Le Monde | 12.02.2016 à 16h06 |Par Marc Beaugé (Magazine)

[Chronique] L’ex-gouverneure d’Alaska soutient Donald Trump dans sa course à l’investiture républicaine pour la présidentielle américaine. Encore une faute de goût à son palmarès…

1984 : l’étoffe d’une reine

Sarah Palin lors d'un concours de Miss en 1984.

Brillante étudiante en journalisme, championne de basket, joueuse de flûte émérite, Sarah Palin peut pré­ten­dre aux plus prestigieuses carriè­res. Mais, à 20 ans, elle a déjà les élections dans le sang. Ce jour-là, sa robe rouge à bustier cœur lui permet d’être élue Miss Wasilla, la petite ville d’Alaska dont elle est originaire. Douze ans plus tard, elle en deviendra la maire.

Qui a dit « cumul des mandats » ?

2004 : doigt sur la détente

Sarah Palin le 21 juillet 2004.

Devenue soccer mum, Sarah trimballe les gosses au foot et défend ses concitoyens comme une maman. A un sénateur ayant insinué que Wasilla était rempli d’« ordures », elle répond qu’elle est « fière d’être une ordure ». Quelques décennies après le premier tee-shirt à message politique, vendu par le républicain Dewey, en 1948, la tactique touche dans le mille. Sarah a la gâchette facile.

2009 : trêve militaire

Sarah Palin le 5 décembre 2009 à Fairfax, en Virginie.

Cinq ans plus tard, peu après la présidentielle de 2008 qui a fait d’elle une star, Sarah a posé son gun. Fin du combat ? Non, coiffée d’une M-1951 Field Cap, cette casquette souple portée par les soldats américains quand ils ne sont pas en première ligne, Sarah reprend des forces. Avant de remonter au front.

2010 : en jambes pour le Tea Party

Sarah Palin lors d'une séance photo pour le "Runners World Magazine".

La voilà déjà repartie. Alléchée par l’essor du très droitier Tea Party, Sarah est devenue l’égérie du mouvement. Et pour bien faire les choses, elle s’est habillée de ce rouge qui lui va décidément si bien. Mais la robe à bustier cœur a laissé la place à une tenue de running. Quoi de mieux, après tout, pour cavaler d’un ­plateau de Fox News à un autre ­plateau de Fox News ?

2016 : vestale de Donald

Sarah Palin lors d'un meeting de soutien à Donald Trump, le 1er février 2016 dans l'Iowa.

Le thé a refroidi mais elle rebondit toujours. Désormais, Sarah Palin court pour Donald Trump. Afin d’aider son favori, en lice pour les présidentielles américaines, elle est même prête à mouiller le châle jusqu’au fond de l’Iowa. Attention quand même, Sarah : sur le cachemire, l’odeur de transpiration (comme celle de parfum) attire les mites.

  • Marc Beaugé (Magazine)

L’autoproclamé plus grand artiste de tous les temps sort un nouvel album, « Waves ». Mais le ramage sera-t-il à la hauteur du plumage ?

2004 : jamais sans son ours


C‘est le rappeur qui monte. A 27 ans, Kanye West traîne avec des stars comme Mariah Carey, Jay-Z ou Alicia Keys. Mais il préfère encore la compagnie des ours en peluche. La pochette de son premier album, The College Dropout, le prouve. Cette photo aussi. Pourquoi tant d’amour pour l’animal de chambre ? Parce que le Polo Bear, logo mythique de la marque Ralph Lauren, est alors un puissant marqueur social, symbole absolu de réussite. Evidemment, le polo rugby de Kanye West est un Ralph Lauren. Sa  chemise à rayures bâton aussi. Preuve que la réussite est déjà là.

2006 : au garde-à-vous


Deux ans plus tard, fini le miel : Kanye a pris du galon, cela saute aux yeux. Sur la scène des Brit Awards, à Londres, « Monsieur Ouest » porte le fameux red coat à brandebourgs que les armées de Sa Majesté arborent, pour les grandes occasions, depuis le XVIIe siècle. Les autochtones y verront un hommage à leurs militaires. Les autres, un clin d’oeil à Michael Jackson, adepte de la même veste vingt ans plus tôt. Et, accessoirement, deuxième plus grand artiste de tous les temps. Derrière qui vous savez.

2010 : dur à cuir


Quatre ans plus tard, Kanye sourit pour masquer sa détresse. Après plusieurs années d’acharnement, et malgré ses succès musicaux, il renonce  officiellement à lancer sa propre marque de fringues pour homme. Le coup est dur pour le rappeur. Il l’est surtout pour ceux qui rêvaient de porter eux aussi un gilet en vison et un bandeau antitranspiration roulotté en cuir. Et ils sont nombreux. Bien plus qu’ils ne devraient.

2013 : mâle masqué


Kanye, 36 ans, est désormais en couple avec Kim Kardashian et plus rien n’arrête son ascension. Après l’avoir rejeté, même la mode s’incline devant lui. Ce jour-là, en route pour le défilé Margiela, Kanye semble d’ailleurs rendre hommage au créateur belge, qui a toujours préservé son anonymat en cachant son visage. A moins que ce ne soit encore un clin d’oeil à Michael Jackson, qui enfilait  parfois une cagoule pour faire ses courses, en pleine période parano. A l’époque où il était encore le plus grand artiste de tous les temps. Il y a bien longtemps.

2015 : du neuf avec du vieux


En pleine Fashion Week parisienne, l’Homme est venu faire le beau. Pour l’occasion, il a sorti ses nippes les plus usées. Provoc ? Non, démonstration de force. Car Kanye sait bien qu’au XVIIIe siècle les grands de ce monde se plaisaient à porter des habits vieillis. Certains disposaient même d’un butler, spécialement chargé de porter et d’user leurs vêtements. A en juger par cette image, Kanye dispose lui d’une armée de butlers. Voilà peut-être  ce qui manquait à ce pauvre MJ.

Lire aussi : Kanye West et la comédie sociale de la mode

La maire de San Germano Vercellese, élue de la Ligue du Nord, a interdit l’accès aux jeux publics et à la cantine scolaire aux enfants des parents qui ne payent pas les taxes municipales.

Les enfants de quelque 200 Italiens ou immigrés démunis sont visés par l'interdiction prise par la maire de San Germano Vercellese, élue du parti xénophobe de la Ligue du Nord.

De San Germano Vercellese, une petite commune de 1 700 habitants située à une cinquantaine de kilomètres de Turin et à une quinzaine de Vercelli (Piémont), on ne sait presque rien. Trois lignes sur Wikipédia, une latitude et une longitude. Principale ressource de la commune : les rizières, rendues célèbres par les cuisses nues de Silvana Mangano dans le film Riz amer (1949), de Giuseppe De Santis.

En revanche, on commence à bien connaître la maire du village, Michela Rosetta – trop peut-être. Cette élue du parti xénophobe de la Ligue du Nord, allié au Front national au Parlement européen à Strasbourg, a décidé de lutter à sa manière contre les mauvais payeurs des taxes municipales : l’IMU, sur la résidence principale, et la TARI, sur le ramassage des ordures. Une décision datée du 28 décembre 2015 interdit désormais aux enfants des parents en délicatesse avec le fisc l’accès au jardin public, au terrain de sport et à la cantine scolaire.

“Je n’accepte pas qu’on me fasse un procès en racisme ou en discrimination. Nous appliquons simplement la loi. Ceux qui ne sont pas contents n’ont qu’à partir.” Michela Rosetta, maire de San Germano Vercellese

La décision de la municipalité de San Germano ­Vercellese vise environ 200 personnes, en majorité parmi les plus pauvres, italiennes ou issues de l’immigration. « Je ne veux pas vraiment interdire, mais éduquer au respect du bien public. Les portes de mon bureau sont toujours ouvertes pour discuter au cas par cas,a expliqué Michela Rosetta au quotidien La Stampa, mais je n’accepte pas qu’on me fasse un procès en racisme ou en discrimination. Nous appliquons simplement la loi. Ceux qui ne sont pas contents n’ont qu’à partir. » « C’est une honte », réagit l’opposition. « Ce n’est pas la première fois qu’on cherche à nous atteindre », se plaint une association d’immigrés.

Michela Rosetta, 48 ans, maire depuis 2013, ne cache pas sa sympathie pour Gianluca Buonanno, un ­parlementaire de son parti. Une sorte de modèle. Ce dernier est également un amateur de positions tranchées. Sur les homosexuels, à qui « tout serait dû », et la Gay Pride, qui le « dégoûte ». Plus récemment, il s’est rendu célèbre en apparaissant, sur sa page ­Facebooket à la télévision, un pistolet automatique à la main, afin de soutenir la légitime défense.

La Ligue du Nord fait sa pub

Reste maintenant à faireappliquer l’arrêté de la commune. Dans le passé, d’autres maires (issus eux aussi de la Ligue du Nord) ont déjà tenté de faire pression sur les enfants pour rappeler les parents à leurs devoirs. Généralement en pure perte. Qu’importe. Ce qui intéresse la Ligue du Nord, devenu le premier parti de droite en Italie, est d’occuper le terrain médiatique et de faire la preuve qu’elle se consacre aux choses concrètes dans les collectivités dont elle est chargée.

A San Germano Vercellese, il en ira sans doute de même, tant il paraît difficile d’envoyer un agent municipal au square avec pour mission d’empêcher les enfants dont les parents n’auraient pas réglé la taxe sur les poubelles d’utiliser le toboggan ou la balançoire… Mais jusqu’alors Michela Rosetta était une inconnue. Ce n’est plus le cas. Elle ne visait pas autre chose.

Pour aussi représentatif qu’il soit, un sondage en ligne du site Web de La Stampa, le quotidien le plus lu du Piémont, pointe que pour 68 % des personnes qui ont répondu à la question : « Êtes-vous d’accord avec la mesure prise par cette élue ? », la réponse était « oui ».

Lire aussi : En Italie, la Ligue du Nord cible ceux qui logent des migrants

Depuis 1999, Ou Zihang est engagé dans une série intitulée « Faire des pompes ». Dans le plus simple appareil, il effectue cet exercice dans des lieux symboliques. En janvier, il a réalisé cette performance artistique devant les locaux de « Charlie Hebdo » et face au Bataclan.

Il observe, attend. Un livreur décharge son camion. Des habitants promènent leur chien, des admirateurs de Charlie déposent des fleurs… Puis, hors de tout regard, il se déshabille et… commence à faire des pompes. Ce 20 janvier, le froid était pourtant perçant à Paris. Mais il n’a pas empêché l’artiste chinois Ou Zhihang de se livrer à cette performance, tout près des anciens locaux du journal satirique, rue Nicolas-Appert, à Paris. Comme un hommage aux onze personnes abattues par les frères Kouachi un an auparavant.

L'artiste chinois Ou Zihang devant les locaux de "Charlie Hebdo", à Paris, le 20 janvier.

Ancien présentateur de télévision, Ou Zhihang est célèbre en Chine pour les autoportraits qu’il réalise de lui, nu, en train de faire des pompes, devant des lieux emblématiques ou associés à un scandale. Une façon de se recueillir mais aussi de demander que la vérité

soit faite.

“La place Tiananmen aurait certainement mérité que j’y réalise ma performance, mais le faire signifierait l’enterrement immédiat de mon projet.”

Débutée en 1999, cette série, intitulée « Faire des pompes », n’a été connue du grand public qu’en 2007. A la veille des JO de Pékin, l’artiste participe à une exposition collective, présentant notamment des œuvres d’Ai Weiwei, qui déclenche une polémique nationale. Dès lors, « Faire des pompes » devient, sur les réseaux sociaux chinois, le symbole de la recherche de la vérité. Quand un scandale explose, les internautes pressent même Ou Zhihang de se rendre sur les lieux.

Ses œuvres sont régulièrement exposées dans de grandes galeries, comme celles de l’Espace 798 à Pékin. Cette série lui vaut pourtant de nombreux heurts avec les autorités chinoises. Ainsi, le 17 octobre dernier, la venue d’Ou ­Zhihang à Bijie, une municipalité reculée du Guizhou, province pauvre du sud-ouest du pays, a fortement déplu aux autorités. Réalisant sa performance pour dénoncer plusieurs scandales, notamment liés à des suicides d’enfants délaissés par leurs parents travailleurs migrants, Ou a dû supprimer ses photos sous les yeux des cadres locaux puis a été interrogé par la police pendant deux heures avant de se faire éjecter de la province.

Plus de 700 performances

Ou Zhihang n’est pourtant pas une tête brûlée. Il refuse par exemple de s’attaquer aux lieux les plus sensibles : « La place Tiananmen aurait certainement mérité que j’y réalise ma performance, admet-il. Mais le faire signifierait l’enterrement immédiat de mon projet. »

Il se contente d’être réactif. Ainsi s’est-il livré à ses célèbres pompes à Tianjin, en août dernier, sept jours après l’explosion meurtrière d’un entrepôt chimique à l’origine du décès de 173 personnes, selon les chiffres officiels. A peine deux semaines après sa visite, malgré les risques sanitaires, les lieux furent recouverts de pelouse. Sur Weibo (le Twitter chinois), l’artiste diffuse sa photo et lance : « Il ne faut pas dissimuler la vérité, sous prétexte d’améliorer la vie locale. »

La performance artistique d’Ou Zhihang devant le Bataclan

Ou Zhihang est lui-même surpris de la longévité de son projet en Chine où la censure se fait de plus en plus pesante. Il comptabilise près de 700 performances à ce jour. La dernière en date est celle qu’il a réalisée juste après son hommage aux victimes de Charlie Hebdo, lorsqu’il s’est rendu au Bataclan. « Normalement, il aurait dû y avoir des policiers, des vigiles, des caméras devant un lieu si sensible. D’autant plus, dans un pays en état d’urgence, remarque-t-il. Finalement, il n’y a eu ni contrôle ni contrainte. Cela m’a laissé perplexe. » Pas exactement ce à quoi il est habitué en Chine.

Par Zhulin Zhang

Le Monde | 03.02.2016 à 10h43 • Mis à jour le03.02.2016 à 18h48

Par Julien Guintard


Au gré de l’actualité, certains mots s’invitent à la “une”. “M” vous propose une plongée dans les archives du “Monde” pour retrouver leur première utilisation.

 

Dans son édition du 21 février 1979, Le Monde s’intéresse à la spéculation sur le marché des produits pétroliers. Où l’on découvre une nouvelle profession. « A Rotterdam, les prix flambent sous la pression spéculative de négociants ou de courtiers. A 320 dollars la tonne, par exemple, le supercarburant est trois fois plus cher que lors de la flambée de 1973. (…) Ces “traders” et jobers(…) font des achats de couverture à des prix aberrants ; des cargaisons stockées dans un but spéculatif changent ainsi plusieurs fois de main – sur le papier – avec un gain substantiel à chaque échange. » Une semaine plus tard, le journal reçoit une mise au point de M. Spuller, de la société Fretoil, « courtiers en pétrole depuis quarante-trois ans » : « Il y a une grande différence entre le négociant (trader), qui prend des positions spéculatives – et qui peut, en effet, tirer avantage d’une situation donnée – et le courtier, qui est rémunéré par une commission basée sur la quantité et qui ne peut, de ce fait, suivre les prix à son avantage, à la hausse comme à la baisse. » De grâce, ne mélangeons pas les torchons et les serviettes. Pas plus que le fioul lourd et l’essence légère.

Lire aussi, La première fois que “Le Monde” a écrit : “Ebola”

Chaque semaine, “M” vous sert sur un plateau une série de petites infos qui ont souvent tout autant de sens que les grandes.

Le podium


1 – Emirats Arabes Unis 2 – Qatar 3 – Koweït

 Il s’agirait des trois pays ayant la plus grande proportion d’immigrés sur leur sol, respectivement 88,4 %, 75,51 % et 73,64 % de la population, selon les statistiques 2015 de l’ONU analysées par The Telegraph. Cette proportion serait, en France, de 12,09 %.

Aux mots près


Ces derniers temps, il a été beaucoup de diesel. Que signifie-t-il vraiment ? Ses voisins de dictionnaires en disent presque autant que sa définition.

Dièse : signe d’altération ou d’accident qui élève d’un demi-ton chromatique la note devant laquelle il est placé.

Diesel : moteur à combustion interne dans lequel l’allumage est obtenu par compression.

Dies Irae : chant de la messe des morts, dans le rite catholique romain.

Un nombre, trois possibilités : 181


 1 – C’est, en milliards de dollars, le montant global des accords négociés par les banques, les courtiers et les organismes de crédits américains pour fairecesser les poursuites liées à la crise des subprimes de 2008. (source : Jeff Nielsen, du cabinet de litiges Navigant cité par The Wall Street Journal).

 2 – C’est, en milliers, le nombre de copies de Blackstar, le dernier album de David Bowie, écoulées aux Etats-Unis entre le 8 et le 14 janvier. Le meilleur démarrage jamais enregistré par la star britannique disparue le 10 janvier, à l’âge de 69 ans.

 3 – C’est le nombre de convives ayant participé, dimanche 10 janvier, au repas des aînés de Saint-Denis-de-Pile (Gironde) organisé par le Centre communal d’action sociale. Seul critère pour s’attabler : avoir plus de 70 ans.

Il était question que les organisateurs de la célèbre course de chevaux de Sienne envoient une délégation en Angleterre pour l’anniversaire de la reine. Ce ne sera finalement pas le cas. Une décision prise au terme de débats passionnés en Italie.

Spectaculaire course de chevaux, le Palio de Sienne attire chaque année des milliers de spectateurs sur la Piazza del Campo (ici en 2015).

L’invitation était on ne peut plus officielle et l’occasion, historique. En novembre 2015, la société britannique d’organisation d’événements H Power Group a contacté Bruno Valentini, le maire de Sienne ­ (Toscane), afin qu’il envoie une représentation du célèbre Palio défiler à Windsor le 15 mai à l’occasion des festivités ­prévues pour le 90e anniversaire ­d’Elizabeth II. La passion de la reine ­d’Angleterre pour les équidés n’a en effet d’égal que celles pour les chiens et les chapeaux de couleur. Le choc de ­traditions entre une course de chevaux remontant au Moyen Age et une monarchie tout aussi séculaire promettait d’être le clou de ces cérémonies. Bruno Valentini s’est donc ouvert de la proposition royale au magistrat des contrade (quartiers), sorte d’arbitre des règles du Palio, qui a lieu chaque année le 2 juillet et le 16 août sur la piazza del Campo, au cœur de Sienne.

“Le Palio n’est pas un cirque ambulant. Si on veut le vivre dans toute sa fièvre, il faut venir à Sienne.” Bruno Valentini, maire de la ville

Que faire ? Qui choisir ? Quels chevaux, quels fantini (cavaliers), quels alfieri (porte-drapeaux) devront faire le voyage à Windsor ? Et pour y faire quoi ? Le débat a enflammé les Siennois au point de leur faire oublier les difficultés de l’autre pilier de l’identité locale, la banque Monte dei Paschi di Sienna, dont la capitalisation s’est effondrée en Bourse. Dans le quartier de la Girafe, de la Tour, de l’Aigle ou de la Panthère, chacun a donné son avis. Le verdict est tombé le 20 janvier : pas de Palio pour « Queen Elizabeth II ».

Conscients de l’honneur qui leur était fait, les Siennois ont préféré y ­renoncer plutôt que voirdénaturer leur ­tradition : « On ne nous proposait que 90 secondes de spectacle et la possibilité de ne faire défiler que deux chevaux, trois ­jockeys et cinq alfieri, comme si on voulait faire entrer notre tradition dans une bouteille », se lamente un des organisateurs. « Le Palio n’est pas un cirque ambulant, a expliqué le maire. Si on veut le vivre dans toute sa fièvre, il faut venir à Sienne. »

Avant la course de chevaux, qui oppose plusieurs quartiers de la ville, a lieu une parade en costumes (ici le 16 août 2014) dont les origines remontent au Moyen Age.

Même si chaque course ne dure que le temps d’un tour de piste sur les coups de 19 heures, le rituel du Palio vaut d’être vécu dans toute sa durée et son intensité. Le choix des chevaux, quelques jours avant la course ; leur bénédiction dans la chapelle ou l’église d’une des contrade ; la longue attente qui précède l’épreuve alors que la piazza del Campo se remplit de monde ; le défilé des tambours et des porte-drapeaux en costume traditionnel… Chaque minute du cérémonial traduit ­l’attente fébrile d’une compétition à l’issue de laquelle un seul des quartiers de la ville festoiera, tandis que tous les autres ­pleureront. Comment transposer une telle intensité à Windsor ?

Souffrance et jouissance

Chanteuse populaire à la voix rauque mais avant tout siennoise, Gianna Nannini, immortelle interprète d’I maschi (« les ­garçons ») a écrit pour le quotidien La Stampa une lettre ouverte à la reine Elizabeth, dans laquelle elle explique : « Pour ­comprendre le Palio, il faut le vivre. Il faut se faire posséder par lui. » Le maire l’invite d’ailleurs volontiers à assister au spectacle depuis les fenêtres de la mairie.

« Je sais, poursuit Gianna Nannini, qu’il est difficile, Majesté, de vous faire partager le concept de transe, mais c’est bien de cela qu’il s’agit : un état d’esprit dans lequel on souffre et on jouit en même temps. » La chanteuse a promis à la reine de lui servir de guide. A une condition : qu’elle vive la fête du début à la fin « dans la sueur et les larmes ».

Le Palio de Sienne ne s’est déplacé qu’une seule fois dans sa longue histoire et ce n’est pas un bon souvenir. C’était en 1938. Cette année-là, une course s’est déroulée à Florence à l’occasion d’une visite d’Hitler à Mussolini. Selon les archives, le gouvernement du Duce avait exigé que les fantini soient tous de « convictions rigoureusement fascistes ». Pour les chevaux, en revanche, pas de contre-indication.

L’actrice Sophia Loren lors du Palio de Sienne, le 3 juillet 1961.

L’ancien ministre de la culture postule à l’Académie française. Mais l’habit vert sera-t-il à la hauteur de son style toujours plein de panache ?

1973, quel cinéma !

La mèche folle des débuts de l'Olympic, cinéma d'art et d'essai.

A 26 ans, il a déjà pris la tangente. Fils de « bourge », diplômé de Sciences Po, promis à une belle mais ennuyeuse carrière ­universitaire, il a choisi le cinéma indé pour s’émanciper. Déjà fondateur de l’Olympic, Frédéric Mitterrand inaugure ici une nouvelle salle d’art et essai. Mèche folle, foulard, poignets mousquetaires, il n’est pas un patron comme les autres. Son style de management ? Main de fer dans redingote de velours. D’un point de vue financier, ce sera un fiasco.

Frédéric Mitterrand raconte sa période Olympic

1995 : as du carreau

Le temps d'« Etoiles et toiles » sur TF1…

Sorti du grand écran, le voilà dans le petit. Frédéric Mitterrand anime « Etoiles et toiles » sur TF1, mais n’oublie pas qu’il faut se coucher pour réussir. Comme Marcel Proust, l’un de ses maîtres, adepte de l’écriture horizontale, il passe donc beaucoup de temps au lit, habillé d’une robe de chambre en tartan et chaussé de bas noirs, traditionnellement réservés aux jours de deuil. Mais, c’est ainsi : même allongé, Frédéric est ­transgressif.

2004 : chapeau bas

Le Frederic Mitterrand de l'époque TV5.

Il a fini par se lever, ôter sa robe de chambre et filer vers le Festival de télévision de Monte-Carlo. Désormais directeur général délégué en charge des program­mes et de l’antenne de TV5, « Fredo » slalome entre les projos, les cocktails, les pince-fesses. Pour ce faire, quoi de mieux qu’un bob, susceptible d’être glissé à tout moment dans la poche ? Au début du XXsiècle, c’est justement pour cette fonctionnalité que les pêcheurs irlandais l’adoptèrent avant tout le monde.

2010 : sortie de route

La vie politique avec Nicolas Sarkozy.

Six ans plus tard, fini la télé, bonjour la politique ! Homme de gauche depuis toujours, « Fredo » retourne sa veste en Harris Tweed (les fins ­observateurs auront repéré l’étiquette de la marque, et son fameux orbe rouge) et prend la file de droite, sans clignotant. Mauvaise idée, le ministre de la culture de Sarkozy chute lourdement à scooter, et se blesse à l’épaule. Moralité ? Quel que soit son bord, le scooter est dangereux en politique.

2016 : hors la loi

En janvier 2016, pour les 20 ans de la mort de "Tonton".

Heureusement, il a récupéré et est redevenu de gauche. En ce mois de janvier, Frédéric Mitterrand commémore les 20 ans de la mort de Tonton à Jarnac. A cette occasion, il a enfilé son cuir noir et une gâpette en coton marine. Du noir et du marine ? Une règle d’élégance édictée par le roi d’Angleterre Edouard VII, père de toutes les règles d’élégance, l’interdit. Mais Frédéric est un homme libre. Surtout l’année de ses 69 ans.

Lire aussi : Frédéric Mitterrand candidat à l’Académie française

Le Monde | 26.01.2016 à 09h56 • Mis à jour le26.01.2016 à 10h52 |Par Julien Guintard

Chaque semaine, “M” vous sert sur un plateau une série de petites infos qui ont souvent tout autant de sens que les grandes.

Ça va les études ?


 Faut-il se méfier de ce collègue extrêmement sûr de lui, très productif, qui veut toujours suivre scrupuleusement les règles ? Peut-être devriez-vousgarder vos distances ! Selon une étude en cours de la Business Harvard School, il pourrait s’agir d’un « travailleur toxique », défini par sa capacité à nuire à l’entreprise ou à ses collègues. Ce qui comprend un large spectre de comportements : allant du vol de stylo au harcèlement sexuel en passant par l’escroquerie. Selon les deux chercheurs qui ont compulsé les données des services de ressources humaines de 11 sociétés employant 50 000 personnes, les comportements égocentriques, l’excès de confiance en soi, l’hyper-productivité et un discours légaliste font partie des traits distinctifs des « travailleurs toxiques ». Surtout, ils insistent sur le fait qu’en dépit d’une meilleure productivité, ces employés font au final perdre de l’argent à l’entreprise en provoquant des départs volontaires et en cassant le moral de leur collègue. C’est sûr, ce midi, la cantine, ce sera sans lui !

Aux mots près


Ces derniers temps, il a été beaucoup question d’« El chapo », le narcotrafiquant mexicain. Que signifie exactement ce terme ? ses voisins de dictionnaires en disent presque autant que sa définition. 

Narcissique :  admiration de soi, attention exclusive portée à soi-même.

Narcotrafiquant : gros trafiquant de drogue.

Narguer : braver avec insolence ; avec un mépris moqueur.

Le podium


1. Irak 2. Liberia 3. Etats-Unis

 Voilà les trois pays où un étranger a le plus de chance de tomber sur une bonne âme si l’on en croit le classement établi par l’ONG britannique Charities Aid Foundation pour 2015. C’est en effet en Irak, au Liberia et aux Etats-Unis qu’on trouve la plus grande proportion d’habitants ayant aidé un parfait étranger, respectivement 79 %, 78 % et 76 %. Ce taux tombe à 39 % en France (102e rang mondial).

  • Julien Guintard

    Journaliste au Monde

L’interdiction à la circulation des deux-roues trop polluants, dans la municipalité italienne qui détient le record national du nombre de scooters, entraîne la colère des vespistes génois.

Le premier modèle de Vespa, conçu par Emilio Piaggio, est né à Gênes en 1946.

L’intention est louable, mais l’opportunité est, d’un point de vue politique, peut-être mal choisie. La municipalité de Gênes (Ligurie), dirigée par le maire Marco Doria (gauche), a profité des derniers jours de 2015 pour publier une directive interdisant la circulation, de 7 à 19 heures, des scooters aux normes européennes d’émission Euro 0 dans une grande partie de la ville portuaire. Construits avant 1999, ces deux-roues sont désormais considérés comme trop polluants. La mesure devait être mise en œuvre le 1er février.

« Quoi ? » se sont étranglés environ 20 000 propriétaires qui devront, pour respecter la loi, circuler la nuit, s’acheter un scooter plus récent, opter pour un autre moyen de transport ou… marcher. Changer de scooter alors qu’il pète encore le feu et conduit partout en zigzaguant dans les embouteillages ? La révolte n’a pas été longue a gronder, encouragée par à peu près tous les partis politiques, de Fratelli d’Italia (postfasciste) au Parti Démocrate (centre gauche). Même dans l’équipe du maire, certains sont gagnés par le doute.

A Gênes, en effet, le deux-roues n’est pas un simple véhicule : c’est une part de l’identité de la ville. On y répertorie 180 000 scooters pour 600 000 habitants, un record en Italie. Parallèlement (et conséquemment), la cité est aussi celle qui compte le moins de voitures

(486 véhicules pour 1 000 habitants, contre 608 pour 1 000 dans le reste de la Péninsule), après Venise évidemment.

De plus, c’est ici que fut produit, en 1946, le premier modèle de Vespa conçu par l’entrepreneur Enrico Piaggio. Un soixantième anniversaire qui aurait gagné à être fêté plus dignement, fait remarquer une association de scootéristes génois.

“La Vespa c’est la pensée en mouvement, c’est notre éducation sentimentale. Sans Vespa, pas de Gregory Peck et d’Audrey Hepburn dans ‘Vacances romaines’.” “Il Corriere Della Sera”

Confisquer sa Vespa, même polluante, à un Italien, peut s’avérer une entreprise difficile. Pour un Génois, c’est presque impossible. « C’est comme nous priver de la mer, du vent, des couchers de soleil, du sirocco, de la Sampdoria et du Genoa [les deux clubs de football de la ville], écrit Francesco Cevasco dans le quotidien Il Corriere Della Sera du 15 janvier. La Vespa c’est la pensée en mouvement, c’est notre éducation sentimentale. Sans Vespa, pas de Gregory Peck et d’Audrey Hepburn dans Vacances romaines. Ceux qui polluent ne sont pas les propriétaires de Vespa, mais les conducteurs de voiture tout-terrain garée en triple file. Prenez garde, la Vespa [en français, la guêpe] pique quand elle est en colère. »

Elle pique et s’organise. Un essaim de « vespistes » a lancé avec succès le hashtag #lamia vespanonsitocca (« Touche pas ma Vespa »). « La Vespa est née à Gênes et elle meurt à Gênes », ne craignent pas de proclamer les propriétaires de ces quasi-antiquités, bien décidés à ne pas céder à la loi.

L’adjoint à l’environnement reçoit des centaines de courriels pour qu’il renonce à son interdiction. « J’ai eu moi-même un engin de ce type, rétorque-t-il dans la presse italienne. Elle polluait et la santé publique est quelque chose qui a son importance. » En attendant, prudemment, l’application de la directive de la municipalité a été repoussée au 1er avril.

#lamiavespanonsitocca#nessunotocchilavespa al peggio non c’è mai fine Con 1 l benzina 50 km @matteorenzi pensaci tu pic.twitter.com/c2tccuyMvN

— Luisanna Messeri (@luisannamesseri) 15 Janvier 2016

Lire aussi : Gênes, la déesse de la mer