Le Monde | 29.08.2016 à 11h31 |Par Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)

La fille de l’ex-vice-président de George W. Bush est candidate républicaine au Congrès. Néoconservatrice pure et dure, elle soutient Donald Trump malgré leurs différences sur les questions internationales.

Liz Cheney, lors d’un meeting du Tea Party à Emblem, dans le Wyoming, le 24 août 2013.

Fille à papa

A 50 ans, la fille aînée de Dick Cheney, l’ancien vice-président de George W. Bush, vient de remporter la nomination républicaine pour le siège de représentante du Wyoming au Congrès. L’Etat étant farouchement conservateur, elle est assurée d’être élue à la Chambre des représentants le 8 novembre (au fauteuil occupé par son père de 1979 à 1989). Dick Cheney, architecte du programme des prisons secrètes de la CIA après les attentats de 2001, a inspiré Liz qui, en digne fille de son père, défend les interrogatoires musclés et l’Amérique conquérante. Et veut priver le Planning familial de subventions publiques.

« Rodéo Mom » sur le tard

Son goût pour le rodéo dont elle fait état sur son compte Twitter ? Un engouement récent. En fait, Liz Cheney a grandi à Washington. Elle a ensuite étudié dans un établissement privé de McLean, en Virginie, avant d’étudier le droit à Chicago. Liz est mariée à Philip Perry, ancien responsable juridique du département de la sécurité intérieure sous l’administration Bush-Cheney et aujourd’hui chargé de la défense de Monsanto dans un cabinet d’avocats privé de Washington. Ils ont cinq enfants.

Parachutée éconduite

En 2014, Liz s’est présentée au Sénat en espérant détrôner le sortant – et estimé – Mike Enzi, ce qui a semé la zizanie parmi les républicains locaux. Elle a cru se rattraper en affichant son

opposition au mariage gay. Sa sœur lui a alors reproché de traiter les homosexuels de « citoyens de seconde classe ». Mary, 47 ans, est la dissidente de la famille. Mariée à sa compagne depuis 2012, elle a deux enfants. Mais, même si les parents Cheney ont pris son parti, Liz la parachutée a dû renoncer.

Vraie « fauconne »

Après l’élection du tandem Bush-Cheney en 2000, elle a été numéro 2 de la politique moyen-orientale américaine au département d’Etat. Elle s’est occupée des dossiers-phares des néoconservateurs : la promotion de la démocratie dans le monde arabe et l’Iran. Après l’arrivée d’Obama, elle a fondé Keep America Safe avec William Kristol, l’un des principaux communicants des « faucons ». L’association a mené la charge pour empêcher Obama de fermer Guantánamo.

Trumpiste malgré elle

Liz Cheney a pris parti pour Donald Trump bien que celui-ci ait accusé son père (et George Bush) d’avoir « menti » sur l’Irak et les armes de destruction massive. Elle est aux antipodes des positions du candidat officiel du parti sur les interventions militaires dans le monde. Mais le magnat de l’immobilier représente un moindre mal, selon elle, par rapport à Hillary Clinton. Une « criminelle », accuse-t-elle.

  •  Corine Lesnes (San Francisco, correspondante)

    Correspondante du Monde aux Etats-Unis basée à San Francisco
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Le Monde | 26.08.2016 à 14h40 • Mis à jour le26.08.2016 à 14h44 |Par Juliette Branciard (journaliste pigiste à M)

Le premier succède à Maïtena Biraben à la tête du “Grand Journal”, le second à Yann Barthès au “Petit Journal”. Les deux rescapés de l’ère pré-Bolloré incarneront le visage de la chaîne cryptée à la rentrée.

Victor Robert et Cyrille Eldin.

Victor Robert

Suppléant brillant. « Le Grand Journal », Victor Robert le connaît bien. Il y intervenait la saison dernière pour présenter les journaux et pour remplacer Maïtena Biraben. La valse des départs dans le groupe lui a profité : le journaliste reprendra les rênes de l’émission en direct à partir du 5 septembre.

Un certain succès. Arrivé à Canal + en 2002 pour présenter « Le Contre-journal » au côté de Karl Zéro, Victor Robert a depuis multiplié les émissions à succès. Touche-à-tout, il s’est fait connaître avec « Ça se dispute », « L’Effet papillon » et « Jour de sport ». Mais il a aussi essuyé des ratés : « Pop Com » et « Un autre midi » se sont arrêtées au bout d’une saison, faute d’audience.

Mission impossible ? « Le Grand Journal » n’est plus ce qu’il a été. Depuis quatre ans, l’émission ne cesse de péricliter, jusqu’à s’incliner face à Cyril Hanouna sur D8 et à « C à vous » sur France 5. C’est dire si Victor Robert est attendu au tournant.

Présentateur-né. Rôdé à l’exercice avec une dizaine d’émissions à son actif, il a les armes pour gagner la partie. Son attitude décontractée et son sérieux journalistique pourraient bien lui permettre de reconquérir les téléspectateurs.

Cyrille Eldin

Trublion doué. Depuis deux ans, Cyrille Eldin apparaissait dans « Le Petit Journal » pour un entretien loufoque de cinq minutes avec une personnalité politique. Vincent Bolloré mise sur l’animateur pour faire perdurer les bonnes audiences de cette case d’infotainment après le départ de Yann Barthès pour TF1.

Un succès certain. « L’emmerdeur des politiques » trouve son style avec une chronique dans « La Matinale » en 2009. Il explose par la suite avec « Eldin Reporter », pastille insolente du « Supplément ». Bolloré souhaitait qu’il ait sa propre émission. C’est fait.

Mission difficile. On ne prend pas les mêmes et on recommence… Cyrille Eldin a la lourde tâche de récupérer une émission incarnée depuis dix ans par Yann Barthès. L’animateur l’a quittée à son apogée emmenant dans ses valises une bonne partie de son équipe. Pari risqué, donc, pour l’ex-chroniqueur.

Provocateur-né. Parole décomplexée et repartie innée, Cyrille Eldin aime déstabiliser les politiques. En 2012, il est à l’origine d’une polémique entre les deux candidates écologistes

à la présidentielle. En réaction à une question concernant Corinne Lepage, Eva Joly avait lâché : « Je l’emmerde »…

  • Juliette Branciard (journaliste pigiste à M)

Le temps d’un été, « M » a interrogé notre rapport aux bêtes. La philosophe Florence Burgat et la photographe américaine Amy Stein se sont intéressées au phénomène des animaux sauvages qui s’aventurent dans notre monde « civilisé ».

Image tirée de la série « Domesticated » et mise en scène à Matamoras, en Pennsylvanie.

Les animaux ne sont pas les bienvenus dans les territoires que l’homme occupe. Perçus comme des intrus, des fauteurs de troubles, des producteurs de saletés, ceux ayant un propriétaire, donc identifiés et en principe soignés, y sont au mieux « tolérés » sous certaines conditions, comme le précise la réglementation. Cet encadrement répond, pour une part et dans certains contextes, à des motivations rationnelles ; et, pour une autre part, au grand rêve de l’entre-soi qu’est l’anthropocentrisme.

Les animaux doivent être tenus à l’écart – de multiples façons. Ils sont par principe, dans les cités occidentales en tout cas, tenus en main ou parqués. Alors comment les animaux sauvages qui arrivent dans les villes – un retour qui, en vérité, ne saute pas aux yeux – sont-ils perçus ? Voyons, pour répondre, la place réservée à ceux qui habitent les lieux urbanisés.

Des loups, des daims ou des ours qui s’aventurent près des maisons. Dans ses clichés, la photographe américaine Amy Stein sonde le sentiment d’étrangeté qui jaillit de ces rencontres inattendues en Pennsylvanie.
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Des loups, des daims ou des ours qui s’aventurent près des maisons. Dans ses clichés, la photographe américaine Amy Stein sonde le sentiment d’étrangeté qui jaillit de ces rencontres inattendues en Pennsylvanie.

Amy Stein

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Le chien ou le chat domestique qui, s’étant perdu, devient « errant », « divaguant », est exposé à l’élimination par la fourrière municipale ; il a changé de catégorie, n’est plus sous contrôle et se rapproche de l’animal sauvage qui ferait irruption dans un espace quadrillé qui l’exclut. Quant aux animaux qui vivent dans nos quartiers, car ils y trouvent leurs moyens de subsistance, mais qui ne sont ni domestiqués, ni apprivoisés, ni appropriés – pigeons, rats, souris… –, ils font l’objet de régulières opérations de capture : ce sont des « nuisibles », considérés comme des vecteurs de maladies.

Le fantasme du grand méchant loup

Sans ignorer les problèmes que peuvent causer les cohabitations en général, les fantasmes qui gravitent autour des animaux sont remarquables par leur caractère archaïque. Le retour spontané de quelques loups en France l’illustre à l’envi. Animal sauvage par excellence, du moins dans les esprits, le loup n’est-il pas encore perçu comme le grand méchant loup, une machine à dévorer ? Les battues organisées par les autorités relèvent de la volonté de maîtrise de l’homme sur l’animal, en particulier sur l’animal libre.

A la fin du XVIIIe siècle, le philosophe allemand Johann Gottlieb Fichte juge que « la fin première de la chasse est la protection de la civilisation » et que « l’état sauvage doit partout reculer devant la civilisation ». Sous couvert de menaces plus ou moins imaginaires, n’est-ce pas en effet la défense d’un territoire vidé d’animaux libres qui s’exprime ? Ces remarques d’ensemble sont nécessaires pour évaluer la perception des animaux sauvages dans les villes.

Image tirée de la série « Domesticated », de la photographe américaine Amy Stein.

La rencontre subreptice, le face-à-face fugace, avec un blaireau, un renard, un chevreuil… dans la ville est d’abord quelque chose d’incongru, comme si l’animal s’était trompé de route. Les animaux sauvages nous sont devenus étranges : présence insupportable pour beaucoup ; magique pour quelques autres, conscients que c’est la réduction de leur habitat qui les pousse vers l’ennemi de toujours.

Lire aussi (édition abonnés) : Cerfs et loups envahissent les villes américaines

Florence Burgat est directrice de recherche en philosophie à l’INRA, spécialiste de la condition animale et du droit animalier, auteure d’Une autre existence. La condition animale (Albin Michel, 2012) et de La Cause des animaux. Pour un destin commun (Buchet-Chastel, 2015).

« Domesticated », la série photographique d’Amy Stein, à voir sur www.amystein.com

Par Florence Burgat

A Combien de vies un bâtiment a-t-il droit ? En se réincarnant pour la énième fois depuis les années 1930, les Magasins généraux de Pantin (93) ont atteint, s’il existe, le quota autorisé. Dans l’entre-deux-guerres, on appelait ces entrepôts jumeaux de 20 000 m2 le « grenier de Paris » – ici transitaient le grain, la farine, les céréales, le papier et le tissu acheminés par camion et péniche. Le « grenier » s’est ensuite mué en bâtiment des douanes, avant d’être abandonné et investi au début des années 2000 par les graffeurs, qui en ont fait une cathédrale éphémère du street art. Fin de l’histoire, récente et ancienne. L’automne 2016 marque le début d’une nouvelle existence.

Les entrepôts de Pantin dans les années 1960.

Amarré au bord du canal de l’Ourcq, le bâti industriel et ses nombreux balcons aux garde-corps en forme de bastingage évoquent un paysage portuaire ou balnéaire. Tel un énorme paquebot, les Magasins généraux émergent de l’espace urbain d’une façon presque onirique. Pendant huit ans, Rémi Babinet, patron de l’agence de publicité BETC, avait contemplé l’immeuble avec envie, à la recherche d’un lieu dans lequel regrouper ses équipes, jusqu’ici réparties sur sept sites différents dans le 10e arrondissement de Paris.

Une « Factory » à la Warhol

Babinet connaît l’histoire et le potentiel des Magasins généraux. « Ce bâtiment d’ingénieur fait pour les marchandises et non pour les hommes permet des expérimentations spatiales inédites », lui promet alors l’architecte Frédéric Jung, qui a dirigé le chantier pour BETC. Tellement inédites que, par le passé, beaucoup de projets immobiliers ont été balayés.

La marque Chanel avait par exemple envisagé d’englober le bâti d’une bulle de verre géante, avant de renoncer pour finalement s’installer de l’autre côté du canal. Jung a, lui, fait le pari de dénuder les piliers de béton centraux en reculant la structure originelle pour fairerespirer le cœur de cette construction monstre traversée de verre, d’acier et de bois.

Time lapse de la dernière tranche des travaux (par BETC Paris)

Les salariés de l’agence de publicité ont pris possession de leurs bureaux le 18 juillet. Le mot d’ordre donné au studio de design T & P Work Unit était clair : aucune décoration superflue, la tonalité d’ensemble doit être celle d’une « Factory » à la Warhol.

Le champ lexical du mobilier tourne, de fait, autour de l’outil et de la fabrique, avec la conception de « plans de travail » inspirés de l’établi d’artisan, de cabanes posées ici ou là, et pensées comme des « ateliers » pour s’isoler en petit groupe, le tout dans une éco-conception poussée. Dans le dédale de coursives courant sur les cinq étages occupés par BETC, il est aussi question de « bureau libre » : personne, pas même les cadres dirigeants, ne dispose ici d’un poste fixe. « Comme pour l’open space à l’époque, beaucoup de salariés ont protesté, confie Rémi Babinet. Je les ai convaincus en leur disant qu’il faut que les métiers se croisent, que des rencontres inédites aient lieu. Nous ne sommes pas dans une logique productiviste, nous avons bien plus de places que de salariés présents. »

Lire aussi : Pantin se réapproprie les quais de la ville

Sans borne d’accueil, l’entrée des Magasins généraux est ouverte au public, avec son passage couvert menant au canal et son mobilier urbain légèrement détourné. A l’automne,

le rez-de-chaussée sera enrichi de deux espaces commerçants. Le premier, Les Docks de La Bellevilloise, sera une cantine bistrot associée à un concept store sur l’univers des sports de plein air (vélo, bateau, paddle…).

« Des associations en lien avec ces activités y prendront la parole », annonce Renaud Barillet, le fondateur de l’espace culturel La Bellevilloise (Paris 20e) qui ouvre ainsi une nouvelle antenne. L’entrepreneur a par ailleurs racheté sur un coup de tête Le Lutèce, amarré juste à côté, dans le canal voisin. Il compte transformer ce bateau-pompe qui éteignit l’incendie des moulins de Pantin, bombardés en 1944, en lieu voué à l’événementiel.

L’architecte Frédéric Jung a reculé la structure originelle du bâtiment pour dégager le cœur du bâtiment, où s’entremêlent verre, acier et bois.

Le second espace du rez-de-chaussée sera une halle de commerce bio, pensée par Augustin Legrand, militant pour le droit au logement et créateur du restaurant Le Bichat, à Paris. L’agence BETC évoque, quant à elle, la gestion d’un espace artistique de 800 m2. Bien sûr, tous misent sur le développement du Grand Paris pour doper leur future clientèle. Soutenue par la Ville de Pantin, la réhabilitation des Magasins généraux fait en effet partie d’une opération immobilière plus large, qui comprend la construction de 300 logements aux abords du bâtiment.

Lire aussi : La mondialisation vue de Pantin

Crédité de plus de 10 % dans les sondages, le candidat libertarien à la Maison Blanche pourrait bien gêner la course du magnat de l’immobilier.

Pour  participer aux débats présidentiels de l’automne, il faut obtenir 15 % dans cinq sondages nationaux, et Gary Johnson n’en est pas loin…

Homme de l’Ouest

Fils d’une employée du bureau des affaires indiennes et d’un enseignant, Gary Earl Johnson, 63 ans, a passé l’essentiel de sa vie dans l’Ouest. Individualiste, fan des grands espaces, pas franchement beau parleur. Tout le contraire de Donald Trump à qui il est en train de tailler des croupières dans l’Utah, l’Arizona et le Nevada. Si ces fiefs républicains traditionnels tombent dans l’escarcelle d’Hillary Clinton, ce sera grâce à lui. Un mur à la frontière du Mexique ?« De la folie. A l’heure qu’il est, Donald Trump doit être en train de regarder les Jeux olympiques pour voir à quelle hauteur sautent les perchistes mexicains. »

Gary Johnson à propos de Donald Trump, sur le plateau de CNN, en mai 2016 :

Gouverneur veto

Après des études de sciences politiques, il a fondé une compagnie de construction, Big J. Enterprises, dont il a fait l’une des plus importantes du Nouveau-Mexique, avec 1 000 salariés. Il en a tiré l’essentiel de sa philosophie : l’important, c’est le « ratio coût-bénéfices ». Elu gouverneur du Nouveau-Mexique en 1994 en tant que républicain, il a mis son veto à 750 projets de loi, procédé à 14 baisses d’impôts et licencié 1 200 fonctionnaires. Confortablement réélu en 1998, il a laissé son Etat avec un excédent d’un milliard de dollars.

Candidat libertarien

En 2012, il a quitté les républicains pour se porter candidat à la présidentielle sous l’étiquette du parti libertarien. Résultat : 0,99 % des voix. En 2016, profitant de l’impopularité record de Trump et de Clinton, il se voit créditer de 10 à 14 % des intentions de vote. Et de 23 % chez les moins de 30 ans. Johnson veut éliminer la Fed (la Réserve fédérale), supprimer le ministère de l’éducation, ratiboiser le budget militaire de 43 %… « Le gouvernement n’a pas à se mêler de mon portefeuille ni de ma chambre à coucher. »

Lire aussi : Etats-Unis : derrière Clinton et Trump, deux petits candidats en embuscade (édition abonnés)

Sportif de l’extrême

Gary a couru trois fois le championnat de triathlon, dit Ironman, à Hawaï. Une course de surhommes : 3,9 km à la nage ; 180 km à vélo, terminés par un marathon. Il a gravi les plus hauts sommets de la planète. Dont l’Everest, conquis en mai 2003 (au prix de quelques orteils gelés).

Fumeur de joints

Depuis 1999, il plaide pour la légalisation de la marijuana. PDG de la compagnie de culture de marijuana Cannabis Sativa, il a démissionné quand il a annoncé sa candidature et cessé de consommer (sauf « quelques Cheeba Chews », les chewing-gums au cannabis) il y a trois mois. Après Donald Trump et Bernie Sanders, les médias sont ravis d’avoir trouvé un nouveau candidat atypique. Son objectif est de participer aux débats présidentiels de l’automne (il faut pour cela obtenir 15 % dans cinq sondages nationaux). Slogan : « Make America sane again ». Une parodie de celui de Trump. Plutôt que la « grandeur », c’est la « salubrité d’esprit » que Gary Johnson veut rendre à l’Amérique.

Sur le compte Twitter du Parti libertarien, le slogan anti-Trump : « Make America Sane Again » :

Make America Sane Again with Gary Johnson https://t.co/ybTefXwh8R#Election2016#tlot@GovGaryJohnson

— Libertarian Party (@LPNational) 28 juin 2016

Le programme de Gary Johnson se résume en quelques mots : « Je suis fiscalement conservateur et socialement libéral. »
Gary Johnson, 63 ans, a remporté l’investiture au deuxième tour de scrutin face à Austin Petersen, le fondateur du magazine « The Libertarian Republic » et de John McAfee, le fondateur de la société de logiciels antivirus qui porte son nom.
« Elu, je réduirais le nombre de nos interventions militaires qui ont eu pour effet collatéral de rendre le monde moins sûr pour nous », a-t-il encore dit.
Austin Petersen, le fondateur du magazine « The Libertarian Republic », était aussi candidat face à Gary Johnson.
Vermin Supreme, un artiste et militant anarchiste qui se présente généralement coiffé d’une botte, et parfois équipé d’une brosse à dent, était aussi présent. En 2012, figurait dans son programme la promesse d’obliger la population à se brosser les dents.
Gary Johnson aimerait récupérer les déçus du Parti républicain et les déçus du Parti démocrate.
Le candidat libertarien table sur le désamour des électeurs pour les politiciens « classiques » pour attirer des voix. Des sondages le créditent de 10 % des voix.
Cette année, M. Johnson compte sur le possible chaos causé par la victoire de Donald Trump aux primaires républicaines et les problèmes d’image de Hillary Clinton pour dépasser son score d’il y a quatre ans, à peine 1 % des voix.
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Le programme de Gary Johnson se résume en quelques mots : « Je suis fiscalement conservateur et socialement libéral. »

KEVIN KOLCZYNSKI / REUTERS

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Convaincues que la cuisine est un moteur d’insertion, dix jeunes femmes ont garé leur camion-restaurant au camp de La Linière à Grande-Synthe. Au menu, des repas servis aux réfugiés et des cours de cuisine.

Les cuisinières du projet solidaire Le Recho prévoient de rester à La Linière jusqu’en septembre.

Si dans la « jungle » de Calais les échoppes illicites sont la cible de batailles judiciaires à répétition, le camp de La Linière à Grande-Synthe, dans le Nord, compte lui plusieurs structures de restauration bénévoles solides. Et cette semaine, avec le soutien des associations déjà sur place, c’est un camion restaurant – le premier aux normes humanitaires – qui vient de débouler, avec à son volant et ses fourneaux dix jeunes femmes radieuses et survoltées.

« Nous voulons ramener un peu de plaisir là où il n’est plus question que de survie. » Vanessa Krycève, initiatrice du projet

Le Recho (acronyme de « Refuge, Chaleur, Optimisme ») est une initiative solidaire qui, à l’heure de la crise migratoire, met du baume au cœur. Composée de cuisinières mais aussi de comédiennes et de communicantes passionnées de gastronomie, l’énergique petite clique a imaginé ce food truck pour « nourrir, créer du lien et favoriser l’insertion des réfugiés à travers des repas et des ateliers de cuisine ». « Nous voulons ramener un peu de plaisir là où il n’est plus question que de survie, explique Vanessa Krycève, l’initiatrice de ce projet novateur qui a vu le jour au printemps. La cuisine est un vecteur de lien social fort, tourné vers la vie et la communauté. C’est aussi un moteur d’insertion, puisque la restauration en France représente plus de 200 000 emplois, dont 34 000 à pourvoir en cuisine : autant de chances pour ces réfugiés de se construire un avenir ici. »

Nourrir, rassembler, former, leur ambition est vaste. La fine escouade envisage, dans les mois à venir, de circuler de la France à la Grèce, en passant par des camps en Belgique ou en Allemagne, en utilisant la popote comme outil et langue universelle. Après avoir réussi leur campagne de financement participatif (32 500 euros levés sur KissKissBankBank en juin et juillet), les voilà lancées.

« Ces filles m’ont ému par leur courage et leur sincérité, commente le chef Akrame Benallal qui a souhaité s’associer à cette entreprise. Elles n’ont aucun agenda politique ou commercial, elles font juste ça pour faire du bien. Et la cuisine, c’est l’un des meilleurs moyens pour oublier ses soucis, échanger des émotions, partager du bonheur. »

100 à 200 déjeuners par jour

Jusqu’à début septembre, le Recho fera donc la tambouille à La Linière, à raison de 100 à 200 déjeuners par jour. Légumes, céréales, graines, les chefs veulent une assiette « gourmande, vivante, variée, nutritive, végétarienne parce que c’est plus consensuel mais aussi plus éthique, moins cher et plus facile à stocker ».

Pour la chef Vanessa Krycève (de face),  les cours de cuisine peuvent aider les réfugiés à se reconstruire un avenir.

L’après-midi, la troupe animera des « ateliers de cuisines croisées » de 20 à 25 personnes, où les cultures et les origines se rencontreront et se mélangeront. L’objectif est de produire 400 repas du soir, autour de recettes kurdes, afghanes ou syriennes, selon les nationalités des participants. Le Recho a aussi sollicité l’aide des Incroyables Comestibles et du mouvement Colibris pour créer, sur le site, un jardin potager communautaire.

Vanessa Krycève et ses acolytes sont convaincues que, loin d’être superflue, la gastronomie est une nécessité pour réparer et redonner de la dignité aux individus qui ont tout perdu : « Quand tu pars en exil, que tu laisses derrière toi toute ta vie, qu’est-ce qu’il te reste ? Des souvenirs, des mémoires de goût, des recettes. Pour ces gens-là, la cuisine est peut-être le dernier refuge, mais aussi un tremplin vers le futur. »

Pour sa série « Concrete Cowboys », qu’on pourrait traduire par Macadam cowboys, ce photojournaliste installé à Philadelphie, en Pennsylvanie, a suivi la vie d’une petite écurie du quartier défavorisé de Southwest Philly. Son propriétaire Malik Divers, lui-même issu du quartier, recrute des jeunes en difficulté. Son pari : que les chevaux les aident à régler leurs problèmes et à trouver calme et sérénité. Plus qu’une occupation, une thérapie qui leur enseigne aussi éthique et sens des responsabilités.

Le travail de Charles Mostoller est publié par les plus grands journaux américains, du National Geographic au New York Times en passant par The Wall Street Journal. Le photographe s’intéresse particulièrement aux questions d’immigration et à l’Amérique latine.

Le 8 août 2016, dans une exceptionnelle allocution télévisée, le très populaire empereur du Japon Akihito a ouvert la voie à son abdication. D’autres, avant lui, ont cédé leur place, de gré ou de force.

L’empereur du Japon Akihito.

Août 2016 : la déclaration d’Akihito

Sur le trône depuis vingt-sept ans, le souverain japonais a, ces dernières années, surmonté une grippe, un pontage coronarien, une pneumonie et une tumeur à la prostate. Le 8 août, sans utiliser le mot « abdication » – la loi ne le permet pas encore –, Akihito, 82 ans, a annoncé à la télévision ne plus pouvoir assumer longtemps les devoirs liés à sa charge. Son fils Naruhito devrait donc lui succéder avant sa mort.

Juan Carlos Ier avec son fils Felipe et sa petite-fille la princesse Leonor, au palais de La Zarzuela à Madrid, le 2 juin 2014.

Juin 2014 : la partie de chasse de Juan Carlos Ier

A vouloir traquer l’éléphant du Botswana aux frais des contribuables étranglés par une lourde politique d’austérité, le roi d’Espagne Juan Carlos en vient à trébucher… et à chuter. Ebranlé à nouveau par l’affaire Nóos, qui révèle le détournement par la famille royale de 6,5 millions d’euros de fonds publics, il est contraint d’abdiquer à l’âge de 76 ans en faveur de son fils, le prince Felipe.

Albert II de Belgique.

Juillet 2013 : le flambeau d’Albert II

Au royaume des Belges, abdiquer est une affaire de famille. Critiqué pour son rôle trouble pendant la seconde guerre mondiale, Leopold III fut contraint, en 1951, de céder le pouvoir à son fils Baudouin. Puis, fatigué par ses vingt ans de règne, Albert II, décide à son tour « de passer le flambeau à la nouvelle génération ». La presse salue un règne « fort, courageux, chaleureux ».

L’émir du Qatar Hamad Ben Khalifa al-Thani, à Doha en mai 2013.

Juin 2013 : le devoir accompli de l’émir du Qatar

Il avait renversé son père pour accéder au pouvoir. Hamad Ben Khalifa Al-Thani, émir du Qatar depuis 1995, qui a modernisé son pays et créé la chaîne d’information Al-Jazira, jouissait d’une popularité inébranlable. En 2011, le « printemps arabe » ne l’a pas même effleuré. Deux ans plus tard, il se retire du pouvoir au profit de son fils, Tamim Ben Hamad.

Il conserve le titre d’« émir-père ».

Le roi Norodom Sihanouk et son fils Norodom Sihamoni, à Phnom Penh, le 20 octobre 2004.

Octobre 2004 : la retraite du roi du Cambodge

Couronné en 1941, Norodom Sihanouk a abdiqué plusieurs fois. D’abord en 1955, au profit de son père, afin d’intégrer le gouvernement. Destitué en 1970 par un régime proaméricain, il revient soutenir son pays en guerre. Libéré des Khmers rouges après quatre ans de captivité, l’« incoulable » remonte en 1993 sur le trône pour abdiquer pour de bon en 2004 au profit de son fils.

Rencontre avec Alé de Basseville, qui a vendu au « New York Post » d’anciens clichés nus de la femme du candidat républicain à la Maison Blanche.

Les clichés scandaleux du photographe français Alé de Basseville, publiés les 31 juillet et 1er août 2016 par le « New York Post ».

On ne pouvait pas le rater, ce 2 août, pic du creux de l’été, à cette terrasse parisienne peuplée de touristes. Bague à chaque doigt, cuissardes en cuir et catogan délavé, le photographe qui venait peut-être de fairebasculer la campagne présidentielle américaine était attablé là, au cœur du 6e arrondissement de Paris. Exceptionnellement dépourvu de kilt (le mois d’août, sans doute), Jarl Alexandre Alé de Basseville (dit Alé de Basseville) venait d’atterrir d’Albanie, où il réalisait un shooting photo pour un magazine des Balkans. Et d’atterrir tout court : la veille et le jour précédent, la publication de ses photos avait provoqué un séisme politico-people international. Pendant quarante-huit heures, son téléphone n’a cessé de sonner. SMS, appels, e-mails disaient : « Bravo », « Merci », « Félicitations », « Formidable »…

Les photos de Melania Trump nue, publiées deux jours d’affilée dans le New York Post, c’est lui. Les sous-titres ironiquement ravageurs jouaient leur rôle de cerise sur le gâteau : « Donald Trump pense qu’elle fera une très bonne première dame : voilà des raisons de le croire » ; ou encore : « Une potentielle future première dame comme vous ne l’avez jamais vue. »

Passés entre les filets du « vetting »

« Ça fait un an que l’idée de les publier tournait dans les magazines », confie-t-il. Mais en juillet, le New York Post a emporté la mise. Alé de Basseville jure qu’il n’a pas été payé plus que le minimum syndical, mais pour un « coup » pareil, difficile de croire que le quotidien américain friand de scoops n’a pas fait monter les enchères… Quelques jours plus tôt, le Français Jean-Yves Le Fur, à la tête du magazine Lui, s’était d’ailleurs vu refuser les photos : sa proposition financière n’était pas assez alléchante. « Ça m’a intéressé de les publier dans le New York Post, explique Alé de Basseville, parce qu’ils ont un lectorat très populaire qui ne peut pas connaître mon travail artistique. Surtout, ils sont très conservateurs, j’adorais l’idée », ajoute-t-il en souriant.

Alé de Basseville dans les années 1990, époque où il a photographié Melania Trump. Il évoluait dans le milieu de la mode et était alors marié avec le mannequin Inés Rivero.

Le 15 avril, en effet, le journal officialisait son soutien à Donald Trump. Trois mois

et demi plus tard, il ressort ces clichés plus que suggestifs apparemment passés entre les mailles des filets du vetting, cet examen minutieux réalisé par les équipes des candidats pour nettoyer tout ce qui est susceptible de perturber ou d’entacher la campagne de leur poulain.

Les clichés datent de 1995. A l’époque, Alé de Basseville a 25 ans, Melania aussi. Après avoir fait ses premières armes très jeune dans la peinture, ce Français grandi en Suisse s’est lancé, contre l’avis de sa famille, dans la photo. Il conçoit des séries remarquées pour le magazinePhoto, côtoie le monde de la mode et propose à Marc Dolisi (alors rédacteur en chef de l’édition française de Max) de faire revenir le roman-photo dans ses pages. Les clichés de Melania Trump sont issus d’une de ces séries, publiée dans Max en 1996. A l’époque, il shoote au Pentax 6X7 : de l’argentique, pas de Photoshop et des coûts élevés (film, développement).

« Melania était une inconnue, on l’a choisie sur un échantillon de cent femmes. » Alé de Basseville

La jeune femme qui enlace Melania Trump s’appelle Emma Eriksson. Elle est très connue. « Comme les mannequins Amber Valletta, Kate Moss, Inés Rivero », précise-t-il. Il en sait quelque chose, il a été marié à cette dernière, l’un des tops starisés des années 1990. A contrario, « Melania était une inconnue, on l’a choisie sur un échantillon de cent femmes. Elle allait bien avec Emma, ça faisait un choc culturel entre la Suédoise et la fille de l’Est ».

Pour cette séance de plus de six heures, il soutient que l’actuelle épouse de Trump n’a pas été payée. Quant au caractère lesbien de la photo, « l’idée vient entièrement de moi », précise Alé de Basseville. « Dans ma vie, j’ai eu beaucoup d’expériences avec deux filles, n’hésite-t-il pas à raconter. Et je recrée souvent ma vie personnelle dans mes photos. »

Original passé par la case prison

Le jour de la séance, il faisait – 10 degrés sur le toit de l’immeuble situé derrière Union Square, à New York. Vingt et un ans plus tard, il se souvient de la docilité des deux poseuses, de la maquilleuse qui passait sans cesse pour faire une retouche au pinceau sur les corps nus et de cette photo non publiée où Melania est fouettée par Emma. Toutes deux vêtues en John Galliano et Alexander McQueen.

Vingt et un ans plus tard, il n’est pas surpris non plus que la jeune femme se retrouve dans les magazines par d’autres biais que sa carrière. « Ce n’est pas étonnant. Toutes ces filles venaient de l’Est. Quels choix ont-elles à part se marier avec un type vieux et riche ? », ose cet aristo rebelle qui se dit membre fervent du mouvement punk.

La réaction de Trump évoquant une manipulation de Rupert Murdoch l’a fait sourire : « Je n’en sais rien. Mais là-bas, tous les coups sont permis », constate celui qui a été « résident mais pas citoyen américain » pendant près de quinze ans.

A 46 ans, cet original, passé par la case prison en 2007 pour trafic de drogue et blanchiment d’argent, s’amuse aujourd’hui à « tacler tout le monde ». Retiré de la photo de mode, revenu en France, il se dit aujourd’hui très mal à l’aise avec le fait que les femmes soient utilisées « comme des trophées ». Une déclaration qui ne manque pas d’ironie dans la bouche de celui qui vient d’offrir un scandale de plus au palmarès de Donald Trump.

Lire aussi : Bill Clinton versus Melania Trump

Série « Concerts mythiques » (4/6). Le 6 juin 1987, le rocker rassemble 60 000 personnes à Berlin-Ouest.

David Bowie devant le Mur de Berlin, en 1987.

A quoi pense Bowie, qui déambule déjà dans Berlin ? Il joue le 6 juin. Est arrivé le 3, au lendemain de son concert en Belgique. Rarement les tournées mondiales de pop star laissent autant de jours libres d’affilée entre deux dates. Mais cette fois, il a du temps. Peut-être parce que c’est Berlin. Dix ans plus tôt, il a vécu ici avec Iggy Pop, deux années devenues mythiques, pour lui, pour la musique et pour la ville. Sur le Mur, un discret graffiti proclame : « Berlin Ost. KZ – Berlin West : Bonnie’s Ranch. » (Berlin-Est. Camp de concentration Berlin-Ouest : maison de fous). Tout est dit.

Mais en cette année 1987, on n’entend plus que les gros sabots de l’Histoire, les discours officiels et bipolaires du socialisme en marche et du monde libre. Berlin fête ses 750 ans, c’est la concurrence des célébrations, le face-à-face des modèles. Devant le Reichstag, à l’Ouest, une immense scène est en construction. Concert for Berlin aura lieu les 6, 7 et 8 juin. Le soft power anglo-saxon, que les instances dirigeantes de l’Est appellent avec mépris et appréhension le « yeah yeah yeah », est à l’œuvre. C’est pour ça qu’il est là, Bowie.

La ville des gens fous

Il revient sur ses pas. Il frappe à la porte de son ancien appartement, dans le quartier de Schöneberg, au premier étage du 155 Hauptstrasse. Des jeunes vivent là en communauté. Ils savent qui les a précédés. Quel choc lorsqu’ils ouvrent ! Bowie, en chair et en os, veut revoir les lieux. Il passe ensuite probablement au Neues Ufer, au 157 de la même rue, le premier bar gay à avoir eu pignon sur rue à Berlin. Il y prenait chaque jour son café et payait les réparations quand une bande d’homophobes venait casser la vitrine. Le bar est encore là, vitres aussi intactes que le souvenir qu’il a laissé. Berlin-Ouest est en plein ravalement de façades.

Dix ans plus tôt, la ville laissait encore voir les béances et les impacts des balles de la seconde guerre mondiale. Elle était d’une noirceur fascinante, balafrée d’une dualité unique. Elle était une poche frondeuse, aux libertés et aux folies d’autant plus exacerbées qu’elle était cernée par la dictature. Elle offrait des squats dans des appartements magnifiques, vastes et froids, des clubs qui promettaient des nuits sans fin. Elle vivait loin de Bonn, alors capitale, loin du terrorisme de la Fraction armée rouge. Elle disait autrement sa haine du passé et sa peur de l’avenir. Découpée en zones anglaise, française et américaine.

« Bowie, ici, s’éloignait de son personnage, pouvait aller au supermarché, prendre le métro. Tout le monde savait qui il était, mais on ne le traitait pas en star »

Mark Reeder, Britannique installé à Berlin

Mark Reeder, arrivé de Manchester en 1978 et jamais reparti, raconte « la ville des gens fous. On y croisait de vieilles femmes étranges, des Traumafrauen qui avaient été violées à la fin de la guerre, de jeunes Allemands qui venaient à Berlin parce qu’on y était exemptés du service militaire, des artistes, des gays, des immigrés turcs. Bowie, ici, s’éloignait de son personnage, se laissait pousser la moustache, pouvait aller au supermarché, prendre le métro. Tout le monde savait qui il était, mais on ne le traitait pas en star, tout le monde était artiste. Ici, onvenait chercher qui on était ».

Fil tendu entre deux périodes

Knut Hoffmeister avait 20 ans, l’âge où son père s’engagea dans les rangs nazis. Il venait de Hanovre, conduisait comme tant d’autres un taxi pour financer ses films underground. Chaque soir, il sortait au Dschungel. Il y croisait Bowie, qui passa une nuit avec son ex – « J’étais très fier qu’il passe après » –, mais il préférait rouler des joints avec Iggy. « Un copain fournissait de l’herbe à un soldat américain chargé d’écouter les Russes. Les soldats anglais étaient saouls très tôt. C’était cool. » Bowie disait avoir connu ici un grand sentiment de libération et de guérison.

En 1987, David Bowie a adopté les codes de la pop et du spectacle. Ici, son entrée en scène, en costume, le 6 juin 1987.

Est-il nostalgique, en ce mois de juin 1987 ? Peut-être pas. Il a survécu aux transgressions et aux drogues, il va se marier, effacer sa bisexualité et déclarera bientôt : « Je ne suis pas tout à fait convaincu, finalement, que ce soit si facile de se comporter en héros. » Etrange fil tendu entre deux périodes, la meilleure et la pire, dirait-on aujourd’hui. Son dernier album, Glass Spider, s’est fait laminer par la critique. Ex-figure de l’underground, il est désormais dans les bagages de la normalisation. Bientôt, il dansera sur la grande scène. Comme un prélude au discours de Ronald Reagan, qui viendra six jours plus tard réclamer la chute du Mur, sûr que l’Allemagne tombera dans l’escarcelle américaine.

La jeunesse en colère

Mais Berlin la frondeuse bouge encore un peu. C’est le « Honkel Sommer ». Honkel est une référence au bruit des pierres contre une surface de métal, un résumé du ferment chaotique de Berlin-Ouest, sa créativité, les affrontements de la jeunesse alternative avec la police. Quelques semaines plus tôt, le 1er-Mai, un supermarché a brûlé.

En ce mois de juin, à l’angle de Kurfürstendamm et de Joachimsthaler Platz, parmi les sculptures installées pour les célébrations, on peut voir l’œuvre du Berlinois Olaf Metzel, un enchevêtrement de grilles et de barrières de contrôle dont se sert la police. Au sommet, un chariot de supermarché – la société de consommation repose elle aussi sur un socle policier. L’œuvre s’appelle 13.4.1981, en souvenir de manifestations violentes à cet endroit. Le maire chrétien-démocrate l’a décrite comme un tas d’ordures et demandé son retrait rapide. Bowie ne l’a peut-être pas vue.

En juin 1987, Bowie, qui a vécu à Berlin en 1977, retrouve, au Meistersaal, salle de concert historique (baptisée "The big hall by the wall"), Eduard Meyer, ingénieur du son avec qui il avait enregistré  « Low » et « Heroes ».

Le lendemain, jeudi 4 juin, il a réservé un studio pour la journée. Le Hansa Studio 2, au Meistersaal, 38 Köthener Strasse. Il revient donc là où, en 1976 et 1977, il enregistra Low et Heroes, tandis qu’Iggy Pop composait The Idiot. Tout a changé, a été rénové. Tant de groupes sont venus ici dans leur sillage que l’argent a coulé à flots. Désormais, ça se passe dans les étages, dans un vrai studio aux normes, et non dans l’ancienne salle de bal des SS, qui offrait une si belle réverbération. Seul l’ingénieur du son, Eduard Meyer, n’a pas bougé. « Le titre à enregistrer était Time Will Crawl.Nous étions surpris, puisque la chanson figurait sur l’album. David avait réservé le studio demanière très formelle, nous avons donc travaillé avec les musiciens pour obtenir un son fantastique. En début d’après-midi, David est venu me dire que lui ne chanterait pas et que toute cette session était bidon. Les syndicats britanniques exigent que les musiciens soient occupés au moins un jour si deux dates d’une tournée sont trop éloignées. » Pèlerinage pour cause syndicale, donc.

« J’ai beaucoup parlé avec des jeunes de l’autre côté, hier. Je crois qu’ils vont venir ce soir »

David Bowie, le 6 juin 1987

Le vendredi, David Bowie passe à l’Est avec les facilités d’un citoyen britannique qui n’a qu’à se présenter au check point Charlie. Il retrouve là des connaissances qui lui font visiter la ville. La Stasi est sur leurs talons. Avant même son arrivée à Berlin, dès le 2 juin, sa venue a fait l’objet d’un rapport alarmiste : « Beaucoup de jeunes vont se rassembler dans la capitale pour éventuellement écouter une partie du concert. »

Quelques amplis orientés vers le Mur

Le jour du concert arrive. Devant les caméras de télévision ouest-allemandes, Bowie confirme les angoisses de la Stasi : « J’ai beaucoup parlé avec des jeunes de l’autre côté, hier. Je crois qu’ils vont venir ce soir. » Dans un long manteau noir ceinturé, il rejoint la scène pour faire les balances. Il est détendu, enchaîne trois chansons. Une brise fait onduler les bâches noires tendues en fond de scène. Le vent pourrait être favorable, souffler vers l’Est. David Bowie demande que l’on oriente quelques amplis vers le Mur.

Il y a un moment que la musique joue le saute-ruisseau avec le rideau de fer. La jeunesse est-allemande a toujours eu interdiction de porter des jeans à l’école et peut se faire arrêter et raser la tête par la police si elle a les cheveux longs. Mais elle a une arme : la radiocassette. Tout se copie, à défaut d’être autorisé. « Quand j’achetais un disque, ce n’était pas que pour moi, je savais que je le transférerais sur cassette. Je devais les aider, leur donner ce qu’ils n’avaient pas », se souvient Mark Reeder. Britannique, il passe facilement à l’Est. Il distribue les cassettes, les dépose dans les clubs clandestins, organise même un concert illégal du groupe Die Toten Hosen dans une église. Il retrouvera tous ses faits et gestes dans les archives de la Stasi, qui a parmi les punks quelques recrues. Toute musique est suspecte, même celle qui hurle la misère du capitalisme. Elle sème trop de colère.

« Dans une dictature, au plus tard à partir de la deuxième génération, une danse populaire peut devenir plus dangereuse pour le régime qu’un nouveau parti révolutionnaire », prédisait l’écrivain allemand Ernst Jünger.

« Le 6.06.1987, il se produisit un attroupement important de jeunes à l’allure décadente. Les personnes suivaient la retransmission en live des médias de masse de l’Ouest »

Extrait d’un rapport de la Stasi

Quelques notes suffisent. « Je me souviens, au début des années 1980, je suis allé m’asseoir à l’arrière du Reichstag, il faisait nuit, raconte Knut Hoffmeister. De l’autre côté du Mur, il y avait une école de musique, une fenêtre ouverte où je voyais une jolie fille jouer du violon. Le son venait vers moi, c’était si spécial, je me sentais bizarre. Il y avait ce Mur, elle était magnifique, je pouvais la voir, elle ressemblait à Brigitte Bardot. »

Belle histoire aussi que celle d’Eduard Meyer, la première fois qu’il se retrouve avec Bowie en 1976, à travailler sur Low. Il fait nuit, là encore. Le Mur serpente au pied de l’immeuble. La console est devant la fenêtre, l’ingénieur a devant lui le mirador de Potsdamer Platz. Sous les yeux ébahis de Bowie, il agite une lampe. C’est un signal envoyé au veilleur du Mur. Ça veut dire : « On va travailler tard. »

De l’autre côté de la porte de Brandebourg, la police est-allemande interdit aux quelques centaines de personnes présentes de s’approcher du Mur.

Eduard Meyer ne s’est pas rendu au concert. Knut Hoffmeister non plus. Mark Reeder en a fait une affaire de principe. « Je ne voulais pas le voir en costume chanterLet’s Dance. » Une autre époque avait commencé. New Model Army et Nina Hagen lancent le show. Puis, sur les coups de 22 heures, dans un costume croisé rouge, assis dans un fauteuil, David Bowie descend du ciel. 60 000 personnes se massent devant le Reichstag. Ils ont payé 50 Deutsche Mark (25 euros) pour les trois jours de concerts. Peter Frampton est à la guitare. Tout est parfaitement huilé. Grand-messe pop d’alors, avec trop d’effets, trop de décors, de danseurs, de choristes. C’est de l’autre côté que le spectacle commence.

Les camions de l’armée tentent de couvrir la musique

Ils ne sont pas si nombreux à approcher sur Unter den Linden. Une grosse centaine de lycéens, d’étudiants ou de jeunes travailleurs. Ils n’obéissent à aucun mot d’ordre. Aucun intellectuel, aucun mouvement n’est à leur tête. Ils veulent simplement écouter. La Stasi fait son rapport :

« Le 6.06.1987, dans la période comprise entre 19 heures et 22 heures, il se produisit un attroupement important de jeunes à l’allure décadente dans le secteur de la Hermann-Matern-Strasse/Viadukt à Berlin-Mitte. Les personnes transportaient pour certaines des postes de radio et suivaient la retransmission en live des médias de masse de l’Ouest. La musique en provenance de la scène à Berlin (Ouest) était audible dans cette zone. Vers 19 heures, le regroupement avait atteint une taille d’environ 250-300 personnes. »

Certains ont escaladé les toits des ruines industrielles au bord de la Spree, mais la police antiémeute est rapidement venue les déloger. Thomas Martin a 23 ans, il est technicien au Deutsches Theater.

« Comme tout le monde, j’avais entendu parler de ce concert à l’Ouest. Alors avec deux amis, on avait décidé de monter sur le toit du théâtre ; de là-haut, on voyait bien le Reichstag. Je n’avais pas de fascination particulière pour la pop ou Bowie. L’intérêt venait du fait que c’était interdit, inaccessible. La Lune ou le Reichstag, c’était la même chose ! »

Devant le Reichstag, le concert de Bowie rassemble des dizaines de milliers de spectateurs côté Ouest.

Ils montent sur le toit tandis que la police s’emploie à bloquer les rues et intensifie les contrôles d’identité. Bientôt, les agents en faction sur Albrechtstrasse, devant l’ambassade de Yougoslavie, les repèrent. « Ils ont braqué leurs lampes vers nous, ont sorti leur porte-voix et ont crié de descendre. Ce qu’on a finipar faire. Ce concert, ce n’était pas grand-chose, mais par l’ampleur de leur réaction, ils reconnaissaient qu’ils étaient débordés. »

Les images montrent des vestes en jean, des crêtes punk, des minivagues dans les cheveux des filles. Ils sont nés après la construction du Mur et ressemblent à ceux de l’autre côté. Ils bougent et dansent sur Virchowstrasse. Ils allument leurs briquets sur certaines chansons. Entendent-ils Bowie saluer en allemand ceux qui sont « auf der anderen Seite » (de l’autre côté) ? Les camions de l’armée laissent tourner leur moteur pour couvrir la musique. Mais le vent pousse les accords et les mots de Heroes, qui franchissent par bribes le Mur le long duquel ils ont été composés : « Oh nous pouvons être des héros, le temps d’une journée. »

La chute du Mur ? Impensable

C’est ça. Juste un jour, un soir comme ce soir. Il n’y a pas de revendication politique. Que du plaisir. Un des participants dira dans les journaux : « Je voulais une fois dans ma vie être le plus près possible des rock stars, peut-être que ça n’arriverait plus jamais. » Personne ne pense que le Mur va bientôt tomber. Vraiment personne.

La police pousse et repousse, alors c’est la spirale, bousculades, sifflets, huées et interpellations. Le jeune Thilo Schmied n’a que 13 ans, il a découvert Bowie avec Ashes to Ashes. Il est fan, il court :

« Tout le quartier était bouclé quand nous sommes arrivés. Nous n’avons pas insisté, nous n’avions que 13 ans, nous avions peur de la police et de la Stasi. »

Le jeune refoulé est aujourd’hui le meilleur connaisseur des années berlinoises de Bowie. Il propose des Music Tours, qui passent par Hauptstrasse et les studios Hansa. Mais il veille à ce que la légende ne déborde pas trop. « Attention, les gens à l’Est n’ont pas chanté Heroes, ils ont fini par chanter l’Internationale. » En bon enfant de la RDA, il corrige les légendes occidentales.

Le lendemain du concert, encouragés par la rumeur, de plus en plus de jeunes Est-Allemands se pressent pour venir écouter Genesis.

Le concert de Bowie s’est terminé dans le calme des deux côtés. Le lendemain, Bruce Hornsby puis Eurythmics sont sur scène. A l’Est, attirés par les récits de la veille, ils sont plus de mille à se rassembler, bien qu’il y ait eu dans l’après-midi un contrôle massif des papiers. Noms et adresses sont notés. La police repousse la foule, elle extrait des jeunes, les traîne jusqu’aux camions. Les coups pleuvent. Les chiens policiers aboient.

Et l’on entend un cri que l’on n’entendait pas le samedi soir : « Gorbi ! Gorbi ! » Les enfants de l’Est en appellent à Moscou, où Gorbatchev a lancé la perestroïka. Au troisième jour, c’est l’escalade. Les plus âgés rejoignent les 14-20 ans, entre la Friedrich-strasse et la porte de Brandebourg. « Le Mur doit tomber ! » crient-ils. La police antiémeute patrouille. Les canons à eau sont sortis. De l’autre côté du Mur, c’est au tour de Genesis de jouer. Et c’est maintenant qu’à l’Est on entonne l’Internationale, chant de colère d’un peuple contre ses dictateurs.

Quelques mois plus tard, Bob Dylan vient chanter de ce côté-là, au Treptower Park. L’année d’après, c’est Bruce Springsteen. Des foules immenses. Le régime a changé de stratégie, et a capitulé devant le « yeah yeah yeah ». Trop tard. Le Mur tombe en novembre 1989.

David Bowie lors concert du 6 juin 1987 à Berlin Ouest.

Il est écrit « OST » en grosses lettres sur le toit de la Volksbühne, grand théâtre de l’Est dont Thomas Martin est devenu le dramaturge en chef. « Pour ne pas oublier d’où l’on vient. Il y a eu un rêve, qui n’a rien à voir avec la société dans laquelle on vit aujourd’hui, un rêve d’une société alternative. Nous aurions voulu que l’Ouest ne mange pas l’Est, qu’on invente quelque chose. » Il y a eu un rêve alternatif aussi à Berlin-Ouest. Disparu, comme Bowie. Une plaque sera officiellement posée cet été au 155 Hauptstrasse. La première version a été recalée. Quelques lignes trop plates. Comment résumer cette histoire-là ?

Le 11 janvier 2016, lendemain de la mort du chanteur, un tweet du ministère des affaires étrangères allemand le remercie d’avoir « aidé à abattre le Mur » : « Good-bye, David Bowie. You are now among #Heroes.Thank you for helping to bring down the #wall. #RIPDavidBowie »

Good-bye, David Bowie. You are now among #Heroes. Thank you for helping to bring down the #wall. https://t.co/soaOUWiyVl#RIPDavidBowie

— GermanForeignOffice (@GermanyDiplo) 11 janvier 2016