L’ENFANCE. Sadiq, ici en 1972, à 2 ans (pantalon jaune), est le premier de ses frères et sœur à naître à Londres. Il a grandi dans une cité HLM du quartier populaire de Tooting, dans la banlieue sud de la capitale britannique.
Après le paquet neutre et les prix prohibitifs, le gouvernement australien veut interdire la vente de tabac aux personnes nées après 2001.
L’Australie, l’un des pays les plus antitabac au monde, sait se montrer innovant dans sa lutte contre la cigarette. Le paquet neutre, qui arrive tout juste en France, y est apparu fin 2012. Dans les magasins, les cigarettes sont cachées derrière le comptoir du vendeur, enfermées dans un placard où figure le message : « Fumer tue » ou « Arrêtez de fumer ». Le prix : 26,50 dollars australiens (16,76 euros) pour l’une des marques les plus achetées dans le monde. Et le paquet, couleur kaki, est couvert d’images chocs de personnes gravement malades à cause du tabac.
Mais l’Australie ne va pas s’arrêter en si bon chemin. En mai, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour les fumeurs invétérés. Cela a démarré avec la présentation du budget 2016-2017, dont l’une des mesures fortes vise la consommation de tabac. A partir de septembre 2017, chaque année, pendant quatre ans, le prix des paquets de cigarettes augmentera de 12,5 %. Il s’élèvera à près de 27 euros en 2020. Autre mesure restrictive : les fumeurs devront renoncer aux cartouches détaxées des aéroports ou rapportées de l’étranger : seulement 25 cigarettes par voyageur, contre 50 jusqu’ici, sont désormais autorisées par voyageur. Et le gouvernement va augmenter les moyens consacrés à la lutte contre le trafic. Ces mesures devraient rapporter 4,7 milliards de dollars australiens (3 milliards d’euros) à l’Etat.
La longue liste des lieux sans tabac
Le Queensland, dans le nord-est du pays, où environ 3 700 personnes meurent chaque année à cause du tabac, enfonce le clou. « Peut-être qu’un jour, il n’y aura plus de fumée dans notre Etat », s’est récemment pris à rêver Mark McArdle, chargé des questions de santé dans l’opposition libérale. Le 16 mai, le président de l’influente ONG Cancer Council Queensland, Jeff Dunn, a proposé d’interdire la vente de cigarettes aux personnes nées après 2001. « Cela voudrait dire que les jeunes de 15 ans n’auront jamais le droit de fumer », a-t-il expliqué.
Le ministre de la santé de l’Etat, le travailliste Cameron Dick, réfléchirait à cette proposition. Il a fait déjà voter en février une loi renforçant considérablement la lutte contre le tabac. Ainsi est-il désormais interdit de vendre des cigarettes dans les festivals, de fumer aux arrêts de bus, de taxi, à proximité des zones réservées aux enfants, dans des rues piétonnières, dans les zones de restauration, etc. Il a même été question d’inclure les balcons privatifs, mais la mesure a été abandonnée, certains dénonçant une atteinte aux libertés individuelles. Cameron Dick s’est félicité mi-mai : « Fumer est clairement devenu socialement inacceptable dans le Queensland. »
Lire aussi :Le paquet de tabac neutre est-il efficace ? Le cas de l’Australie
Les autres Etats ne sont pas en reste. Le Victoria, où est situé Melbourne, allonge régulièrement la liste des lieux sans tabac. La Tasmanie vient de proposer l’interdiction de fumer jusqu’à l’âge de 21, voire 25 ans. En Nouvelle-Galles du Sud, allumer une cigarette sur une plage de Sydney, c’est s’exposer à une amende de 110 dollars (71 euros).
Toutes ces mesures seraient efficaces à en croire les chiffres du gouvernement : en 1993, 25 % des personnes de plus de 14 ans fumaient, et elles n’étaient plus que 12,8 % en 2013. Et si un tiers des Aborigènes continuent de fumer, la tendance est là aussi à la baisse. Pour la renforcer, l’actuelle campagne antitabac diffusée à la télévision et à la radio s’adresse spécialement à cette communauté.
Il y a une vingtaine d’années, au début de sa carrière, Mads Mikkelsen, encore inconnu, arpentait la Croisette. Ce n’était pas encore le Cannes du tapis rouge, mais celui du Marché du film. L’acteur danois venait chercher des financements, avec le réalisateur Nicolas Winding Refn, qui lui avait donné son premier rôle, à 30 ans, dans Pusher. Avant cela, Mikkelsen, qui n’avait pas l’ambition de devenir acteur, adorait le sport et était danseur. Seize ans après Pusher, en 2012, il recevait le Prix d’interprétation masculine pour son rôle d’un présumé pédophile dans La Chasse, de Thomas Vinterberg.
Cette année, au sein du jury présidé par George Miller, c’était à son tour d’honorer ceux et celles qui font le cinéma. « C’est un grand honneur, commentait l’acteur entre deux montées des marches, parce que cela signifie que je représente quelque chose pour ce festival, qui est la plus grande déclaration d’amour au cinéma du monde. » Il assume très simplement ce besoin de reconnaissance auquel le milieu et le Festival ont si ardemment répondu : « Je pense que c’est la même chose pour tous ceux qui travaillent dans l’industrie du cinéma. Au plus profond de nous-mêmes, nous sommes tous des enfants qui veulent être aimés. »
Au milieu des festivités et de leur décorum, il est cocasse d’évoquer avec lui la sortie française de Men & Chicken, d’Anders Thomas Jensen. Affublé d’un bec-de-lièvre et d’une grosse moustache, il interprète dans cette comédie noire déjantée un inadapté social qui se découvre une fratrie tout aussi fantasque : un rôle à rebours du glamour et des paillettes cannoises.
La bande-annonce de « Men & Chicken »
Il a tourné quatre films sous la direction de ce cinéaste − comme sous celle de Nicolas Winding Refn. S’il apprécie ces collaborations au long cours, c’est parce que la confiance établie autorise une plus grande audace : « Il y a un risque bien sûr, résume-t-il, celui de devenir paresseux et de refaire les mêmes choses. Mais c’est aussi l’occasion d’être plus courageux. »
Lire aussi : Nicolas Winding Refn, de « Drive » aux affiches de séries B
Il en faut, du courage, pour aller aussi loin dans le grotesque avec Men & Chicken. Bien que désireux de plaire, l’acteur n’a jamais été freiné par la peur du ridicule ou des extrêmes. La grande violence et les transformations physiques – qui vont souvent de pair, comme chez Nicolas Winding Refn, qui lui avait enlevé un œil dansLe Guerrier silencieux– ne l’intimident pas non plus.
Mads Mikkelsen se dit « peu soucieux de sa carrière ». Il avance au coup de cœur, un projet après l’autre et, lorsqu’il est séduit, se laisse emporter fougueusement, sans trop chercher à anticiper l’expérience. Il n’est pas de ceux qui passent troismois dans les bibliothèques avant chaque rôle : « La vérité d’un personnage est ailleurs que dans les livres », explique-t-il.
Pour jouer Igor Stravinsky, dans Coco Chanel & Igor Stravinsky, de Jan Kounen (2009), il raconte avoir renoncé à lire, notamment les livres de Stravinsky lui-même, parce « qu’il n’y parlait que de lui. Il s’aimait manifestement beaucoup… Alors j’ai simplement écouté sa musique, en permanence, en me disant que lui était là, quelque part. J’y ai trouvé quelque chose de très radical et de très structuré en même temps, et c’est cette combinaison qui m’a inspiré ».
Figure familière du cinéma européen, très fidèle à celui de ses compatriotes danois, Mads Mikkelsen ne joue cependant pas qu’à domicile. Depuis son interprétation du malfaisant Le Chiffre dans Casino Royale, il s’est vu ouvrir les portes d’Hollywood, et ne s’est pas privé de les franchir. Entre le cinéma d’auteur européen et les blockbusters, pourquoi lui faudrait-il choisir ? « Il n’y a rien de schizophrène à aller de l’un à l’autre, explique-t-il. Je crois que ce sont surtout les Européens qui ont un problème avec ça. Peut-être parce qu’ils ont tendance à se considérer comme ceux qui font les “vrais” films… »
La bande-annonce de « Casino Royale »
A Hollywood, où son visage taillé à la serpe lui offre des rôles de grands méchants, il s’en donne à cœur joie : il combattra ainsi dès le 26 octobre le célèbre Docteur Strange, de Marvel, dans le film du même nom. Il fait également partie du casting de Rogue One : A Star Wars Story, dérivé de la saga Star Wars, en salles le 16 décembre.
De ses rôles de méchants de grands spectacles aux héros plus complexes du cinéma d’auteur (ou de la télévision : il a joué Hannibal Lecter pendant trois ans dans la série « Hannibal »), il parle avec le même enthousiasme enjoué. Et avec une lueur presque enfantine dans le regard qui laisse deviner le gamin désireux d’être aimé. Un gamin de 50 ans qui garde dans sa malle aux trésors un trophée cannois aux allures de talisman, les jours de pluie : « Je sais exactement où il se trouve. Si quelque chose ne se passe pas bien, ou si je suis déprimé, je le regarde et je me dis : “Ce jour-là au moins, j’ai été bon.” »
« Men & Chicken », film d’Anders Thomas Jensen, avec Mads Mikkelsen, Nikolaj Lie Kaas, David Dencik, Nicolas Bro. En salles. 1 h 44.
Lire aussi : « Men and Chicken » : du singe vers l’homme, et retour
Le Monde | 26.05.2016 à 09h57 |Par Erwan Bruckert
Cet ancien de Canal+, devenu directeur général adjoint chargé des contenus de la Une, sait booster les audiences. Dernier fait d’armes : le débauchage de Yann Barthès.
Homme de chiffres
Né en 1966, Ara Aprikian est diplômé de l’Ecole nationale de statistique et de l’administration économique ainsi que de Sciences Po Paris. Son entrée dans le monde des médias se fait par le marketing et les chiffres : il débute en 1990 comme chargé d’études au sein de la centrale d’achat d’espaces publicitaires chez Horizon Media, puis poursuit sa carrière chez Médiamétrie en 1993. Il entre en 1995 dans le groupe TF1 au sein de la direction du marketing.
Patron du clair
En septembre 2012, il est nommé directeur général adjoint de Canal+, chargé des tranches en clair et des chaînes D8, D17 et iTélé. Son premier défi est de moderniser D8, en créant sept heures de programmes inédits par jour, autour, notamment, de Laurence Ferrari et de Guy Lagache. Pari réussi : un an seulement après son lancement, la chaîne est la plus regardée de la TNT, devant TMC.
Faiseur de roi
Parmi ses faits d’armes dans le groupe Canal+, un coup de maître : avoir débauché Cyril Hanouna de France 4 et installé son émission hebdomadaire « Touche pas à mon poste » en quotidienne sur D8. Le succès est immédiat. Le programme fait un carton, dépassant régulièrement les 1,5 million de téléspectateurs depuis fin 2014. Hanouna devient ainsi la star du PAF.
As des transferts
Il n’a pas survécu à la mainmise de Vincent Bolloré sur le groupe Canal+ et a quitté ses fonctions en juillet 2015. Sept mois plus tard, le nouveau patron de TF1 l’installe au poste de directeur général adjoint chargé des contenus. Pour la prochaine rentrée télévisuelle, l’architecte des programmes débauche de nouvelles têtes… chez Canal+ : des pointures médiatiques, comme le commentateur sportif Grégoire Margotton ou le très populaire Yann Barthès, auquel il offre une case quotidienne sur TMC, face à « Touche pas à mon poste ». Vous avez dit vengeance ?
Lire aussi : Yann Barthès, Yves Calvi… les jolis coups de TF1
- Erwan Bruckert
Journaliste au Monde
Le Voyage à Nantes, série d’événements culturels dans la métropole de Loire-Atlantique, cultive son Potager de la Cantine : une agriculture bio destinée à nourrir 500 personnes par jour.
Evénement culturel protéiforme,Le Voyage à Nantes déplace les foules tous les étés depuis 2012. Land art, installations durables ou éphémères, parcours urbains décalés, opérations de végétalisation débridées, happenings culinaires, chaque édition apporte son lot de nouveautés au cœur de la métropole de Loire-Atlantique.
Cette année, Le Voyage à Nantes ou VAN (dont le lancement officiel est prévu le 1er juillet) a déjà démarré avec la réouverture de La Cantine du Voyage, haut lieu de cuisine populaire implanté sur les anciens docks de l’île de Nantes depuis quatre ans, mais aussi avec la création d’une vaste annexe potagère.
Lutter contre « l’hostilité urbaine »
Erigé sur un grand carré de bitume nu, Le Potager de la Cantine du Voyage a été inauguré début mai, lors d’un raout où se sont rassemblés près d’une dizaine de milliers de Nantais, jusque tard dans la nuit. Conçu par l’agriculteur Olivier Durand, l’architecte Etienne Péneau et le patron de la Cantine Philippe Clément, conjointement à l’équipe technique du Voyage à Nantes, ce singulier jardin fait le pari de « transformer l’hostilité urbaine en île végétale au cœur de la ville ».
900 m2 d’emprise au sol, 650 m2 de surfaces cultivées, 2 230 palettes transformées en bacs et plateformes, un chantier zéro déchet (les chutes de palettes ayant été utilisées comme porte-pots) et une masse de pousses de salades, radis, concombres, courgettes, tomates, fraises et herbes aromatiques, dont huit variétés de menthe et douze basilics différents, cultivés sans aucun traitement : pensé comme un outil nourricier et agronomique tout autant que pédagogique, ce potager moderne, ouvert au public, veut faire figure d’exemple, puisqu’il s’agit ici de nourrir les foules, et non quelques privilégiés gastronomes.
Tous les légumes produits sont destinés à composer l’entrée de La Cantine, qui propose, 7 jours sur 7, un menu à 10 € le midi et à 13 € le soir (entrée + plat du jour) – soit près de 500 couverts au quotidien, et plus de 75 000 couverts par saison. Une cuisine simple, saine et bon marché, directement reliée à l’histoire du maraîchage nantais.
« Mon idée et mon souhait, explique Olivier Durand, c’est de prouver que l’on peut produire de très bons aliments, en grand volume, sur des surfaces réduites, et à moindre coût. » Reconnu pour la qualité de ses légumes (qu’il cultive par ailleurs en périphérie de Nantes depuis six ans), l’agriculteur sait associer les traditionnelles techniques maraîchères de sa région à des pratiques découvertes lors de ses multiples voyages.
Avec ce nouveau défi, il entend prouver la nécessité et la viabilité de l’agriculture urbaine à grande échelle. « Je rêve de faire revenir les agriculteurs au cœur de la ville, poursuit-il. C’est la manière la plus directe et efficace de nourrir les populations, mais aussi une façon de réinventer nos métiers de paysans, en les insérant dans l’effervescence urbaine et plus dans la solitude du champ. J’aimerais, à Nantes et ailleurs, qu’il ne s’agisse plus seulement de créer de jolis projets de paysagistes, mais de faire vivre les producteurs comme les consommateurs. » Et même si Le Potager de la Cantine est censé disparaître quand le restaurant refermera ses portes, en octobre prochain, Olivier Durand a déjà mille autres idées pour poursuivre son doux rêve vert.
Le Voyage à Nantes, du 1er juillet au 28 août 2016. www.levoyageanantes.fr
Amateur de « short stories », le réalisateur américain a fait venir à Los Angeles une machine qui en distribue. Un coup de projecteur pour la start-up française qui l’a mise au point.
Alors que d’autres figures du cinéma sont à Cannes, Francis Ford Coppola fait la promotion de la littérature à San Francisco, au Cafe Zoetrope, son restaurant de North Beach, le quartier italien. Cette brasserie très parisienne, aux rideaux de velours rouge, est située au rez-de-chaussée du Sentinel Building, bâtiment au nez pointu et à la façade de cuivre datant de 1907. Dans ce « Flatiron de San Francisco », que le cinéaste a racheté au début des années 1970, il a installé le siège d’American Zoetrope, son studio de production, et tout en haut, son bureau.
Le cinéaste féru des formats courts
Ce 10 mai, les convives dînent joyeusement. Parmi eux, Willie Brown, ancien maire de la ville, attablé sous une grande affiche des Vacances de Monsieur Hulot. Coppola n’est cette fois pas assis dans l’alcôve décorée de menus artistiquement gribouillés qui lui est habituellement réservée, mais sur une banquette, près de l’entrée. Un dîneur parmi d’autres… ou presque. L’assemblée fête la sortie du dernier numéro de Zoetrope : All-Story, un magazine trimestriel de nouvelles. Le réalisateur aime les short stories, un genre, dit-il, qui lui rappelle le cinéma. Comme les films, les histoires courtes se consomment d’une traite. Le personnage central, ce soir, n’est pas l’auteur du Parrain mais une machine.
Cette borne cylindrique terminée par une dalle de bois laquée de verre est un distributeur automatique de nouvelles, connecté à Internet. L’appareil est arrivé de France quelques jours plus tôt. Coppola a insisté pour la placer au centre du café, devant le bar. Avec ses lumières, elle exerce un attrait mystérieux. Les convives hésitent avant d’appuyer sur le bouton à options. Veulent-ils lire pendant une minute ? Trois ? Cinq ? Une fois qu’ils ont décidé, le distributeur leur livre un texte sur un petit rouleau de papier. Format facturette allongée.
« Quelle bonne idée ! Retourner à l’analogique, c’est si rafraîchissant », commente Sam Johnson, un jeune designer « tombé » sur The one who was bored (« celui qui s’ennuyait »), de Sarah Beaulieu. Casson Kauffman, plasticienne, apprécie que la machine délivre les textes de manière aléatoire : « C’est cool. Il y a un petit élément de destin. » Elle vient de lire In front of our eyes (« sous nos yeux »), une nouvelle d’une minute de Nicolas Juliam.
Start-up grenobloise
Les textes, traduits pour l’occasion en anglais, ont à l’origine été publiés en français sur la plateforme de Short Edition. Cette start-up qui compte maintenant une quinzaine de salariés a été lancée à Grenoble en 2011 avec l’idée de mettre en relations auteurs et lecteurs : les écrivains amateurs y postent leur histoire en ligne (condition expresse : qu’elle se lise en moins de vingt minutes). Les lecteurs s’abonnent (gratuitement) et votent (« j’aime cette œuvre »). Quelque 11 000 auteurs ont déjà publié des nouvelles sur la plateforme, laquelle revendique un fonds de 40 000 textes et plus de 166 000 lecteurs. Chaque histoire est lue avant publication par un comité éditorial d’une centaine de personnes issues de la communauté des abonnés.
« L’Interview découverte » de Christophe Sibieude, l’un des cofondateurs de Short Story, sur « La matinale d’Europe 1 », le 3 février 2016 :
C’est en se servant à la machine à boissons de son lieu de travail qu’en 2013, Quentin Pleplé, cofondateur de Short Edition avec sa mère, Isabelle, et Christophe Sibieude, a eu l’idée du distributeur de nouvelles. Moins de deux ans plus tard, en octobre 2015, la première borne était installée à l’hôtel de ville de Grenoble. Depuis, une vingtaine d’autres sont apparues en France, notamment dans les gares de Rennes, Brest, Bordeaux et Quimper ainsi qu’au centre commercial Italie 2, à Paris. « Quarante autres sont en commande », indique Quentin Pleplé, qui est venu installer le distributeur à San Francisco. Les machines sont louées au mois. Les écrivains amateurs touchent des royalties sur la location des bornes. Les utilisateurs ont accès au contenu gratuitement.
Coppola espère faire école aux Etats-Unis
L’histoire du rapprochement avec Coppola se lit comme un conte de fées. Après avoir eu vent d’un article du New Yorker sur l’installation de la première machine à Grenoble, le cinéaste a contacté Short Edition. Isabelle Pleplé, qui a reçu son courriel, a cru à une farce. Coppola a insisté. « Je suis allé les voir à Paris et je me suis présenté », raconte-t-il, farceur.
Contrairement aux clients « ordinaires », le réalisateur a obtenu de pouvoiracheter – et non louer – son distributeur (pour un montant confidentiel). Il entend y introduire des auteurs américains, et en particulier ceux de son magazine. Son objectif est de faire école, de voir fleurir des rouleaux dans les lieux publics, les bars, les files d’attente des administrations, pour que les citoyens puissent « accéder gratuitement à la culture ». Quentin Pleplé, 27 ans, polytechnicien, spécialiste du big data, est éberlué. Non seulement le maestro aime « sa » machine, mais il lui a permis de filmer leur entretien. « Pour nous, c’est une énorme reconnaissance », apprécie-t-il.
La vending machine (distributeur automatique) a-t-elle un avenir au paradis de la technologie ? Pourquoi les gens de San Francisco adopteraient-ils le papier alors qu’ils peuvent lire le texte directement sur leur smartphone ? Coppola, 77 ans, pionnier des effets spéciaux, ami de George Lucas et de Pixar, croit à l’avenir du papier. « C’est une expérience, nous dit-il. Et ce n’est pas commercial. »
Le Parti progressiste démocratique, qui vient d’arriver au pouvoir, pourrait changer la vocation du mémorial dédié à l’ex-dictateur.
Avec ses parois de marbre blanc et son toit octogonal de tuiles bleues, le mémorial de Tchang Kaï-chek, au centre de Taipei, est l’une des attractions favorites des touristes chinois venus du continent. Ils posent pour des selfies devant le bâtiment ou viennent admirer le changement de la garde devant le bronze du « Généralissime » assis sur son trône.
Tchang Kaï-chek, qui avait fui la Chine pour Taïwan en 1949 après la victoire de Mao, a gouverné l’île d’une main de fer jusqu’à sa mort, en 1975. Quarante et un ans plus tard, le culte dont il continue de faire l’objet divise toujours profondément les Taïwanais. Vénéré par les caciques du Kouomintang (KMT), le parti unique sur lequel reposa son règne, l’ancien dictateur est critiqué et même conspué par le camp adverse. Les anciens opposants rappellent les exactions commises par le régime durant la « terreur blanche » qui dura jusqu’en 1987.
La victoire remportée en janvier par Tsai Ing-wen et son Parti progressiste démocratique (le DPP) pourrait changer la vocation du mémorial. Si Taïwan est une démocratie depuis vingt ans, c’est la première fois que l’opposition obtient la majorité au Parlement. Les nouveaux députés ont commencé, le 2 mai, les auditions publiques autour d’un projet de loi sur la justice transitionnelle. Mme Tsai, qui a pris officiellement ses fonctions vendredi 20 mai, devrait consacrer à cet ambitieux chantier législatif les premières grandes décisions de son mandat de présidente.
Lire aussi : Taïwan : la nouvelle présidente, Tsai Ing-wen, tend la main à Pékin
Cette loi vise à faciliter l’accès aux dossiers politico-judiciaires de l’époque et à revenir sur certains verdicts injustes. Sous la « terreur blanche », les procès expéditifs étaient courants. Il s’agira aussi de passer au crible le patrimoine du KMT, issu en partie de spoliations perpétrées sous la loi martiale. Dernier objectif : « Faire disparaître les symboles de l’autoritarisme et préserver la mémoire des injustices. »
Un espace « terreur blanche »
Le mémorial de Tchang Kaï-chek est évidemment concerné. Déjà en 2007, le président Chen Shui-bian, du DPP, mais qui gouvernait sans majorité parlementaire, avait tenté de le rebaptiser Hall national de la démocratie, à Taïwan. L’esplanade contiguë était devenue la place de la Liberté. Mais, dès le retour du KMT au pouvoir en 2009, le mémorial reprit son nom originel. Seule la place de la Liberté survécut.
Désormais dans l’opposition, le KMT, qui estime avoir fait amende honorable, tente de résister. Pour contrer les témoignages d’anciennes victimes et de militants d’ONG, il a mandaté des experts et des historiens censés défendre le legs de Tchang Kaï-chek. C’est grâce à ce dernier, a rappelé un historien pro-KMT, que les trésors des collections impériales chinoises, qui avaient été transférées à Taïwan, sont aujourd’hui l’une des principales attractions touristiques du pays. Avec le mémorial, justement.
L’un de ses confrères s’est emporté : si Tchang Kai-chek est responsable de tout, alors « rasez son mémorial ! », a-t-il lancé. Les promoteurs de la loi sur la justice transitionnelle disent rechercher le consensus. Le mémorial pourrait être transformé en « musée de la démocratie » : des espaces y seraient consacrés à la « terreur blanche », au lieu de l’exposition hagiographique actuelle. D’autres souhaitent y créer un « musée des présidents de Taïwan ». Une chose est sûre, quelle que soit la solution choisie, Tchang Kaï-chek en prendra pour son grade.
Ta-Iset, une momie égyptienne retrouvée en 2000, rejoint le Musée d’histoire locale de la ville des Hauts-de-Seine.
Samedi 21 mai, à l’occasion de la nuit des musées, les 1 600 soldats de plomb napoléoniens du modeste Musée d’histoire locale de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) accueilleront une nouvelle pièce prestigieuse : une authentique momie égyptienne. Les visiteurs pourront faire sa connaissance au rythme de jeux-enquêtes autour des amulettes, des hiéroglyphes et de l’archéologie du pillage. Trois thématiques qui collent parfaitement à l’histoire mystérieuse de Ta-Iset (« celle d’Isis »), retrouvée, en juin 2000, dans les poubelles de Rueil-Malmaison, une commune aisée de l’Ouest parisien.
Quand il l’aperçoit, Joël Gaudichon, qui travaille aux encombrants, est formel : la boîte en bois sculpté, déposée parmi un tas de rebuts près de la caserne Guynemer, ne peut être qu’un cercueil. Avant de rejoindre ce service de la Ville, il était affecté au cimetière, il a donc reconnu du premier coup d’œil la forme si caractéristique déposée furtivement par une femme d’une trentaine d’années, la coupe au carré… L’objet est long d’un mètre de méchant bois de sycomore et tamaris. Des essences typiques de l’Egypte, comme il l’apprendra plus tard de la bouche de spécialistes. L’équipe prévient alors le musée de la ville.
Après un passage dans un cabinet vétérinaire pour quelques radiographies, le sarcophage se voit confié à des égyptologues. Les universitaires affirment aujourd’hui qu’il s’agit de la momie d’une petite fille âgée d’environ 5 ans, issue de la classe moyenne de l’époque ptolémaïque (entre 320 et 30 avant notre ère).
Cependant, après seize ans d’analyses et de restauration, de nombreuses questions demeurent. « Par exemple, le cartonnage orné de motifs a disparu au niveau du visage. Ce pourrait typiquement être l’œuvre de pillards qui arrachaient pour les revendre les plus beaux morceaux des momies. Cependant, en observant les dislocations au niveau du cou, je pense finalement que cette momie a été stockée dans une cave et détrempée par des infiltrations d’eau qui ont détruit cette partie », avance Cédric Magniez, égyptologue qui a longuement travaillé sur l’installation de Ta-Iset dans le musée.
Il s’interroge aussi sur la cause de son décès. « L’enquête a démontré que le squelette est complet, que la fillette n’a pas subi d’accident ou de chute. Elle serait donc morte de maladie, mais rien n’est sûr. De même, nous n’avons que peu d’indices sur sa région d’origine. »
Autre question en suspens : comment cette momie s’est-elle retrouvée à Rueil-Malmaison ? « Nous avons lancé un appel pour découvrir l’identité de ses derniers propriétaires, mais personne ne s’est manifesté. On ne sait donc pas à qui elle appartenait », déplore Olivier de la Serre, adjoint à la culture de la mairie de Rueil-Malmaison.
La personne aperçue par Joël Gaudichon n’a jamais été identifiée. Si la momie se trouvait chez des particuliers qui ont cherché à s’en débarrasser discrètement, la question de ses origines se pose naturellement. A-t-elle été rapportée d’une campagne d’Egypte par des soldats de Napoléon ?
Rien ne permet de l’affirmer avec certitude, mais cela n’aurait rien d’étonnant dans une ville où vécurent l’Empereur et sa cour de généraux et d’officiers. A la momie, désormais, de lancer de toute sa hauteur aux soldats de plomb qui l’entourent : « Vingt siècles d’histoire vous contemplent… »
La momie fait peau neuve, un reportage du « Parisien » :
Ta-Iset, une momie égyptienne retrouvée en 2000, rejoint le Musée d’histoire locale de la ville des Hauts-de-Seine.
Samedi 21 mai, à l’occasion de la nuit des musées, les 1 600 soldats de plomb napoléoniens du modeste Musée d’histoire locale de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) accueilleront une nouvelle pièce prestigieuse : une authentique momie égyptienne. Les visiteurs pourront faire sa connaissance au rythme de jeux-enquêtes autour des amulettes, des hiéroglyphes et de l’archéologie du pillage. Trois thématiques qui collent parfaitement à l’histoire mystérieuse de Ta-Iset (« celle d’Isis »), retrouvée, en juin 2000, dans les poubelles de Rueil-Malmaison, une commune aisée de l’Ouest parisien.
Quand il l’aperçoit, Joël Gaudichon, qui travaille aux encombrants, est formel : la boîte en bois sculpté, déposée parmi un tas de rebuts près de la caserne Guynemer, ne peut être qu’un cercueil. Avant de rejoindre ce service de la Ville, il était affecté au cimetière, il a donc reconnu du premier coup d’œil la forme si caractéristique déposée furtivement par une femme d’une trentaine d’années, la coupe au carré… L’objet est long d’un mètre de méchant bois de sycomore et tamaris. Des essences typiques de l’Egypte, comme il l’apprendra plus tard de la bouche de spécialistes. L’équipe prévient alors le musée de la ville.
Après un passage dans un cabinet vétérinaire pour quelques radiographies, le sarcophage se voit confié à des égyptologues. Les universitaires affirment aujourd’hui qu’il s’agit de la momie d’une petite fille âgée d’environ 5 ans, issue de la classe moyenne de l’époque ptolémaïque (entre 320 et 30 avant notre ère).
Cependant, après seize ans d’analyses et de restauration, de nombreuses questions demeurent. « Par exemple, le cartonnage orné de motifs a disparu au niveau du visage. Ce pourrait typiquement être l’œuvre de pillards qui arrachaient pour les revendre les plus beaux morceaux des momies. Cependant, en observant les dislocations au niveau du cou, je pense finalement que cette momie a été stockée dans une cave et détrempée par des infiltrations d’eau qui ont détruit cette partie », avance Cédric Magniez, égyptologue qui a longuement travaillé sur l’installation de Ta-Iset dans le musée.
Il s’interroge aussi sur la cause de son décès. « L’enquête a démontré que le squelette est complet, que la fillette n’a pas subi d’accident ou de chute. Elle serait donc morte de maladie, mais rien n’est sûr. De même, nous n’avons que peu d’indices sur sa région d’origine. »
Autre question en suspens : comment cette momie s’est-elle retrouvée à Rueil-Malmaison ? « Nous avons lancé un appel pour découvrir l’identité de ses derniers propriétaires, mais personne ne s’est manifesté. On ne sait donc pas à qui elle appartenait », déplore Olivier de la Serre, adjoint à la culture de la mairie de Rueil-Malmaison.
La personne aperçue par Joël Gaudichon n’a jamais été identifiée. Si la momie se trouvait chez des particuliers qui ont cherché à s’en débarrasser discrètement, la question de ses origines se pose naturellement. A-t-elle été rapportée d’une campagne d’Egypte par des soldats de Napoléon ?
Rien ne permet de l’affirmer avec certitude, mais cela n’aurait rien d’étonnant dans une ville où vécurent l’Empereur et sa cour de généraux et d’officiers. A la momie, désormais, de lancer de toute sa hauteur aux soldats de plomb qui l’entourent : « Vingt siècles d’histoire vous contemplent… »
La momie fait peau neuve, un reportage du « Parisien » :
La réalisatrice de 41 ans a, dès son plus jeune âge, eu l’occasion de se faire les dents sur les plateaux. Son troisième long-métrage, « Le Voyage de Fanny », sort en salles le 18 mai.
Fille du réalisateur Jacques Doillon et de la monteuse Noëlle Boisson, Lola Doillon a commencé à fréquenter les plateaux de tournage si jeune qu’elle ne saurait dire quand. Le souvenir qu’elle en a, sans être désagréable, n’a rien d’une parenthèse enchantée. Ses parents travaillaient énormément, et les mercredis après-midi passés dans le silence en salle de montage n’étaient pas, à quelques détails près (griffonner sur un morceau de pellicule au lieu d’une feuille de papier), si différents de ceux que bien des enfants passent au bureau de leurs parents en attendant le signal du départ.
L’apprentissage avec Jacques Doillon
La vocation de la réalisatrice, dont le nouveau film, Le Voyage de Fanny,sort mercredi 18 mai en salles, est née lorsqu’elle a commencé à mettre la main à la pâte. A 16 ans, le bac en poche, elle fait des petits boulots – photographe de plateau ou assistante réalisatrice – sur les tournages de son père. Le virus la prend alors très vite : en devenant un maillon de la chaîne, elle découvre une sorte de « grande colonie de vacances dans laquelle on travaille beaucoup », s’enthousiasme pour l’énergie qui se dégage de ces efforts conjugués autour d’un même projet.
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Elle apprend sur le tas, réalise quelques courts-métrages, puis un premier long remarqué, Et toi, t’es sur qui ?(2006). Elle se partage depuis lors entre télévision (la série « Dix pour cent ») et cinéma, au gré d’envies qui ne se ressemblent pas : le portrait de jeunes filles en fleur, ou d’adultes tourmentés par le syndrome de Stockholm (Contre toi, 2009).
De cette joie première de la « colonie de vacances », Lola Doillon a gardé un goût certain pour le travail à quatre, six, cent mains. Elle est fière de raconter comment, mis au défi de réaliser « Dix pour cent » dans un temps très court, son mari Cédric Klapisch, Antoine Garceau et elle, co-réalisateurs de la série, ont décidé, à rebours des pratiques habituelles, d’appliquer au tournage le principe du pot commun. Choix des décors, casting, planning : tout était décidé ensemble, et le trio tournait en même temps, faisant valser d’un plateau à l’autre les acteurs habitués à ce que chacun tourne ses épisodes indépendamment des autres. « C’était beaucoup de temps gagné, et surtout le plaisir rare de travailler avec d’autres réalisateurs ! », raconte Lola Doillon.
Le défi d’un jeune casting
Alors qu’elle signait seule le scénario de ses deux précédents longs-métrages, c’est à quatre mains, avec Anne Peyregne, qu’elle a écrit celui de son nouveau film, Le Voyage de Fanny : une « belle première fois » que cette co-écriture, adaptant le livre autobiographique de Fanny Ben-Ami, dans lequel cette dernière racontait ses souvenirs d’enfance pendant la seconde guerre mondiale.
Véritable épopée enfantine dans laquelle la jeune Fanny se retrouve chargée d’un groupe d’enfants juifs fuyant vers la Suisse, ce film a donné à Lola Doillon l’occasion de retrouver avec bonheur, après Et toi, t’es sur qui ?, l’exercice délicat du tournage avec un (très) jeune casting. Un travail parfois épuisant, souvent chronophage, car il faut « trouver les mots et le ton pour parler à chaque enfant, le mettre en confiance ». A la clef, un défi dont on comprend sans peine qu’elle s’y soit donnée à cœur joie : la recréation d’une vraie dynamique de groupe, dont la fraîcheur irrigue cette jolie épopée des temps de guerre à hauteur d’enfants.
« Le Voyage de Fanny », de Lola Doillon, avec Léonie Souchaud, Fantine Harduin, Juliane Lepoureau, Ryan Brodie, Cécile de France, Stéphane de Groodt… 1 h 34. En salles le 18 mai.