Malgré la censure et les contraintes économiques, de jeunes cinéastes assurent la relève.

Le cinéma iranien profite-t-il de la (relative) ouverture de la République islamique ? Dans la foulée du double prix décerné à Cannes au Client, d’Asghar Farhadi, le festival Cinéma(s) d’Iran, qui vient de se tenir à Paris, a permis de constater la richesse du septième art persan. Pour sa quatrième édition, la manifestation a mis à l’honneur la comédie, un genre qui permet mieux que tout autre de critiquer la société. Quelques semaines plus tôt, à Téhéran, pas moins de 140 films étaient présentés au Festival Fajr, le rendez-vous de la production locale.

Mêlant films populaires et indépendants, le cinéma iranien ne s’est jamais aussi bien porté.

Si le cinéma iranien ne s’est jamais aussi bien porté, « il est aussi à l’image du pays qui le produit : rempli de paradoxes, souligne Nader T. Homayoun, président du festival Cinéma(s) d’Iran et réalisateur des Pieds dans le tapis. Nous possédons un cinéma très énergique, qui produit beaucoup. Et, en même temps, tout reste assez confidentiel, faute d’un modèle économique qui en permette la distribution. »

Deux catégories de films se distinguent : d’un côté, un cinéma populaire, subventionné et contrôlé par l’Etat, qui ne sort pas du pays car inadapté à un public étranger ; de l’autre, un cinéma indépendant, peu vu en Iran, mais apprécié des festivaliers et des cinéphiles. « Quelques films font exception, à l’image de ceux d’Asghar Farhadi qui sont populaires aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières », résume Nader T. Homayoun.

L’élection du modéré Hassan Rohani en 2013 avait créé un espoir de libéralisation de ce secteur. Mais dans les faits, peu de chose a changé, au grand regret des cinéastes iraniens. « Nous sommes accueillis avec le sourire, et le ministère de la culture donne l’impression d’une relative bienveillance, explique Nader T. Homayoun. Je n’ai pas vu pour autant une plus grande liberté d’expression. »

Un puissant système de censure

Le système de censure, instauré depuis la révolution, est toujours puissant, et chaque film qui souhaite obtenir une autorisation de tournage doit voir son script approuvé par les censeurs. Pas de sexe, pas de politique et, globalement, pas de films qui jouent de près ou de loin avec les interdits de la société iranienne. Les limites ne sont pas explicites et charge aux réalisateurs de se mettre à la place des censeurs et d’imaginer ce qui passera ou pas. « Depuis quelques années, apparaît une nouvelle génération de réalisateurs, capables de sortir des films à petits budgets et sans soutien de l’Etat. Ils représentent l’espoir du cinéma iranien », constate Negar Eskandarfar, directrice de la très réputée école de cinéma Karnameh, à Téhéran.

De gauche à droite : l’actrice Taraneh Alidoosti, le réalisateur Asghar Farhadi et l’acteur Shahab Hosseini lors d’une conférence de  presse à Téhéran, le 30 mai 2016. Leur film « Le Client » a été primé au Festival de Cannes.

Ces trentenaires connaissent bien les contraintes économiques parce qu’ils ont commencé par le court-métrage et le documentaire avant de se lancer dans le long-métrage. C’est le cas de Behtash Sanaeeha, qui a tourné Probable pluie acide, son premier film, grâce à des financements privés. Le propre de cette génération est aussi d’avoir appris à se jouer de la censure en usant de procédés toujours plus créatifs – comme une conversation au téléphone, qui suggère plus qu’elle ne montre.

« La reconnaissance du public »

Des films comme Une rébellion ordinaire, de Hamed Rajabi (qui raconte l’histoire d’une femme se révoltant après une fausse couche) ou Au cas où, de la réalisatrice Faezeh Azizkhani traitent de sujets qui demeurent délicats pour la censure. Et impossible de savoir à l’avance s’ils passeront à travers les mailles de son filet, car les limites de ce qui est permis ou pas ne sont jamais clairement définies.

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Les débordements de joie qui ont déferlé sur le Twitter iranien lorsque Le Client a remporté ses prix, et les centaines de personnes qui ont accueilli Asghar Farhadi à l’aéroport de Téhéran montrent l’engouement et la fierté des Iraniens pour leur cinéma. Attirés par les succès internationaux et aidés par les facilités du numérique, les jeunes réalisateurs et acteurs sont chaque jour plus nombreux. « Le talent existe déjà dans le cinéma indépendant iranien, conclut la directrice de l’école Karnameh. Il ne manque que le système économique qui leur permette d’avoir la reconnaissance du public. »

Jonathan Vayr

La pénurie d’hébergements pour les migrants contraint les autorités néerlandaises à ouvrir les établissements pénitentiaires laissés à l’abandon.

Des Syriens, des Afghans, quelques Libyens, deux ou trois Algériens, un Marocain : tous sont demandeurs d’asile aux Pays-Bas. Et profitent de la liberté que leur offre le royaume… en prison. Confrontées à des difficultés pour accueillir les réfugiés, les autorités néerlandaises ont décidé de loger un bon nombre d’entre eux dans des établissements pénitentiaires à l’abandon, parfois promis à la démolition. Sirattulah, Fadi, Amina et quelques centaines de leurs compatriotes habitent ainsi d’anciennes cellules de la prison De Koepel, à Haarlem, dont les portes sont désormais grandes ouvertes.

Un couple de réfugiés afghans dans leur chambre-cellule de la prison de Koepel, à Haarlem.

L’un sirote un café devant sa chambre-cachot, les pieds posés sur la rambarde ; l’autre épile les sourcils de sa compagne. Un troisième observe, depuis sa fenêtre, sa sœur en train d’apprendre à monter à vélo, aidée par une bénévole d’un groupe de soutien local. Dans la grande cour, des jeunes gens de toutes nationalités devisent dans un anglais approximatif.

« C’est vrai, c’est peut-être un peu bizarre au début, mais après ce que nous avons vécu, l’essentiel, c’est d’être en sécurité… » Ayman, une migrante syrienne

Et sous l’immense préau, deux équipes multinationales s’affrontent, hilares, dans un match de minifoot. « C’est parfait, non ? Un bel espace, une grande cuisine, des installations modernes », se réjouit un responsable de l’Organe central pour l’accueil des demandeurs d’asile, interrogé sur la dimension, quand même très symbolique, de cet accueil à la néerlandaise. « Oh, vous savez, les symboles… » « C’est vrai, c’est peut-être un peu bizarre au début, mais après ce que nous avons vécu, l’essentiel, c’est d’être en sécurité… », renchérit

Ayman, qui a fui la Syrie avec deux de ses amis.

Dans la foulée d’Haarlem, d’autres villes comme Arnhem et Zeist vont aussi se lancer. A Amsterdam, la mairie devrait installer dès juillet, et pour dix-huit mois au moins, plusieurs centaines de demandeurs d’asile dans l’institution pénitentiaire d’outre-Amstel, les Bijlmerbajes. Cet enfilement de bâtisses à l’allure austère devait être rasé pour faire place à un nouveau quartier.

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Une partie des murs a finalement été détruite et les grilles des fenêtres enlevées. « Un tel bâtiment est parfaitement adapté à l’accueil temporaire », commente la mairie. Une vision pragmatique largement partagée dans le royaume, où l’installation des réfugiés dans des prisons a suscité peu de débats. Grâce à la baisse de la délinquance et au recours massif aux peines alternatives, beaucoup d’établissements pénitentiaires sont vides. D’ailleurs, les Pays-Bas louent déjà une partie de leurs prisons à la Belgique.

400 projets de réaménagement

L’association VluchtelingenWerk est l’une des rares à avoir élevé des objections. « Le plus important, pour les réfugiés, est de pouvoiroublier leurs expériences traumatiques, et je ne pense pas qu’on puisse y parvenir en prison », explique sa directrice, Dorine Manson. Elle demande donc au gouvernement de faire au moins enlever, dans les établissements concernés, tout ce qui rappelle un peu trop leur vocation première : grilles, verrous, caméras, etc.

Le royaume ne compte toutefois pas en rester là pour résoudre ses difficultés d’accueil des demandeurs d’asile. Pragmatiques, les Néerlandais savent aussi faire preuve d’imagination. Et au populiste Pim Fortuyn – assassiné en 2002 – qui avait lancé : « Les Pays-Bas sont pleins », pour demander l’arrêt de toute immigration, l’architecte Floris Alkemade réplique : « Les Pays-Bas sont vides. » Avec un groupe de confrères, il a lancé un appel et reçu 400 projets de réaménagement destinés au logement de nouveaux arrivants en utilisant notamment tous les espaces vacants (écoles, bureaux, magasins). En mai, il est même allé détailler ses idées devant les Nations unies.

A quelques semaines des élections législatives, deux documentaires suivent les leaders de Podemos et l’ascension d’Ada Colau, « indignée » devenue maire de Barcelone en 2015.

Ada Colau avec les dirigeants de Podemos, Pablo Iglesias (au centre) et Iñigo Errejón.

Une nouvelle génération est entrée en politique en Espagne en 2015. Cette « révolution » méritait bien un film. Voire deux. C’est ce que se sont dit les auteurs de deux documentaires sortis à une semaine d’intervalle : Fernando León de Aranoa, qui signe Política, manual de instrucciones (« politique, mode d’emploi »), sur l’ascension de Podemos ; et Pau Faus, qui a réalisé Alcaldessa (« maire », en catalan), sur la maire de Barcelone Ada Colau. Deux films montrant sans fard les principales figures de la gauche anti-austérité. Et racontent en creux le même défi : comment passer de l’indignation et du militantisme social à la lutte pour le pouvoir politique.

Ces sorties interviennent à quelques semaines des nouvelles élections législatives, convoquées le 26 juin. Le Parlement issu des élections du 20 décembre 2015, qui avait vu Podemos remporter 20,7 % des suffrages, n’a pas réussi à dégager une majorité susceptible de gouverner. Fernando León, connu pour son cinéma social, a notamment réalisé en 2003 Les Lundis au soleil avec Javier Bardem, un film sur le chômage.

Au cœur de la machine Podemos

Sorti en salles le 3 juin, Política, manual de instrucciones retrace le parcours de Podemos, depuis son congrès fondateur de Vista Alegre, en octobre 2014, jusqu’à son relatif succès aux élections de décembre 2015. Grâce à un accès privilégié aux coulisses du parti pendant plus d’un an, le réalisateur dévoile les décisions stratégiques mais aussi les contradictions de Podemos. En somme le « manuel » mis en œuvre par la formation pour transformer un mouvement social qui se disait horizontal en un parti vertical capable de disputer au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) l’hégémonie de la gauche.

La bande-annonce de« Política, manual de instrucciones », de Fernando León

Rien n’échappe à Fernando León. Ni les tensions avec une frange du parti qui exige que l’on donne plus de pouvoirs aux militants. Ni les démissions de nombreuses délégations territoriales de Podemos qui reprochent à Pablo Iglesias de centraliser le pouvoir à Madrid. Ni le scandale fiscal de l’un des fondateurs du parti, Juan Carlos Monedero, qui a facturé, en passant par une société, ses conseils à l’ancien gouvernement vénézuélien de Hugo Chavez pour réduire le montant de ses impôts. Ni les références latino-américaines de Podemos, qui veut dépasser le clivage droite-gauche pour devenir le parti du peuple, de la « patrie ».

Au fil du documentaire, Podemos apparaît comme le résultat de choix stratégiques qui ont souvent peu à voir avec l’esprit des « indignés » dont il se dit l’héritier. Mais aussi comme une machine électorale performante maniant parfaitement la communication politique. « Il n’y a pas de processus de transformation politique sans déceptions », justifie, devant la caméra,

le numéro deux de Podemos et brillant politologue Iñigo Errejón.

La maire de Barcelone, héroïne moderne

Dans un genre très différent, Pau Faus a réalisé un portrait de l’ex-militante du droit au logement et actuelle maire de Barcelone Ada Colau. Il l’a suivie depuis sa décision de se présenter aux élections municipales, avec sa plateforme citoyenne Barcelone en commun, jusqu’à sa victoire en mai 2015. Larmes et rires, tensions et doutes, face caméra, elle apparaît dans Alcaldessa, sorti en salles le 27 mai, comme une héroïne moderne incarnant l’entrée en politique de personnes engagées rêvant de régénérer des institutions corrompues.

La bande-annonce de « Alcaldessa », de Pau Faus

Les deux documentaires ont été réalisés avant que les députés de Podemos ne montrent leur incapacité à former un gouvernement avec le PSOE et qu’Ada Colau ne voie sa marge de manœuvre limitée par le manque de soutien des autres formations à sa politique. Ils racontent donc déjà un autre temps politique. Un moment où les deux réalisateurs considéraient que l’Espagne vivait un moment historique. Ce qui reste encore à démontrer.

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[Chronique] Ce week-end, le Royaume-Uni célèbre les 90 ans d’une reine qui n’a jamais manqué de chien. Quoique.

En 1952 : pliée en quatre

Au château de Balmoral (Ecosse), le 28 septembre 1952.

Des morts, un divorce, une abdication, et hop ! A la surprise générale, Elizabeth vient d’être couronnée reine à l’âge de 26 ans. Désormais, c’est donc au château de Balmoral qu’elle promène ses deux chiens, vêtue d’un tailleur vert-de-gris montrant qu’elle prend parfaitement le pli. Mais quel pli exactement ? Pli plat, pli creux, pli accordéon, pli religieuse, pli nervure ? Non, ici, les plis de la jupe royale sont couchés. Et cela tombe bien : « Couchés ! Couchés, les chiens ! »

En 1975 : le dorgi et les odeurs

A Badminton (Angleterre), lors d’une course de chevaux, le 14 octobre 1975.

Vingt-trois ans plus tard, la reine promène-t-elle encore ses chiens ? C’est probable (rappelons qu’Elizabeth est passionnée par la question canine, au point d’avoir créé sa propre race, le « dorgi »). Et pour ce faire, quoi de mieux que porter une veste de type Barbour ? Attention quand même, Elizabeth : les vestes en coton huilé finissent toujours par sentir extrêmement fort. Surtout quand on les porte par temps de chien.

En 1991 : le sac de nœuds

Au château de Windsor, le 10 mai 1991.

Mais bon sang, où sont-ils passés ? Seize ans plus tard, Elizabeth cherche toujours ses chiens, et pour avoir les mains libres, elle a coincé son sac à la saignée du coude. Grave erreur. Des études ont prouvé qu’une telle pratique peut provoquer des tendinites. Au Japon, une campagne de santé publique a même été organisée il y a quelques années pour dissuader les femmes de porter ainsi leur sac. Au risque d’avoir un mal de chien.

En 1999 : arlequine perdue

Au Palais de Birmingham (Angleterre), le 29 novembre 1999.

Malgré la disparition des chiens, il faut bien continuer à vivre. Voici donc Elizabeth en soirée, vêtue d’une toilette à sequins, inspirée du déguisement d’Arlequin, ce personnage de la commedia dell’arte dont le costume aux mille losanges représentait la personnalité aux mille facettes. Classe ? Bien sûr que c’est classe ! Et que c’est mérité. En stakhanoviste de la mode, la reine aura fait défiler quatre stylistes en soixante-quatre ans de règne. Quatre stylistes, et trente chiens aussi.

En 2016 : rose combat

A Berkhamsted (Angleterre), le 6 mai 2016.

Est-ce une laisse qu’elle tient dans sa main droite ? Non, malheureusement, un simple sac. A 90 ans, Elizabeth fait attention à son coude, porte des chapeaux monumentaux (elle en posséderait près de 5 000) et ose la couleur – pour que le petit peuple puisse plus facilement la voir – tout en lestant ses jupes de plomb pour ne pas lui infliger une vue déplaisante. La reine pense à tout, mais il reste encore des Anglais pour demander sa tête et celle de la royauté. Quelle vie de chien !

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Le Monde | 08.06.2016 à 08h20 |Par Erwan Bruckert

Ses performances à Leicester ont décidé Didier Deschamps à l’appeler en équipe de France. Le footballeur franco-malien fait aujourd’hui partie des meilleurs espoirs de l’Euro 2016.

N'Golo Kanté lors du match amical France-Ecosse, à Longeville-lès-Metz,le 4 juin 2016.

Le joueur d’en-bas

Né en 1991 à Paris, le Franco-Malien a porté pendant dix ans les couleurs de la JS Suresnes, modeste club des Hauts-de-Seine, loin des centres de formation. En 2010, alors qu’il évolue en promotion d’honneur (niveau régional), il est repéré par l’US Boulogne, qui lui offre un contrat amateur pour jouer en CFA2. A 19 ans, il quitte l’Ile-de-France pour le Pas-de-Calais et donne un coup de fouet à sa carrière.

Le joker de Leicester

En 2015, après deux années réussies à Caen, le milieu de terrain courtisé notamment par Lyon et Marseille choisit de s’envoler outre-Manche, à Leicester, qui a frôlé la relégation. Pari réussi : en Premier League, il se révèle aux yeux du monde entier comme l’un des principaux artisans du titre de champion décroché par les « Foxe », immense exploit du football anglais.

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L’empereur du milieu

Pour sa première saison en Angleterre, l’ex-Caennais a affolé les statistiques : il est le joueur du championnat qui, cette année, a réussi le plus de tacles et intercepté le plus de ballons. L’athlète a démontré par les chiffres qu’il était le meilleur milieu récupérateur de la saison, et peut-être même « le meilleur joueur de Premier League », comme l’a affirmé Sir Alex Ferguson, l’ex-entraîneur de Manchester United.

Le bleu des Bleus

Il y a trois mois, Didier Deschamps le récompense pour sa brillante saison en l’appelant en équipe de France. Pour sa première titularisation, le 29 mars – jour de son anniversaire –, le Parisien marque dès la huitième minute du match contre la Russie. Il n’y a alors plus de doute : N’Golo a validé son ticket pour l’Euro.

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Sa sélection en équipe de France

  • Erwan Bruckert

    Journaliste au Monde

[Chronique] Les spécialistes s’interrogent sur le style de jeu des Bleus. Mais, niveau style, la vraie question est ailleurs. Croyez-nous.

1991 : le « v » de victoire

En 1991.

Didier Deschamps n’a que 23 ans mais c’est déjà un fin tacticien. Prêté par Marseille à Bordeaux, il sait qu’il doit prouver sa loyauté à ses nouveaux supporteurs. Le voilà donc qui parade dans un pull-over orné d’un imposant scapulaire, semblable à celui qui barre historiquement le maillot des Girondins de Bordeaux. De toute évidence, le jeune Didier a déjà compris que le style importe peu : seul le résultat compte.

2003 : taille patron

Avec Pavel Neved de la Juventus de Turin, à Monaco, le 28 août 2003.

Vingt-deux ans plus tard, confirmation : le style, Didier s’en moque. Devenu entraîneur, il pose ici à côté de la star tchèque Pavel Nedved, vêtu d’un costume si ample qu’il

rappelle les zoot suits portés par les swingueurs américains des années 1930. Est-ce une

tactique destinée à montrer que le costume d’entraîneur n’est pas trop grand pour lui ? Sans doute. D’ailleurs, à la tête de l’AS Monaco, Didier remportera cette année-là son premier trophée – une Coupe de la Ligue.

2004 : une autre paire de manches

Avec Patrice Evra lors du match Monaco contre Porto en finale de la Ligue des champions, le 26 mai 2004.

Une Coupe de la Ligue, et puis l’exploit : avec les joueurs monégasques, Didier atteint la finale de Ligue des champions. Mais la marche est trop haute. Battus 3-0 par le FC Porto du très élégant José Mourinho, les joueurs de la Principauté pleurent et Didier montre ses limites : à en juger par la manche gauche de son manteau en cuir, il n’a pas le bras assez long pour soulever le trophée convoité.

2008 : blues jean

En 2008.

Quatre ans plus tard, « la Desch » est à l’arrêt. A la recherche d’un nouveau club, il profite de son temps libre pour s’occuper, enfin, de son style. En l’occurrence, il porte ce que les Américains appellent avec beaucoup de dédain un « smoking canadien », à savoir un jean et une veste en jean. Résultat ? Vite, qu’il retrouve un club !

2016 : grisé par les bleus

Dans les  locaux du « Parisien » à Saint-Ouen, le 22 février 2016.

Mieux qu’un club, il a fini par trouver une sélection. A 47 ans, Didier Deschamps s’apprête à disputer l’Euro à la tête des Bleus, et on le sent prêt, jusque dans les moindres détails : son costume brillant (c’est le problème avec le mohair) est même assorti à ses cheveux brillants (c’est le problème avec la laque de mauvaise qualité). L’un dans l’autre, on a hâte de voir le résultat. Puisqu’il n’y a que ça qui compte.

Le chef étoilé Daniel Patterson inaugure un nouvel établissement de qualité dans un quartier pauvre de San Francisco, où les produits frais sont rares.

Locol a recruté des jeunes exclus du système scolaire, d’anciens détenus, des employés de fast-food qui en avaient assez de se sentir exploités

Les gourmets de San Francisco l’ont connu à la tête du restaurant Coi, où il a introduit la cuisine moléculaire. Ce 25 mai, à Oakland, Daniel Patterson, lauréat de deux étoiles

au Michelin, inaugure un établissement d’un tout autre genre : Locol, un fast-food, où rien à la carte ne dépasse 7 dollars (6,28 euros). Vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un tablier noir – les couleurs de Locol – le chef prépare lui-même les burgers rebaptisés « burgs », constitués de 70 % de bœuf et 30 % de graines et de tofu. Pas de frites au menu, ni de boissons sucrées, mais un lit de raifort aux oignons verts dans les sandwiches. Tout est sain et se veut savoureux. Pionnier de la haute cuisine californienne, Daniel Patterson entend démocratiser la gastronomie. Apporter la qualité dans les quartiers défavorisés, ces « déserts culinaires » où les produits frais sont rares. Le premier Locol a ouvert en janvier à Watts, le quartier de Los Angeles dont le nom reste associé aux émeutes raciales de 1965 et 1992. Il emploie aujourd’hui 50 personnes.

Une collaboration de chefs célèbres

Après Oakland, la chaîne compte s’implanter dans le quartier de Tenderloin, le fief des sans-abri de San Francisco. A terme, Daniel Patterson rêve de repas économiques de qualité dans les hôpitaux publics, les prisons, les écoles… Locol est un nom qui joue sur loco, fou en espagnol, et local, comme les produits utilisés en cuisine, tous achetés auprès de producteurs qui ont accepté de rogner leurs marges.

Daniel Patterson s’est associé à Roy Choi, le cuisinier de Los Angeles qui a fait fortune dans les food trucks et fait entrer le taco coréen dans les guides gastronomiques. Chad Robertson, de Tartine Bakery, le Poilâne de San Francisco, a apporté sa spécialité de pain au koji (riz fermenté) pour le burger. René Redzepi, le fondateur de Noma, le grand restaurant de Copenhague, soutient le projet.

Une collecte sur le site de financement participatif Indiegogo a rapporté 130 000 dollars, avec l’aide du réalisateur Jon Favreau et de l’actrice Gwyneth Paltrow. Le restaurant d’Oakland est meublé de cubes et de tables en bois. Au mur, un poster géant, en noir et blanc, représente un jeune accoudé sur son scraper bike, ce vélo aux rayons décorés qui fait fureur dans les quartiers.

Locol a recruté des jeunes exclus du système scolaire, d’anciens détenus, des employés de fast-food qui en avaient assez de se sentir exploités. « Ma mère cumulait trois jobs, elle n’avait jamais le temps de cuisiner, explique Bam, le responsable du recrutement. On a grandi avec des trucs à réchauffer au micro-ondes, des pizzas. » L’objectif de Locol n’est rien moins que « redéfinir le fast-food ».

En rejoignant, le 19 mai, le groupe socialiste à l’Assemblée nationale, l’ex-député EELV a choisi la voie du pouvoir.

Portrait de François de Rugy, à Blois, le 26 août 2015.

Nantais pur jus

Né à Nantes en 1973, ­François de Rugy a construit sa carrière politique dans la Cité des ducs. En 1995, à peine diplômé de Sciences Po Paris, il fonde et préside l’association Ecologie 44 puis se présente, en 1997, à ses premières législatives en Loire-Atlantique. Perdant, mais revanchard, il est élu conseiller municipal de Nantes et vice-président de la communauté urbaine en 2001. Depuis 2007, il est député de la Première circonscription de Loire-Atlantique, regroupant Nantes et la ville voisine d’Orvault.

Jeune loup pressé

« C’est un ambitieux », dit de lui son ami Jean-Vincent Placé. Président d’un mouvement écologiste à 22 ans, conseiller municipal à 27, député à 33, « FDR » est un animal politique précoce. En 2012, à 38 ans, il prend la présidence du groupe EELV à l’Assemblée nationale, qu’il dirigera en tandem avec Barbara Pompili. Il rêve alors d’un portefeuille ministériel et le fait savoir à Jean-Marc Ayrault, qui ne ­l’appellera jamais. La démission de Denis Baupin, soupçonné de harcèlement sexuel, lui permet, le 17 mai, de prendre l’une des six places de vice-­président de l’Assemblée.

Anti-Notre-Dame-des-Landes

Longtemps adjoint chargé des transports d’Ayrault à Nantes, dont il vante les qualités d’écoute et les méthodes de gouvernance, François de Rugy s’est ­pourtant écharpé avec ­l’ex-premier ministre sur un sujet : l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Contre ­le projet, il accuse l’Etat de passer en force et de ne pas privilégier l’extension de l’actuel aéroport de Nantes. L’une des rares prises de position du dirigeant écolo contre le gouvernement socialiste.

Socialiste de fraîche date

François de Rugy a souvent flirté avec le Parti socialiste. En 2007, celui qui se décrit comme « un mitterrandiste » gagne sa circonscription grâce à une alliance avec le PS, à rebours des consignes internes des Verts. Son virage vers le rose se confirme aujourd’hui : après avoir quitté EELV en août 2015, il rejoint le 19 mai dernier le groupe socialiste à l’Assemblée nationale avec cinq autres députés verts, provoquant la dissolution du groupe. Prochaine étape : la primaire du Parti socialiste. Ambitieux, vous dit-on.

Lire aussi : Comprendre le changement des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale

L’ENFANCE. Sadiq, ici en 1972, à 2 ans (pantalon jaune), est le premier de ses frères et sœur à naître à Londres. Il a grandi dans une cité HLM du quartier populaire de Tooting, dans la banlieue sud de la capitale britannique.

Après le paquet neutre et les prix prohibitifs, le gouvernement australien veut interdire la vente de tabac aux personnes nées après 2001.

L’Australie, l’un des pays les plus antitabac au monde, sait se montrer innovant dans sa lutte contre la cigarette. Le paquet neutre, qui arrive tout juste en France, y est apparu fin 2012. Dans les magasins, les cigarettes sont cachées derrière le comptoir du vendeur, enfermées dans un placard où figure le message : « Fumer tue » ou « Arrêtez de fumer ». Le prix : 26,50 dollars australiens (16,76 euros) pour l’une des marques les plus achetées dans le monde. Et le paquet, couleur kaki, est couvert d’images chocs de personnes gravement malades à cause du tabac.

En 2020, le prix du paquet de cigarette s’élèvera à près de 27 euros en Australie.

Mais l’Australie ne va pas s’arrêter en si bon chemin. En mai, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour les fumeurs invétérés. Cela a démarré avec la présentation du budget 2016-2017, dont l’une des mesures fortes vise la consommation de tabac. A partir de septembre 2017, chaque année, pendant quatre ans, le prix des paquets de cigarettes augmentera de 12,5 %. Il s’élèvera à près de 27 euros en 2020. Autre mesure restrictive : les fumeurs devront renoncer aux cartouches détaxées des aéroports ou rapportées de l’étranger : seulement 25 cigarettes par voyageur, contre 50 jusqu’ici, sont désormais autorisées par voyageur. Et le gouvernement va augmenter les moyens consacrés à la lutte contre le trafic. Ces mesures devraient rapporter 4,7 milliards de dollars australiens (3 milliards d’euros) à l’Etat.

La longue liste des lieux sans tabac

Le Queensland, dans le nord-est du pays, où environ 3 700 personnes meurent chaque année à cause du tabac, enfonce le clou. « Peut-être qu’un jour, il n’y aura plus de fumée dans notre Etat », s’est récemment pris à rêver Mark McArdle, chargé des questions de santé dans l’opposition libérale. Le 16 mai, le président de l’influente ONG Cancer Council Queensland, Jeff Dunn, a proposé d’interdire la vente de cigarettes aux personnes nées après 2001. « Cela voudrait dire que les jeunes de 15 ans n’auront jamais le droit de fumer », a-t-il expliqué.

Le ministre de la santé de l’Etat, le travailliste Cameron Dick, réfléchirait à cette proposition. Il a fait déjà voter en février une loi renforçant considérablement la lutte contre le tabac. Ainsi est-il désormais interdit de vendre des cigarettes dans les festivals, de fumer aux arrêts de bus, de taxi, à proximité des zones réservées aux enfants, dans des rues piétonnières, dans les zones de restauration, etc. Il a même été question d’inclure les balcons privatifs, mais la mesure a été abandonnée, certains dénonçant une atteinte aux libertés individuelles. Cameron Dick s’est félicité mi-mai : « Fumer est clairement devenu socialement inacceptable dans le Queensland. »

Lire aussi :Le paquet de tabac neutre est-il efficace ? Le cas de l’Australie

Les autres Etats ne sont pas en reste. Le Victoria, où est situé Melbourne, allonge régulièrement la liste des lieux sans tabac. La Tasmanie vient de proposer l’interdiction de fumer jusqu’à l’âge de 21, voire 25 ans. En Nouvelle-Galles du Sud, allumer une cigarette sur une plage de Sydney, c’est s’exposer à une amende de 110 dollars (71 euros).

Toutes ces mesures seraient efficaces à en croire les chiffres du gouvernement : en 1993, 25 % des personnes de plus de 14 ans fumaient, et elles n’étaient plus que 12,8 % en 2013. Et si un tiers des Aborigènes continuent de fumer, la tendance est là aussi à la baisse. Pour la renforcer, l’actuelle campagne antitabac diffusée à la télévision et à la radio s’adresse spécialement à cette communauté.