 habitants, un record en Italie. Parallèlement (et conséquemment), la cité est aussi celle qui compte le moins de voitures

(486 véhicules pour 1 000 habitants, contre 608 pour 1 000 dans le reste de la Péninsule), après Venise évidemment.

De plus, c’est ici que fut produit, en 1946, le premier modèle de Vespa conçu par l’entrepreneur Enrico Piaggio. Un soixantième anniversaire qui aurait gagné à être fêté plus dignement, fait remarquer une association de scootéristes génois.

“La Vespa c’est la pensée en mouvement, c’est notre éducation sentimentale. Sans Vespa, pas de Gregory Peck et d’Audrey Hepburn dans ‘Vacances romaines’.” “Il Corriere Della Sera”

Confisquer sa Vespa, même polluante, à un Italien, peut s’avérer une entreprise difficile. Pour un Génois, c’est presque impossible. « C’est comme nous priver de la mer, du vent, des couchers de soleil, du sirocco, de la Sampdoria et du Genoa [les deux clubs de football de la ville], écrit Francesco Cevasco dans le quotidien Il Corriere Della Sera du 15 janvier. La Vespa c’est la pensée en mouvement, c’est notre éducation sentimentale. Sans Vespa, pas de Gregory Peck et d’Audrey Hepburn dans Vacances romaines. Ceux qui polluent ne sont pas les propriétaires de Vespa, mais les conducteurs de voiture tout-terrain garée en triple file. Prenez garde, la Vespa [en français, la guêpe] pique quand elle est en colère. »

Elle pique et s’organise. Un essaim de « vespistes » a lancé avec succès le hashtag #lamia vespanonsitocca (« Touche pas ma Vespa »). « La Vespa est née à Gênes et elle meurt à Gênes », ne craignent pas de proclamer les propriétaires de ces quasi-antiquités, bien décidés à ne pas céder à la loi.

L’adjoint à l’environnement reçoit des centaines de courriels pour qu’il renonce à son interdiction. « J’ai eu moi-même un engin de ce type, rétorque-t-il dans la presse italienne. Elle polluait et la santé publique est quelque chose qui a son importance. » En attendant, prudemment, l’application de la directive de la municipalité a été repoussée au 1er avril.

#lamiavespanonsitocca#nessunotocchilavespa al peggio non c’è mai fine Con 1 l benzina 50 km @matteorenzi pensaci tu pic.twitter.com/c2tccuyMvN

— Luisanna Messeri (@luisannamesseri) 15 Janvier 2016

Lire aussi : Gênes, la déesse de la mer

C’est une première pour ce petit Etat d’Afrique australe : l’album enregistré par un groupe de détenus et de gardiens de l’une de ses prisons est en lice pour les récompenses décernées, dans la catégorie World Music, le 15 février 2016 à Los Angeles.

Le Zomba Prison Project, compte 60 prisonniers et gardiens. L’album a été enregistré grâce à un producteur américain qui s'est déplacé avec son matériel.

Drôle d’endroit pour un succès musical : en 2013, Zomba ­Central Prison, un centre de détention de haute sécurité du Malawi, était le cadre inattendu de l’enregistrement

d’un album. Trois ans plus tard, il est sélectionné dans la catégorie « World Music » de la prochaine cérémonie des Grammy Awards, en février. Une autre découverte et un ­nouveau succès pour Ian Brennan, le producteur américain de I Have No Every­thing Here, qui, en 2011, a déjà gagné un Grammy avec l’album Tassili, du groupe malien ­Tinariwen.

Zomba Central Prison a été bâtie en 1935 pour accueillir 350 détenus, elle en héberge aujourd’hui environ 2 000. Des condamnés pour vol, pour meurtre et, dans le cas de certaines femmes, pour faits de sorcellerie. Parmi eux, des musiciens. Ian Brennan est allé à leur rencontre en 2013 avec Marilena Delli, son épouse, photographe et documentariste, avec l’ambition de « faire entendre ceux qui ne sont pas entendus ».

Deux semaines d’enregistrement entre quatre murs

Ancien expert dans le domaine de la prévention de la violence et la résolution de conflits, Ian Brennan a parcouru le monde pendant ses vingt années de carrière pour donner des cours et mener des formations dans les ­hôpitaux, les écoles et les prisons. Sa connaissance du milieu carcéral a été ­décisive : en échange du droit d’enregistrer les prisonniers, il a accepté de donner une conférence sur la prévention de la violence aux détenus et gardiens de la prison. L’enregistrement n’a pas pour autant été simple. « On n’avait pas de garantie de trouver sur place du matériel de bonne qualité », résume le ­producteur. Avec son épouse, ils ont passé deux semaines dans la prison, apportant avec eux quelques instruments et un studio d’enregistrement portable à piles.

Au départ, les détenus ont fait preuve de méfiance,mais « une fois qu’ils se sont lancés dans le projet, cela a été facile et fluide ». Ian les a juste laissés jouer et chanter, et le résultat l’a séduit. Soixante prisonniers et gardiens ont participé à l’enregistrement, six heures de musique dont Ian Brennan a tiré une quinzaine de ­morceaux. Le producteur raconte comment un détenu, qui purge une peine à perpétuité, lui a un jour glissé ­furtivement dans la main un bout de papier (un geste rigoureusement interdit) en lui demandant de continuer à travailler dans la prison parce qu’il n’avait rien d’autre : « I have no every­­thing here. » Cette phrase, simple et désespérée, l’a particulièrement frappé : « On peut reconnaître la poésie quand on la voit. » Il en a fait le titre de l’album.

L'album nommés aux Grammy, "I have No Everything Here” du groupe Zomba Prison Project (sortie le 27 janvier 2016).

Ian Brennan est loin d’être un novice sur la scène de la world music. Il a déjà enregistré en Algérie, au Soudan du Sud, au Kenya, en Palestine et au Rwanda. En 2011, l’année où il a gagné un premier Grammy, il a parcouru une première fois le Malawi, à la recherche de nouvelles musiques. Et il en a trouvé au bord d’une route, où des jeunes jouaient de la guitare en attendant le client devant leur stand de fast-food – des brochettes de petites souris rôties. Ils sont devenus les Malawi Mouse Boys, un groupe de gospel aujourd’hui reconnu.

Malgré toute son expérience, il lui fallut plus d’un an pour trouver un label qui accepte de sortir l’album de Zomba Prison Project et que Six Degrees Records, une maison de disques basée à San Francisco, ne se décide finalement à le distribuer. Lorsque, le 7 décembre,

il a appris que le disque était sélectionné pour les Grammy, Ian Brennan a immédiatement contacté la prison, où ­personne n’avait entendu la bonne nouvelle. « Pour la plupart d’entre eux, ils ne savent même pas ce que c’est, un Grammy ! »

Le Zomba Prison Project en images (vidéo à voir aussi sur www.lemondeafrique.fr)

L’album I Have No everything Here est à écouter sur le site de Zomba Prison Project : https ://zombaprisonproject.bandcamp.com

Par Catherine Bennett

Cristina de Borbón et son mari, Iñaki Urdangarin, le 11 janvier, à Palma de Majorque, jour de l’ouverture de leur procès pour corruption.

Le 11 janvier, devant les caméras qui retransmettent, en direct et en continu, la première journée du procès dont elle est l’une des accusées, l’infante Cristina ressemble à une statue, droite sur sa chaise, immobile pendant des heures, le visage sérieux, le regard plongé dans le vide, la mine déconfite, des cernes noirs sous les yeux.

Plus de 500 journalistes sont accrédités pour suivre le dernier acte de la descente aux enfers de la fille cadette de l’ancien roi Juan Carlos, la sœur de l’actuel, Felipe VI, au sixième rang pour la succession au trône.

Le procès de Cristina de Borbón, accusée de fraude fiscale dans le cadre de l’affaire Noos, du nom de l’institut prétendument sans but lucratif qui aurait permis à son époux, Iñaki Urdangarin, de détourner plus de 2,6 millions d’euros de fonds publics, n’est pas celui d’une affaire de corruption comme les autres, dans une Espagne qui ne les compte plus. A l’issue de la première audience, le procès a été suspendu jusqu’au 9 février, le temps de l’examen des points de droits soulevés par la défense de Cristina et d’autres prévenus.

Lire aussi : L’infante Cristina renvoyée devant un tribunal pour fraude fiscale

Symbole du discrédit qui frappe toutes les institutions, sans exception, et de la crise politique et morale qui s’est ajoutée à la crise économique, l’affaire Noos a provoqué, en 2011, quand elle a éclaté, une tempête sur l’institution monarchique. Les Espagnols se sentent trahis par le couple modèle, sympathique et simple, que semblaient former Cristina de Borbón et Iñaki Urdangarin.

Elites corrompues

Le fait que les affaires de corruption, qui frappent tous les partis, puissent toucher aussi des membres de la famille royale, dont la seule obligation est de faire preuve d’un comportement exemplaire, renforce l’idée de l’impunité des « élites ». La Couronne, jusque-là jugée moderne, et appréciée pour son rôle durant la transition démocratique de l’après-Franco, est tombée en disgrâce. La cote de popularité de Juan Carlos n’a cessé de chuter et le scandale a contribué à sa décision d’abdiquer en 2014.

« Il n’y a pas assez de pain pour tant de “chorizos” » (surnom donné aux corrompus) est devenu l’un des refrains de l’indignation qui a crû outre-Pyrénées d’autant plus vite que les Espagnols se trouvaient soumis à une dure politique d’austérité (avec une explosion du chômage et de la pauvreté) lorsque le scandale a éclaté. C’est sur ce terreau qu’a germé le sentiment qu’une nouvelle transition était nécessaire, une idée portée par les jeunes partis qui sont apparus récemment sur l’échiquier politique espagnol, Podemos en tête.

Depuis 2013, le couple et leurs quatre enfants ont quitté Barcelone pour la Suisse, où ils tentent d’échapper à la pression médiatique.

En juin 2015, Felipe VI a retiré à sa sœur le titre de duchesse de Palma, que lui avait accordé en 1997 son père, Juan Carlos, en guise de cadeau de mariage. Il tente ainsi d’instaurer une sorte de cordon sanitaire entre l’institution monarchique qu’il représente et la « brebis galeuse » de la famille royale, dans la crainte que, comme son père avant lui, il ne paie pour les frasques de son beau-frère. Dans une Espagne qui aspire au changement, aucune précaution n’est de trop.

Un couple mis sur la touche

L’infante est aujourd’hui seule. Il semble très loin le temps où la jeune fille de 19 ans suscitait la sympathie du pays qui la voyait s’asseoir, queue-de-cheval et jean, dans les amphithéâtres de l’université de la Complutense aux côtés des jeunes de sa génération, comme une étudiante ordinaire, avant de devenir, cinq ans plus tard, la première femme de la famille royale à posséder un titre universitaire.

Son époux, l’ancien champion olympique de handball Iñaki Urdangarin, l’ex-gendre idéal, beau et sympathique garçon, est fui comme la peste. Dès la fin de l’année 2011, il a été banni des cérémonies officielles par la Casa Real (le Palais royal). Le Musée de cire de Madrid a même pris soin d’éloigner son mannequin, en tenue de soirée, de ceux du reste de la famille royale, pour le reléguer, en short, dans la partie réservée aux sportifs de haut niveau.

Lire aussi : Iñaki Urdangarin, le mauvais gendre

En 2013, peu avant la saisie par la justice de leur somptueuse demeure de Barcelone, le couple, hué, vilipendé, et ses quatre enfants, s’est installé en Suisse pour fuir la pression médiatique. Aujourd’hui, les Espagnols observent la chute de ce couple qui semblait

parfait il y a encore cinq ans, comme s’ils ­savouraient leur revanche et cherchaient la preuve qu’aujourd’hui la justice est la même pour tous.

Le Monde | 18.01.2016 à 17h57 • Mis à jour le18.01.2016 à 18h44

[Infographie] La nouvelle offensive du président américain contre les armes à feu est-elle perdue d’avance ? Le « New York Times » pointe une réalité troublante : à chaque fois qu’il appelle à limiter leur accès à la suite d’une tuerie de masse, les ventes grimpent en flèche.

Les ventes d'armes (en millions d'unités) aux Etats-Unis entre 2000 et début 2016 (source : nytimes.com).

Publié le 4 janvier 2016, l’article du New York Times” “Les ventes d’armes grimpent en flèche après l’appel d’Obama à de nouvelles restrictions” est à lire sur : www.nytimes.com

Sosha Makani, le gardien de l’équipe nationale de football, a été placé en détention provisoire après la diffusion sur Internet de photos piratées. Il y apparaît enlaçant de jeunes femmes non voilées.

Voilà le gardien de l’équipe nationale iranienne de foot, Sosha Makani, aux mains

des gardiens de la vertu. Ce joueur de 29 ans a été arrêté et transféré, le 3 janvier, à la tristement célèbre prison d’Evin, dans le nord de Téhéran, après la diffusion sur Internet de photos piratées où on le voit en compagnie de femmes en tenues non conformes à la morale en vigueur dans le pays. Dans l’attente de son jugement, il a été libéré, moyennant une caution d’un milliard de tomans (250 000 euros).

Des clichés piratés, où l'on voit Sosha Makani entouré de femmes non voilées, sont à l'origine de ses problèmes. Son club, le Persepolis FC, l'a déjà limogé.

Sur l’un de ces clichés, ce grand Iranien à la peau bronzée tient dans chaque bras une jeune femme sans voile, aux lèvres botoxées et au nez refait, devant une piscine. Une autre image le montre avec une partenaire qui porte un pantalon moulant et un petit haut laissant apparaître la peau de son ventre.

Ces détails seraient sans importance si les photos n’impliquaient une célébrité vivant en République islamique d’Iran. Dans ce pays, le contact physique entre un homme et une femme qui ne sont pas mariés ensemble est interdit, et les femmes sont tenues de couvrir leurs cheveux et leur corps, à l’exception du visage et des mains.

La circulation en masse de ces clichés a rapidement alarmé Sosha Makani, qui a d’abord tenté d’endiguer le scandale. « Depuis quelques jours, des malades qui ne craignent même pas Dieu ont piraté mes comptes personnels, a soutenu le jeune homme sur sa page Instagram. Ils doivent savoir que diffuser mes photos de famille ne leur apporte rien et que la puissante police du pays assure la sécurité de nos familles. »

Sosha Makani lors d'un match de football opposant son club Persepolis FC à Al Nassr, le 8 avril 2015, à Téhéran.

Son post n’a guère dissuadé la cyberpolice iranienne de le convoquer au tribunal de la culture et des médias de Téhéran. Avant d’honorer cette convocation, le joueur a bien tenté une autre stratégie pour justifier les photos en se rendant à la police accompagné d’un homme qu’il présentait comme étant « le père de sa fiancée », en référence à l’une des femmes que l’on voit sur certaines photos. « Mais il n’a pas pu justifier la présence des autres filles qui s’affichaient avec lui sur les clichés », a expliqué le chargé des mœurs de la Fédération iranienne de foot, Mohammad Hosseini, après l’arrestation du jeune homme.

Renvoyé par son club

Furieuse, la jeune promise s’en est violemment prise, sur sa page Instagram, aux « voleurs » de leurs « photos de famille », qui les ont distribuées « sans aucune honte ».« Vous avez montré au monde entier que vous êtes tous arriérés et appartenant au tiers-monde [adjectif utilisé en Iran comme insulte, dénonçant l’obscurantisme des auteurs de l’acte], a-t-elle écrit. Je ne vous pardonnerai jamais si quelque chose arrive à mon fiancé. » Les commentaires haineux ont tout de même fusé contre le couple. « Vous êtes des débauchés et vous voulez imiter l’Occident, s’est indigné un internaute en réaction au post de la jeune femme. Vous devriez avoir honte. »

Soucieux du respect des bonnes mœurs islamiques par la jeunesse iranienne, le pouvoir judiciaire risque de prononcer un verdict sévère à l’encontre de Sosha Makani. Aucune date n’a pour le moment été avancée pour son procès. Son club, Persepolis FC, a d’ores et déjà annoncé qu’il n’a plus besoin de ce joueur « sans mœurs » et que Sosha Makani sera remplacé.

#Iran footballer arrested for online photos despite evidence his account was hacked. https://t.co/38TCo5PAb7 https://t.co/4XJmzdOtts

— ed_herbert (@Edward Herbert)

« Un footballeur iranien arrêté pour la diffusion de photos en ligne bien qu’il soit établi que son compte a été piraté »

Lire aussi (édition abonnés) : La petite-fille de l’ayatollah Khomeyni « brise les tabous »

Le Monde | 12.01.2016 à 17h37 |Par Julien Guintard

Chaque semaine, “M” vous sert sur un plateau une série de petites infos qui ont souvent tout autant de sens que les grandes.

ÇA VA, LES ÉTUDES  ?


Un film d’horreur peut-il vousglacer le sang ?

 La réponse semble être oui d’après les auteurs d’une étude parue en décembre 2015 dans le British Medical Journal. Pour vérifier si la peur peut effectivement modifier la formule sanguine, les scientifiques ont constitué un panel de 24 volontaires, tous trentenaires et en bonne santé. Certains des participants ont alors vu un documentaire sur le champagne (A Year in Champagne), tandis que d’autres regardaient le film d’horreur Insidious. Résultat : les seconds participants avaient un taux plus élevé de facteur anti-hémophilique A, dit facteur VIII — qui intervient dans la coagulation — dans le sang après vision du film d’horreur. Une petite coupette pour se remettre ?

Journée à thème


A quelque chose malheur est bon

 L’adage se vérifie quand il s’agit d’expliquer l’existence du Kiss A Ginger Day, chaque 12 janvier. A savoir : une journée au cours de laquelle chacun est invité à embrasser toute personne ayant les cheveux roux. D’abord lancé au Canada, l’événement se voulait une réponse à l’infâme Kick A Ginger Day, épiphénomène informel visant rien moins que rosser un rouquin. Mouvement lui-même déclenché par quelques sombres idiots ayant mal compris un épisode de la série « South Park » (épisode 11, saison 9), au cours duquel le personnage de Cartman prenait la tête d’un mouvement mondial rosso-ségrégationniste.

 Bref, malgré votre retenue naturelle, n’hésitez pas à vous rapprocher de Jessica Chastain, d’Audrey Fleurot ou encore du prince Harry pour leur faire savoir combien ils enrichissent la palette de l’humanité, et ce, même si vous n’êtes pas coiffeur.

  • Julien Guintard

    Journaliste au Monde

En 2003, ce trentenaire qui a grandi à Trappes a cofondé Ki-oon, une maison d’édition spécialisée dans les mangas. Grâce à une stratégie audacieuse, le succès est au rendez-vous. Deux de ses productions sont sélectionnées pour le Festival d’Angoulême.

Cinq millions et demi d’euros de chiffre d’affaires en 2015. La maison d’édition Ki-oon, spécialisée dans le manga et installée dans 230 mètres carrés de bureaux au cœur du 9e arrondissement de Paris, se porte bien. Du chemin a été parcouru depuis la cité HLM de Trappes dont Ahmed Agne, le directeur, est originaire. « Ceux qui disent : “Regardez-le, quand on veut, on peut” se trompent, coupe court le presque quadragénaire. Je ne suis pas un exemple, plutôt le résultat d’une équation où la motivation a été l’un des facteurs. Mais pas le seul. »

Ahmed Agne est éditeur de mangas. Il codirige la maison d'édition Ki Oon qu'il a cofondée en 2003 avec Cécile Pournin.

Première donnée de ce calcul : son père, ouvrier mécanicien arrivé du Sénégal dans les années 1970. « On n’avait pas d’argent, mais il m’a donné une arme fabuleuse : une carte de bibliothèque », aime-t-il raconter. Tintin, romans, mythologie égyptienne… Dans la chambre qu’il partage avec ses cinq frères et sœurs, Ahmed dévore tout.

Puis viennent les années 1990. A la télé, le « Club Dorothée » diffuse de nouveaux dessins animés venus du Japon. « AvecOlive et TomouLes Chevaliers du zodiaque, on pouvait enfin s’identifier à des personnages qui vivaient les mêmes choses que nous : premières amours, amitiés trahies… »

Un séjour de deux ans au Japon

Il passe des heures à noircir des cahiers de silhouettes aux grands yeux. Sa passion pour l’animation nippone aurait pu s’arrêter là. Mais une nouvelle variable entre dans l’équation : son père insiste pour qu’il intègre un collège à quelques kilomètres de Trappes. « J’y ai découvert la mixité sociale en côtoyant des fils de médecins, d’artistes… Mon horizon s’est ouvert. »

Au lycée, il achète ses premiers mangas et les décrypte en VO muni d’une méthode Assimil. La fac de japonais s’impose. A la faveur d’un programme d’échanges, il passe même deux ans au Japon. Là-bas, ce grand Peul de 1,90 mètre détonne. « Le premier jour, le chauffeur de bus, effrayé, ne s’est pas arrêté », se souvient-il amusé.

De retour en France, bardé d’un diplôme de maîtrise et de lettres de recommandation, il déchante vite. Deux cents candidatures, aucun entretien. Parallèlement, avec Cécile Pournin, une amie de fac, ils assistent à l’explosion du manga en librairie. A l’époque, l’offre se limite à des shōnen, des BD pour jeunes garçons type Dragon Ball, et les deux passionnés ne s’y ­retrouvent pas. Progressivement, l’idée leur vient d’éditer des seinen, des œuvres pour adultes.

Des choix éditoriaux novateurs

En 2003, ils se lancent. Le marché du manga en France consiste à racheter des licences aux éditeurs japonais. Ahmed et Cécile ont une autre stratégie : tous les deux bilingues, ils se rapprochent directement d’auteurs indépendants, méconnus au Japon. Nuit blanche après nuit blanche, ils construisent leur catalogue. Pendant cinq ans, Ki-oon se résume à un canapé et deux ordinateurs dans le studio d’Ahmed, à Trappes. Puis, ils se versent enfin un salaire et embauchent leur premier employé. « Leur force, c’est leur passion, mais surtout leur vision marketing, pointe Christophe Lenain, libraire spécialisé. Ils ont été les premiers à proposer des extraits en ligne ou à organiser des rencontres entre fans et auteurs. »

"A Silent Voice" fait partie de la sélection jeunesse du festival d'Angoulême 2016. Cette œuvre émouvante de Yoshitoki Oima aborde les thèmes du harcèlement et du handicap.

Ahmed Agne fait aussi preuve d’audace éditoriale. Il mise à la fois sur une valeur sûre, la science-fiction, et sur des sujets plus controversés pour attirer un nouveau lectorat. Son dernier pari en date, A Silent Voice, mêle handicap et harcèlement à l’école. Et ça marche. Avec des séries dont les ventes dépassent 600 000 exemplaires, Ki-oon est aujourd’hui le quatrième éditeur de mangas en France – et le premier indépendant – et représente 10 % de parts de marché.

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Consécrations, l’une de leurs productions a été vendue dans dix pays, dont le Japon, et deux sont nominées au Festival d’Angoulême (du 28 au 31 janvier). Mais à titre personnel, Ahmed savoure une autre victoire : « Ma mère a enfin arrêté de dire à ses copines que son fils faisait du chinois. »

Corinne Soulay