Avis de recherche pour Ethan Couch, qui a rompu ses conditions de probation, lancé en décembre 2015 par les autorités américaines. U.S. MARSHALS SERVICE VIA AP
Lors de son procès, la défense avait plaidé « l’insatisfaction des gens qui ont tout ». Ethan Couch, alors âgé de 16 ans, était poursuivi pour avoir renversé et tué quatre personnes alors qu’il conduisait en état d’ivresse en juin 2013. Au grand dam d’une partie de l’opinion américaine, cette ligne de défense, celle de l’enfant gâté, avait fonctionné : cet adolescent issu d’une famille fortunée avait été condamné à un régime de probation, au lieu des vingt ans d’emprisonnement requis par les procureurs.
Or Ethan Couch a encore fait des frasques en décembre 2015, en bafouant les règles qui lui étaient imposées, comme le rapporte la chaîne américaine CNN. Une vidéo circulant sur Internet montre le jeune homme s’adonner à des jeux d’alcool lors d’une fête. La consommation d’alcool, interdite aux Américains de moins de 21 ans, constitue une violation de son contrôle judiciaire. Mais quand la police s’est présentée à son domicile, elle n’a pas trouvé trace d’Ethan Couch ni de sa mère.
Pendant plusieurs semaines, la police a recherché le jeune homme, et fini par le retrouver en compagnie de sa mère, à Puerto Vallarta, sur la côte ouest du Mexique. Il a été arrêté lundi 28 décembre, selon les autorités américaines et mexicaines citées par le New York Times.
‘Affluenza’ teen arrested in Mexican resort after weeks on the run https://t.co/x9A69U3uj1pic.twitter.com/fI8vayMkvE
— Mashable (@mashable) 29 Décembre 2015
Trop d’aisance financière
Ce nouvel épisode a relancé le débat aux Etats-Unis sur l’« affluenza teen », surnom donné à Ethan Couch, dérivé du néologisme sur lequel s’était basée sa défense. Le mot mélange les termes « affluence »(« richesse ») et « influenza »(« grippe »). La « pathologie de l’enfant gâté », victime de tant d’aisance financière qu’il en serait devenu incapable de se rendre compte des conséquences de ses actes, avait été présentée pour défendre Ethan Couch devant la cour.
« Le message principal doit absolument être que l’argent et les privilèges ne peuvent pas acheter la justice dans ce pays« , espérait alors Eric Boyles, cité par CNN, dont la femme et la fille ont été renversées par le conducteur alcoolisé.
C’est pourtant sur la base de l’« affluenza » que, sans jamais avoir exprimé de regrets, l’accusé a écopé d’une ordonnance de soins psychiatriques et d’une mise à l’épreuve de dix ans.
« J’aimerais n’avoir jamais utilisé ce terme, tout le monde semble être resté scotché à ce mot, regrette sur CNN Dick Miller, le psychologue qui l’a évoqué à l’audience. Nous avons l’habitude de qualifier ces personnes d’enfants gâtés. »
Pour avoir violé ses conditions de probation, le jeune homme encourt dix ans de prison, comme l’avait souligné les procureurs au moment de la condamnation.
Au Chaos Computer Club, à Hambourg, le 27 décembre 2015. AXEL HEIMKEN / DPA via AP
Le caractère répressif et fermé du régime de Corée du Nord apparaît crûment dans la manière dont il a conçu le système d’exploitation national, Redstar OS.
Ce système d’exploitation – logiciel qui permet à un ordinateur de fonctionner, comme Windows, Mac OS ou Linux – développé par le régime, n’est utilisé qu’à l’intérieur du pays et a été étudié par deux chercheurs en informatique, qui viennent de présenter leurs conclusions au Chaos Computer Club, une conférence qui se tient annuellement à Hambourg.
> Lire aussi : Le Chaos Communication Congress, place forte de la contre-culture numérique
Dans le passé, quelques exemplaires avaient pu être extraits de Corée du Nord et l’année dernière lors de cette même conférence, des images de ce système d’exploitation avaient été dévoilées, et mais c’est la première fois que Redstar OS est décortiqué en profondeur.
Ce dernier comporte tous les outils qu’on peut attendre d’un système d’exploitation moderne : un navigateur Internet, un traitement de texte, un antivirus… Le tout dans un design qui ressemble étrangement à Mac OS, d’Apple.
Mais deux fonctionnalités montrent à quel point le régime veut contrôler les activités des Nord-Coréens sur ces ordinateurs. Selon les chercheurs, Niklaus Schiess et Florian Grunow, à chaque fois qu’une clé USB contenant des fichiers multimédia est branchée à un ordinateur équipé de ce système, une marque unique et invisible leur est apposée. Le but de la manœuvre est simple : alors que le régime cherche absolument à contrôler les échanges clandestins de films et de musique occidentales dans le pays, il a trouvé là le moyen parfait de savoir qui et quand a transféré les fichiers interdits. Cela lui permet de « suivre qui a ce fichier, qui l’a créé, qui l’a ouvert », a expliqué M. Schiess au site spécialisé Motherboard.
Un autre dispositif permet de détecter tout changement fait au code de ce système d’exploitation : si l’utilisateur essaie d’une quelconque façon d’en modifier, même marginalement, le fonctionnement, l’ordinateur redémarre ou devient inutilisable.
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De quoi avons-nous besoin ? L’homme qui vit pour manger, boire, dormir, se vêtir, se promener, se donner enfin tout ce qu’il peut se donner, qu’il soit le parasite couché au soleil, l’ouvrier buveur, le bourgeois serviteur de son ventre, la femme absorbée dans ses toilettes, le viveur de bas étage ou le viveur de marque, ou qu’il soit simplement l’épicurien vulgaire, mais bon garçon, trop docile aux besoins matériels, cet homme-là, disons-nous, est engagé sur la pente du désir, et cette pente est fatale. Ceux qui la descendent obéissent aux mêmes lois que les corps roulant sur un plan incliné. En proie à une illusion sans cesse renaissante, ils se disent: encore quelques pas, les derniers, vers cet objet là-bas qui attire notre convoitise… Puis nous nous arrêterons. Mais la vitesse acquise les entraîne. Plus ils vont, moins ils peuvent lui résister. Voilà le secret de l’agitation, de la rage de beaucoup de nos contemporains. Ayant condamné leur volonté à être l’esclave de leurs appétits, ils reçoivent le châtiment de leurs œuvres. Ils sont livrés aux fauves désirs, implacables, qui mangent leur chair, broient leurs os, boivent leur sang et ne sont jamais assouvis. Je ne fais pas ici de morale transcendante, j’écoute parler la vie en notant au passage quelques-unes des vérités dont tous les carrefours nous répètent l’écho. L’ivrognerie, si inventive pourtant de breuvages nouveaux, a-t-elle trouvé le moyen d’éteindre la soif? Non, on pourrait plutôt l’appeler l’art d’entretenir la soif et de la rendre inextinguible. Le dévergondage émousse-t-il l’aiguillon des sens? Non, il l’exaspère, et convertit le désir naturel en obsession morbide, en idée fixe. Laissez régner vos besoins et entretenez-les, vous les verrez se multiplier comme les insectes au soleil. Plus vous leur avez donné, plus ils demandent. Il est insensé celui qui cherche le bonheur dans le seul bien-être. Autant vaudrait entreprendre de remplir le tonneau des Danaïdes. À ceux qui ont des millions il manque des millions, à ceux qui ont des mille, il manque des mille. Aux autres il manque des pièces de vingt francs ou de cent sous. Quand ils ont la poule au pot ils demandent l’oie, quand ils ont l’oie ils voudraient la dinde et ainsi de suite. On ne saura jamais combien cette tendance est funeste. Il y a trop de petites gens qui veulent imiter les grands, trop d’ouvriers qui singent le bourgeois, trop de filles du peuple qui font les demoiselles, trop de petits employés qui jouent au clubman et au sportsman, et dans les classes aisées et riches, trop de gens qui oublient que ce qu’ils possèdent pourrait servir à mieux qu’à s’accorder toutes sortes de jouissances pour constater après qu’on n’en a jamais assez. Nos besoins, de serviteurs qu’ils devraient être, sont devenus une foule turbulente, indisciplinée, une légion de tyrans au petit pied. On ne peut mieux comparer l’homme esclave de ses besoins qu’à un ours qui a un anneau dans le nez et qu’on mène et fait danser à volonté. La comparaison n’est pas flatteuse; mais avouez qu’elle est vraie. C’est par leurs besoins qu’ils sont traînés, tant de gens qui se démènent, crient et parlent de liberté, de progrès, de je ne sais quoi encore. Ils ne sauraient faire un pas dans la vie, sans se demander si cela ne contrarie pas leurs maîtres. Que d’hommes et de femmes sont allés, de proche en proche, jusqu’à la malhonnêteté, pour la seule raison qu’ils avaient trop de besoins et ne pouvaient pas se résigner à vivre simplement! Il y a dans les cellules de Mazas nombre de pensionnaires qui pourraient nous en dire long sur le danger des besoins trop exigeants. Laissez-moi vous conter l’histoire d’un brave homme que j’ai connu. Il aimait tendrement sa femme et ses enfants, et vivait en France, de son travail, dans une jolie aisance, mais qui était loin de suffire aux besoins luxueux de son épouse. Toujours à court d’argent, alors qu’il aurait pu vivre largement avec un peu de simplicité, il a fini par s’expatrier dans une colonie lointaine où il gagne beaucoup d’argent, laissant les siens dans la mère patrie. Je ne sais ce que cet infortuné doit penser là-bas; mais les siens ont un plus bel appartement, de plus belles toilettes, et un semblant d’équipage. Et pour le moment leur contentement est extrême. Mais ils seront bientôt habitués à ce luxe après tout rudimentaire. Dans quelque temps madame trouvera son ameublement mesquin, et son équipage pauvre. Si cet homme aime sa femme comme il n’en faut point douter, il émigrera dans la lune pour avoir un plus gros traitement.—Ailleurs les rôles sont renversés, c’est la femme et les enfants qui sont sacrifiés aux besoins voraces du chef de famille à qui la vie irrégulière, le jeu et tant d’autres folies coûteuses font oublier ses devoirs. Entre ses appétits et son rôle paternel il s’est décidé pour les premiers et lentement il dérive vers l’égoïsme le plus vil. Si vous souhaitez en savoir plus, je vous laisse le lien vers le site de l’agence séminaire à Deauville, réunion annuel sur le thème.
Interdits en France depuis l’embargo européen de juin 2014, vingt-cinq vins de Crimée ont été goûtés le 15 décembre à la résidence de l’ambassadeur de Russie, à Paris, lors d’une soirée de dégustation.
Pour parvenir jusqu’aux tables de l’ambassade parisienne de Russie, vingt-cinq cuvées venues de Crimée pour être servies à des invités triés sur le volet ont dû voyager par valise diplomatique. Depuis dix-huit mois, les vins de cette région sont interdits en France. A la suite du rattachement de la Crimée à la Russie, le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne a interdit l’importation de marchandises originaires de la région à compter du 25 juin 2014.
La Crimée produit des vins depuis plus de trois mille ans, avec une formidable explosion sous le règne du tsar Nicolas II, amoureux de beaux flacons. Aujourd’hui, les vignobles sont regroupés dans la région de Massandra, près de Yalta, à l’extrême sud, un bord de mer où le climat, très méditerranéen, favorise la production de vins sucrés, souvent mutés. Il s’en vendait quelques centaines de bouteilles en France chaque année, à des amateurs avertis.
La dégustation chez l’ambassadeur russe était organisée par Michel-Jack Chasseuil, un grand collectionneur de vins anciens. Retraité des industries Dassault, il possède entre autres un millier de vins de Crimée, achetés patiemment depuis 1997. « Jusqu’à l’an dernier, j’y allais au moins deux fois par an. On me connaît bien à la cave de Massandra. J’y achetais régulièrement des bouteilles de la réserve personnelle du tsar. La dernière date d’ailleurs de 1894. Mais cette année, tout a changé. »
Il a d’abord fallu obtenir un visa « et ce n’était pas simple ». Une fois sur place, il prépare ses emplettes, mais surprise : « Les cartes de crédit françaises sont bloquées là-bas ! Impossible d’acheter la moindre bouteille. » De toute façon, il lui aurait été interdit de les rapporter en France. Pour autant, Michel-Jack Chasseuil n’a pas renoncé. « Pour moi, ce sont les plus grands liquoreux du monde, je me donne comme mission de les faireconnaître en France. »
Le gratin des dégustateurs
Il fait part de son désappointement au ministre de l’agriculture de Crimée, qui fait envoyer gracieusement des caisses au siège du ministère moscovite, qui l’achemine à son tour vers l’ambassade à Paris, contre la promesse d’une soirée réunissant le gratin des dégustateurs.
Comme les vins ne peuvent pas sortir de l’ambassade, ce sont les invités qui viennent. Parmi la petite centaine de convives réunis ce soir-là, le meilleur sommelier du monde Olivier Poussier, les producteurs Loïc Pasquet (Liber Pater) et Gérard Chave, le sénateur Jean Bizet ou encore Laurent Dassault. Au menu, vingt vins des caves de Massandra et cinq cuvées de la vallée du Soleil – les œnologues invités sont, eux, restés bloqués en Crimée faute de passeport valide.
Si les amateurs se sont extasiés sur la qualité des vins, la dégustation n’a pas réjoui tout le monde : les mouvements de soutien à l’Ukraine ont dénoncé sur les réseaux sociaux cette soirée « à base de vins volés ». En septembre dernier, le parquet ukrainien a ouvert une enquête judiciaire pour « appropriation de biens publics » après la dégustation par Vladimir Poutine et l’ex-premier ministre italien Silvio Berlusconi d’un xérès datant de 1775 lors de leur visite dans la péninsule de Crimée, une des cinq bouteilles du cœur de la collection de Massandra. Trois jours après la soirée à l’ambassade, l’Union européenne a voté la prolongation des sanctions économiques pour six mois supplémentaires.
Récompensé par le prix Nobel pour sa transition démocratique, le pays applique encore des lois héritées de la dictature qui permettent la détention de milliers de personnes.
Ils sont la mauvaise conscience de la transition démocratique tunisienne. Et le caillou dans les mocassins d’un Prix Nobel de la paix. Ala Eddine Slim, Fakhri El-Ghezal et Atef Maatallah sont trois artistes tunisiens, âgés de 30 à 35 ans, porte-drapeau de cette nouvelle génération qui ne s’est pas faite à l’idée que le « printemps » de 2011 était une parenthèse close. Au moment où leur pays s’enorgueillit d’avoir été couronné par le comité d’Oslo pour la réussite de sa démocratisation, seule « révolution arabe » à avoir survécu, les trois jeunes gens ont été condamnés à Nabeul (nord-est), le 25 novembre, à un an de prison et 1 000 dinars (450 euros) d’amende pour… détention de stupéfiants.
La sentence a fait l’effet d’une douche froide en Tunisie, où Ala Eddine Slim, Fakhri El-Ghezal et Atef Maatallah sont connus pour leur œuvre tout autant que pour leur combat contre l’archaïsme des politiques du ministère de la culture. Lundi 21 décembre, rebondissement : saisi en appel, le tribunal de Nabeul les acquitte.
Mais l’affaire est emblématique. Elle illustre à quel point la démocratie est fragile, incertaine, paradoxale en Tunisie. Un mélange de vraies percées – en particulier pour la liberté d’expression –, de lois coercitives conservées de l’ancien régime et, dans certains cas, de franches régressions.
Le 10 décembre, la condamnation à trois ans d’emprisonnement de six étudiants de Kairouan (centre) pour homosexualité avait ajouté à l’inquiétude des milieux de défense des droits de l’homme en Tunisie.
Entre anti-terrorisme et archaïsme
Dans le cas des trois artistes de Nabeul, l’affaire de stupéfiants se mêle à un contexte sécuritaire de lutte antiterroriste, dans un cocktail révélateur de l’air du temps. Le 19 novembre, Atef Maatallah, peintre et dessinateur, et Fakhri El-Ghezal, photographe et plasticien, rendaient visite à leur ami Ala Eddine Slim, réalisateur, dans sa maison de Nabeul.
Les trois artistes portent la barbe bohème. Problème : dans la Tunisie de 2015, confrontée à une série sans précédent d’attentats djihadistes, qui ont fait un total de 72 morts, la crispation sécuritaire est telle que porter la barbe est devenu suspect, surtout quand l’attribut est le fait d’un groupe. Aussi le va-et-vient régulier de barbus dans la maison d’Ala Eddine Slim a-t-il apparemment attiré l’attention de certains riverains soupçonneux. Tout indique que la maison était déjà surveillée par la police. Et lorsque ce 19 novembre, les amis de passage sortent de la voiture une valise à caméra, le détail semble précipiter les choses. Une quinzaine de policiers foncent sur la maison, pensant démanteler une cellule terroriste. Ils ne découvrent qu’une bande de créateurs en train de boire de la bière.
Le mobile politique s’effondre. Mais la police et la justice en Tunisie disposent d’une redoutable arme juridique pour se rattraper : la fameuse loi 92-52. Communément appelée « loi 52 », cette disposition du code pénal prévoit une peine de un à cinq ans de prison et une amende oscillant entre 1 000 et 3 000 dinars contre tout consommateur ou détenteur « de plantes ou matières stupéfiantes » « à usage de consommation personnelle ». Sommés de se livrer à un test d’urine, les trois artistes refusent afin de « garder le contrôle de leur intégrité physique », rapporte le documentariste Belhassen Handous, qui se mobilise avec d’autres pour dénoncer cette affaire. Incapable de prouver la « consommation » de drogue, le tribunal de Nabeul condamne néanmoins Ala Eddine Slim, Fakhri El-Ghezal et Atef Maatallah pour « détention ».
Lire aussi (édition abonnés) :En Tunisie, un raidissement sécuritaire généralisé
11 000 prisonniers victimes de la “loi 52”
L’acquittement du 21 décembre ne règle pas la question de fond : le maintien de cette loi 52 dans une Tunisie censée établir sa démocratie. « Cette loi régressive adoptée en 1992 avait clairement pour objet de contrer les adversaires de Ben Ali, commente Yosra Nafti, l’épouse d’Ala Eddine Slim. Il faut espérer que cette affaire va vraiment fairebouger les choses et que cette loi finira par être abrogée. »
Selon les Nations unies, la moitié des 13 000 personnes en détention provisoire et le tiers des 11 000 prisonniers en Tunisie ont été arrêtés en vertu de cette loi anti-toxicomanie. Les partisans de son abrogation mettent en avant l’effet destructeur d’une telle politique pénale sur toute une jeunesse, exposée au cauchemar carcéral pour un simple joint. Face à leur mobilisation, les promesses d’hommes politiques et de certains ministres de la justice n’ont pas manqué. Aucun n’a pourtant eu le courage de joindre l’acte à la parole, nourrissant une profonde amertume au sein de la société civile tunisienne. « L’ancien régime est de retour, dénonce Belhassen Handous. On assiste
à une régression des libertés. Une chape de plomb est en train de s’abattre au nom de la lutte antiterroriste. »
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Benki Piyako n’a pas attendu la COP21 pour défendre l’environnement. Il a parcouru la planète pour alerter sur la déforestation de sa région natale, l’Amazonie, prôner la protection des terres et la sauvegarde des savoirs indigènes.
Il avait décidé de venir jusqu’à Paris pour défendre la terre lors de la COP21. Mais il a renoncé. « On a tué beaucoup de gens », dit-il, lapidaire, en évoquant les attentats parisiens du 13 novembre. L’Indien Benki Piyako n’imaginait pas parler des ravages de la pollution en entendant au loin le bruit des bombes, en Syrie. Cacique du peuple Asháninka, population indigène de l’Amazonie répartie entre le Brésil et le Pérou, ce quadragénaire est le fils d’une Blanche, descendante de seringueiros (récolteurs de latex), et d’un chef indien. Il est surtout devenu au Brésil un acteur majeur de la défense de l’environnement, en lutte contre les absurdités du monde moderne. « Une figure dans la région », souligne l’anthropologue Marcelo Piedrafita.
A 18 ans, il se lève contre le “crime écologique”
Nous avons rencontré Benki fin novembre à Marechal Thaumaturgo, petite ville d’agriculteurs modestes, à une journée de bateau de l’aéroport de Cruzeiro do Sul, dans l’Etat d’Acre. Assis sur une chaise en plastique, assommé par la moiteur de l’été tropical, il nous a raconté le parcours qui a fait de lui une voix de la nature. « Une longue histoire », a-t-il prévenu. Né dans la forêt, il a connu son premier choc en 1992. Pour se rendre au Sommet de la Terre à Rio et défendre son peuple attaqué par les coupeurs de bois, les éleveurs de bétail et les trafiquants de drogue, Benki a pris l’autobus. « Je voulais voir. » Mais ce qu’il a vu n’était rien d’autre qu’« un grand désastre », juge-t-il. Sur le chemin, les villes au béton sali, les fleuves à l’odeur répugnante, les kilomètres de terre saccagée, de forêt dévastée. A Rio, du haut de ses 18 ans, il explique aux grands de ce monde que « l’homme mourra de son propre venin ».
Vingt ans plus tard, son pays vient de vivre l’une de ses pires catastrophes écologiques. Une avalanche de boue toxique a englouti plusieurs villages de l’Etat du Minas Gerais et coule maintenant dans le fleuve Rio Doce pour se déverser dans la mer, asphyxiant les poissons, tuant les tortues, polluant les fonds. Il faudra dix ans, pensent les experts, pour réparer les dommages. A l’origine, la rupture de deux barrages construits par le groupe minier Samarco, détenu par les géants brésilien Vale et anglo-australien BHP Billiton. L’entreprise est accusée d’avoir sacrifié la nature pour quelques points de rentabilité. « Le fleuve est contaminé. Ce qui arrive n’est malheureusement pas une surprise », soupire Benki, dénonçant « l’irresponsabilité des industriels », auteurs d’un « crime écologique ».
1992 n’a pas été que l’année du Sommet de la Terre à Rio. Pour le peuple Ashaninka, anéanti à près de 80 % à la fin du XIXe siècle, elle a été synonyme d’une victoire : ils ont obtenu la reconnaissance de leur territoire. Leur terre est aujourd’hui protégée par la Funai [la Fondation nationale de l’Indien, un organisme gouvernemental brésilien, NDLR], mais elle n’en reste pas moins assaillie par les trafiquants de bois précieux venus du Pérou. Au début des années 2000, Benki a remis ses peintures de guerre pendant cinq ans, avec son père et ses six frères et sœurs. Il a parcouru la planète, contacté Greenpeace, s’est rendu à Brasilia et a fini par l’emporter. « Tout le monde voulait me tuer », raconte-t-il.
“C’est un être rare. Opérationnel, honnête. Il donne confiance.” Tristan Lecomte, fondateur de PurProjet, organisation pour la reforestation
Depuis, Benki partage son temps entre différents projets de reforestation menés avec le soutien de PurProjet, une organisation financée par de grandes entreprises. L’un des sites, le centre Raio do Sol (« rayon du soleil ») est géré par l’association Apiwtxa, Jovens guerreiros da paz e da floresta, les jeunes guerriers de la paix et de la forêt. Des adolescents blancs, noirs ou métisses que Benki tente de soustraire à la tentation du trafic de cocaïne qui séduit les enfants désœuvrés. « Ils sont le futur et maintenant, ils sont avec moi. »« C’est un être rare », dit de lui Tristan Lecomte, fondateur de PurProjet qui a été séduit par son travail avec les jeunes. « Opérationnel, honnête. Il donne confiance », dit-il.
Quand il ne débroussaille pas dès l’aube, ce père de deux enfants de 6 et 18 ans offre des remèdes aux malades du village. Ce jour-là, une vieille femme est venue chercher l’herbe qui vaincra ses rhumatismes. « Il y a aussi des plantes contre le diabète, le cholestérol », explique l’Amérindien. Soigneur, confident, Benki convie aussi une partie du village à des veillées « ayawaska », une plante hallucinogène utilisée par les chamanes et connue pour ses vertus curatives. « Afin de rééquilibrer son esprit », dit-il. Benki Piyako a travaillé plusieurs années avec un chercheur de la prestigieuse université de São Paulo (USP) pour recenser les savoirs de son peuple et les enseigner aux générations futures.
Benki Piyako explique les projets de protection de la nature menés avec l’organisation PurProject (janvier 2014)
Récompensé du prix des droits de l’homme pour la défense de son peuple au Brésil, Benki n’a rien de la vision romantique et désuète d’un grand chef à plumes affolé par la technologie. Il s’accommode du capitalisme tout en s’en démarquant. Le village des Ashaninka dispose d’une connection Internet, notamment pour prévenir les militaires brésiliens en cas d’attaques de trafiquants. L’Indien a aussi une page Facebook créditée de plus de 800 amis, et son téléphone portable sonne en permanence. Lorsqu’il est las de répondre, son assistante Naiana Gomes Bezerra prend le relais. Défendre la planète est un job à plein temps. S’il n’est pas allé à Paris, il ira à Rio, São Paulo et ailleurs pour fairecomprendre aux arrogants que « l’eau que l’on boit vient du fleuve et que la nourriture que l’on mange vient de la terre ».
Lire aussi :En Amazonie, les Asháninka, guerriers de la paix et de la forêt
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Dans le monde entier, les soutiens au blogueur saoudien condamné à dix ans de prison et 1 000 coups de fouet pour « injures envers l’islam » se mobilisent. Le prix Sakharov pour la liberté d’expression, décerné par le Parlement européen, vient de lui être remis par l’intermédiaire de son épouse.
C’est une vidéo volée, filmée par un trou de souris, entre l’épaule d’un spectateur et la nuque d’un autre (voir ci-dessous). Elle montre un homme de dos, en chemise blanche et pantalon noir, en train de se fairebattre par un policier, au milieu d’un attroupement. La scène se déroule devant une mosquée de Djedda, sur la côte ouest de l’Arabie saoudite, au mois de janvier 2015. « Il parlait d’Allah et du Prophète », commente une voix d’homme. « Il aurait dû être décapité », poursuit une autre.
Le châtiment est administré à l’aide d’un bâton effilé, semblable à une baguette mais en plus long, qui vise d’abord les jambes puis le dos du condamné. Vingt, trente, quarante… Les coups pleuvent en faisant un petit bruit sec. Au cinquantième, la bastonnade se termine sous les applaudissements de la foule. Elle a duré quarante secondes. L’homme à la chemise blanche est resté debout pendant toute la séance.
Libre-penseur, animateur d’un forum en ligne
Il s’appelle Raef Badawi. Ce libre-penseur de 31 ans, animateur d’un forum de débat en ligne, a été condamné en mai 2014 à dix ans de prison et à 1 000 coups de fouet, distribués en vingt séances de 50 coups chacune : la vidéo a été prise lors de la première.
Sur son site de discussion, Free Saudi Liberals (Libérez les Saoudiens libéraux), l’impertinent Raef tournait en dérision la Mouttawa, la police religieuse, et publiait des affirmations aussi subversives que « musulmans, chrétiens, juifs et athées sont tous égaux ». De quoi nourrir une condamnation pour « insultes envers l’islam » dans le pays des deux mosquées sacrées (La Mecque et Médine), où l’islam wahhabite, ultrarigoriste, ne souffre aucune contestation.
Depuis ce verdict et, surtout, depuis la sinistre vidéo du 9 janvier, les appels à la clémence se multiplient. A chacun son style. Les capitales occidentales, dont certaines entretiennent des relations très étroites avec le royaume saoudien, s’expriment avec parcimonie, à mots choisis, en privilégiant les démarches discrètes aux déclarations fracassantes. C’est le cas de Paris, qui a fait des pétrodollars saoudiens la cible de prédilection de sa diplomatie économique.
Les militants de la société civile et les organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas ces pudeurs. Sur Internet, un immense élan de solidarité est né. En l’espace de quelques mois, le blogueur emprisonné a reçu pas moins de sept prix pour la liberté d’expression, dont le plus prestigieux d’entre eux, le prix Sakharov, décerné par le Parlement européen. Un parlementaire norvégien a même proposé de lui remettre le prix Nobel de la paix, en même temps qu’à son avocat, Waleed Abou Al-Kheir, autre critique du clergé wahhabite, également emprisonné.
Lire aussi : Samar Badawi, l’effrontée de l’Arabie saoudite
Une mobilisation qui a porté ses fruits : la seconde séance de flagellation a été repoussée sine die au motif que l’état de santé de Raef Badawi ne le permettait pas. Un prétexte destiné à dissimuler la reculade du royaume. Le roi Salman, arrivé au pouvoir au début de l’année, répugnait visiblement à entacher le début de son règne par un scandale international.
Mais sur le fond, Riyad n’a pas fléchi. En juin la Cour suprême saoudienne, saisie par les défenseurs du jeune homme, a confirmé la peine initiale. Le mois de Ramadan, propice aux pardons, s’est achevé mi-juillet sans la moindre avancée. A tout moment, les coups de trique peuvent donc recommencer.
Dans les cercles dirigeants saoudiens, la mobilisation des Occidentaux en faveur de Badawi provoque des réactions presque aussi épidermiques que celle concernant l’interdiction faite aux femmes de conduire. Le royaume rejette avec un agacement croissant ce qu’il considère comme une « ingérence dans ses affaires intérieures ».
.@Europarl_EN awarding #SakharovPrize to @raif_badawi exposes EU silence on #Saudi human rights abuses https://t.co/UpWjTQmQYT #FreeRaif
— AmnestyEU (@Amnesty EU)
Le Prix Sakharov décerné par le Parlement européen à Raef Badawi met en lumière le silence de la Communauté européenne sur le problème des droits de l’homme en Arabie saoudite, dénonce ce tweet d’Amnesty International, le 16 décembre 2015
Les libéraux saoudiens ne sont eux-mêmes pas toujours très à l’aise avec ces pressions. « Elles risquent de porter tort aux Saoudiens qui poussent discrètement pour la libération de Raef, estime le sociologue Khalid Al-Dakhil. Le gouvernement ne cédera pas à une demande extérieure. »
Selon son épouse, Ensaf Haidar, qui vit en exil au Canada avec leurs trois enfants et a reçu, le 16 décembre, le prix Sakharov à la place de son mari, celui-ci a commencé une grève de la faim à la mi-décembre. Le pouvoir saoudien n’a pas fini d’entendre parler de sa bête noire.
La chancelière allemande est passée du statut de dame de fer à celui de “Mutti” en se montrant aussi ferme dans ses négociations avec la Grèce que dans sa volonté d’accueillir les réfugiés.
A t-elle dépassé ses propres frontières ? Longtemps louée par ses pairs et ses concitoyens pour son implacable rationalité, Angela Merkel a, paradoxalement, été élue « personnalité de l’année » par le magazine américain Time pour avoir pris l’une de ses décisions les plus surprenantes depuis son arrivée au pouvoir, en 2005 : l’accueil sans limite de réfugiés à partir du mois de septembre 2015.
De Bagdad à Kaboul, la chancelière allemande a fini par apparaître comme une héroïne. Elle est devenue celle qui ouvre aux persécutés les portes d’un des pays les plus prospères du monde. Plus d’un million de réfugiés ont déposé en 2015 une demande d’asile en Allemagne, contre environ 200 000 les années précédentes. Sa décision n’est pas qu’une bravade, elle découle d’une véritable vision du monde à venir.
Une certaine vision de la mondialisation
Elevée en Allemagne de l’Est, la chancelière sait mieux que quiconque qu’aucun mur ne résiste à la pression populaire. Pour cette fille de pasteur, les 500 millions d’Européens ne peuvent plus se permettre d’ignorer la misère et les souffrances à leur porte. La pression des réfugiés politiques et économiques aujourd’hui et des réfugiés climatiques demain est devenue telle que murer durablement l’Union n’est pas une solution.
Par ailleurs, aux yeux d’Angela Merkel, adepte du libre-échange économique et de la libre circulation des personnes, ces réfugiés incarnent, à leur corps défendant, la mondialisation. En en accueillant des milliers, l’Allemagne paie finalement son dû à une globalisation qui, depuis des décennies, fait la fortune du made in Germany.
Ce faisant, elle a pris un risque politique considérable. Portée aux nues par la presse internationale, pressentie un temps pour le Nobel de la paix, elle se retrouve de fait sur la défensive. Si une partie des Allemands, notamment les chefs d’entreprise, voient d’un bon œil ces réfugiés qui peuvent, à moyen terme, combler le déficit démographique du pays, d’autres s’inquiètent.
“Tous mes amis sont partagés. D’un côté, ils sont pour l’accueil des réfugiés, de l’autre, ils disent que c’est une folie.”Un responsable de la Fondation Friedrich-Ebert
Les plus modestes craignent une baisse de leurs prestations sociales. Même les plus optimistes jugent l’arrivée de centaines de milliers de jeunes hommes célibataires problématique à terme. Déjà, des parents hésitent à laissersortir seules leurs filles le soir… « Tous mes amis sont partagés, observe un responsable de la Fondation Friedrich-Ebert, proche du Parti social-démocrate (SPD). D’un côté, ils sont pour l’accueil des réfugiés, de l’autre, ils disent que c’est une folie. »
Et de pointer une conséquence de cette politique : « On va avoir en Allemagne un parti populiste à la droite de la CDU. » Sorte de Front national allemand, le mouvement Alternative pour l’Allemagne (AfD) est crédité d’environ 10 % dans les sondages. De plus, plus de 800 attaques ont été dénombrées en 2015 contre des foyers de réfugiés. Quatre fois plus qu’en 2014.
Des alliés traditionnels déroutés
Si Angela Merkel refuse toujours de fixer une limite au nombre de réfugiés que l’Allemagne peut accueillir, elle a lâché du lest lors du congrès de la CDU. La chancelière a précisé qu’il fallait désormais « réduire l’afflux de réfugiés » car « l’Etat comme la société » risquent d’être « trop sollicités ». Une inflexion est donc en cours…
Angela Merkel s’est aussi mis à dos ses alliés, les conservateurs européens, qui goûtent peu sa politique migratoire. Sans parler des pays d’Europe de l’Est qui, jusqu’à présent, suivaient à peu près la politique européenne de l’Allemagne, et figurent désormais parmi ses plus farouches adversaires. La tentative d’Angela Merkel de répartir« équitablement » les réfugiés en Europe s’est même soldée par un fiasco.
Certes, en Allemagne, la popularité de la chancelière n’a pas plongé. Elle a même été acclamée comme jamais par son parti lors du congrès du 14 décembre. Mais elle a suffisamment régressé dans l’opinion pour qu’une quatrième candidature de « Mutti » à la chancellerie soit désormais loin d’être une évidence. Héroïne, peut-être. Consensuelle, de moins en moins.
Cet animateur jeunesse d’Argenteuil, avec son association Force des mixités, fourmille d’idées pour stimuler les quartiers en difficulté.
Lorsqu’on le rencontre, avec son air timide et ses épaules qui tanguent à chaque pas, on a du mal à reconnaître le beau gosse un peu frimeur qui parade sur le site de l’association Force des mixités (FDM). Car à l’écran, ce trentenaire, animateur jeunesse à Argenteuil, ne lésine pas. S’affichant en costume noir et chemise blanche, lunettes à la Malcolm X, le regard planté dans vos yeux. L’image suivante, il pose en doudoune moulante au côté de Zinédine Zidane.
Ce matin de décembre, le jeune homme se contente d’un jogging noir et se fraie un chemin entre les tables de la cafétéria Carrefour de Sartrouville. Depuis que le Franprix a fermé, il n’y a plus de café ouvert le matin sur la grande dalle d’Argenteuil. Il a dû plier son mètre quatre-vingt-dix-huit dans sa Smart bleu marine pour trouver un endroit où se poser dans cette banlieue bétonnée du Val-d’Oise. A côté de turfistes chibanis, qui se serrent à la table voisine, le trentenaire raconte son histoire et celle de la Dictée des cités.
Vitor Hugo ou Saint-Exupéry au pied des barres de HLM
Voilà deux ans et demi qu’Abdellah Boudour réussit à fairetranspirer des gamins de banlieue sur des textes de Victor Hugo ou de Saint-Exupéry lors de gigantesques dictées en plein air. Et en plus ils semblent y prendre plaisir. Les enfants et les ados écoutent, torturent leur stylo Bic, raturent et se soufflent discrètement les réponses. On y croise même des adultes – mamies bien mises, grands-pères à casquette ou mères voilées –, qui s’y amusent tout autant. Rassembler ainsi dans une compétition d’orthographe des dizaines d’habitants au pied de leurs barres d’immeubles, ça n’était pas gagné.
Dans ces quartiers populaires, on a plus l’habitude de se tester lors de battles sur des rimes de rap ou de figures de street dance qu’à coups de participes passés ou de subjonctifs. Quand le jeune homme, secondé par l’auteur de polars Rachid Santaki, a lancé la première édition de la Dictée des cités, un soir d’août 2013, lui-même n’y croyait pas. Il voulait faire une action autour de la littérature dans sa cité. Pour changer du hip-hop et de la boxe. Il a distribué ses flyers, alpagué les enfants un par un, avec d’autres bénévoles de son association. « On avait emprunté 40 chaises et on s’est retrouvé avec 250 personnes assises par terre, une feuille sur les genoux », sourit-il.
Il se souvient encore des visages plein d’excitation, attendant le verdict d’un « zéro faute ». Il y avait une paire de Nike Air Jordan à la clé. Depuis, il se promène de ville en ville. Des quartiers nord de Marseille à La Courneuve, Stains, Toulouse-le Mirail, Strasbourg-la Meinau… Trente-trois dictées ont été organisées. La dernière, à Saint-Denis, a réuni près de mille participants, dont Myriam El Khomri, alors secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, Valérie Pécresse, le comique Booder, ou le boxeur Grégory Choplin.
Abdellah Boudour, fils d’un chauffeur de poids lourd et d’une secrétaire, tous deux venus d’Algérie à la fin des années 1970, n’était pourtant pas porté sur les études. Comme beaucoup de ses camarades, il a décroché au lycée, préférant courir après un ballon plutôt que lire des livres. Avec ses potes de la cité la Haie-Normande, une des barres du grand ensemble HLM, il anime aussi des tournois de football pour les enfants qui ne partent pas en vacances.
Un passage éclair en politique, avec Rachida Dati
Il était là, le 25 octobre 2005, quand Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et futur candidat à la présidentielle, a fait sa fameuse virée sur la Dalle à Argenteuil, lâchant son célèbre : « On va vousdébarrasser de la racaille ! » Abdellah s’est alors avancé, tentant d’argumenter : il y a aussi des jeunes qui veulent réussir dans les quartiers. Lui est sans diplôme, explique-t-il, mais plein d’ambition. Le lendemain, il est convié au cabinet du ministre, Place Beauvau. Le jeune Argenteuillais va servir durant quelques mois de boîte à idées à Rachida Dati. Ce sera l’une de ses rares incursions politiques. « C’est pas fait pour moi. Je préfère rester autonome, sinon je n’aurai plus de crédibilité. J’en ai vu tellement des associations champignons », lâche-t-il.
La même année, il fonde Force des mixités (FDM) avec ses amis du quartier. Ses modèles sont Jamie Hector ou Sonja Sohn, deux acteurs noirs de la série américaine « The Wire », investis dans l’aide aux quartiers déshérités de Baltimore. Mais il dit aussi son admiration pour la patronne de Fimalac et présidente de l’association Force Femmes, Véronique Morali. « Il a appris les outils de la com’ et se débrouille assez bien », s’amuse son ami d’enfance Djamel Mazi, aujourd’hui journaliste à iTélé.
“Il suffit de regarder autour de soi dans le quartier pour trouver quoi faire. On voit bien qu’il y a trop de petits dehors, que les mamans ne s’en sortent pas, que les papis sont seuls.”
Avec son association, Abdellah est un touche-à-tout de l’engagement. Commençant par l’aide aux devoirs et les tournois de foot, enchaînant avec la collecte de fournitures scolaires puis celle de denrées alimentaires, organisant des séances de sensibilisation sur les femmes battues, embrigadant des gamins pour porter les packs d’eau pour les retraités lors de la sécheresse… « Il suffit de regarder autour de soi dans le quartier pour trouver quoi faire. On voit bien qu’il y a trop de petits dehors, que les mamans ne s’en sortent pas, que les papis sont seuls », raconte le trentenaire de sa voix douce. Avec son sens de l’image – il associe toujours une célébrité du cru, inonde les réseaux sociaux –, le jeune homme parvient à intéresser les médias et commence à se faire un nom.
Ses projets se succèdent. Au plus près du terrain, et en se tenant loin des élus. Le militant n’en démordra pas, malgré les appels du pied des maires successifs. « C’est un acteur associatif qui sort du lot parce qu’il voit grand », remarque Nabil Koskossi, directeur du service jeunesse d’Argenteuil. L’avis est partagé par le rappeur Mac Tyer, qui l’épaule lors de ses opérations caritatives : « Il vous pousse à croire que tout est possible. » En novembre, le « Bernard Pivot des cités » s’est mué en Alain Decaux, avec un nouveau concours pour parler histoire de France dans les quartiers : « La France en questions », un quiz culturel pour « mettre en avant l’histoire de France, la République, après les attentats ». Le premier prix est une PlayStation.
You Tube/Libertad Digital / Hospital Carlos Haya de Malaga
C’est une première en Europe, un homme a été opéré du cerveau sans anesthésie générale afin de pouvoir cartographier les zones de son cortex liées au langage musical. Le patient est resté réveillé pendant toute l’opération et a même joué du saxophone pendant qu’on lui retirait une tumeur cérébrale. Mercredi 16 décembre, la presse espagnole a rapporté l’exploit menée par une équipe de seize personnes : neurochirurgiens, neuropsychologues, neurophysiologues, anesthésistes et infirmiers de l’hôpital Carlos Haya de Malaga.
Concrètement, explique El Mundo, Carlos Aguilera, a été maintenu semi-conscient pendant les douze heures de l’intervention, y compris pendant la phase de résection de la tumeur. Il s’agissait de vérifier que la chirurgie ne touchait pas des zones qui affecteraient ses capacités musicales, pour limiter les risques de séquelles. L’opération a eu lieu le 15 octobre et a été présentée ce mercredi à la presse, en présence de l’intéressé, qui a interprété deux morceaux au saxophone, notamment la ballade jazz Misty qu’il avait déjà jouée le 15 octobre.
Cartographier son cortex cérébral
Le jeune homme de 27 ans avait commencé à ressentir des nausées il y a quelques mois. Trente jours à peine après que sa tumeur a été diagnostiquée, il était opéré. Pendant l’intervention, la participation active de Carlos Aguilera était essentielle, aussi bien pendant la première phase, destinée à cartographier les zones de son cortex cérébral, que pendant la phase de résection de sa tumeur.
Il a notamment dû compter à plusieurs reprises de un à dix, lire des textes, une partition, et enfin jouer plusieurs morceaux, pendant que les médecins stimulaient l’aire du cortex où se situent les zones liées au langage musical, raconte le journal La Opinion de Malaga. « Lors de la phase finale, il était très important qu’il joue parce que nous intervenions sur une partie très proche du cortex auditif », explique le neurochirurgien Guillermo Ibanez.
A l’hôpital Carlos Haya, douze patients ont déjà été opérés ainsi, sans anesthésie générale, afin que soit réalisée une cartographie des zones du langage de leur cortex cérébral. Un homme a été opéré du cerveau en jouant du violon en 2010 aux Etats-Unis.
Cette technique est très utile, note le neurochirurgien, puisqu’elle permet la résection de zones plus grandes, ce qui diminue la probabilité de rechute.